Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... B... et Mme C... D... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, d'une part, la décision du 20 juillet 2015 par laquelle le maire de la commune de Salses-le-Château a refusé de leur délivrer un permis de construire aux fins de régularisation d'une extension et d'une piscine et, d'autre part, l'arrêté du 5 octobre 2015 par lequel le maire de cette commune a retiré sa décision de non opposition à déclaration préalable.
Par un jugement n° 1505093-1505876 du 24 octobre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2017, et un mémoire, enregistré le 24 septembre 2018, M. et Mme B..., représentés par Me H..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 octobre 2017 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler la décision du 20 juillet 2015 par laquelle le maire de la commune de Salses-le-Château a refusé de leur délivrer un permis de construire aux fins de régularisation d'une extension et d'une piscine ;
3°) d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2015 par lequel le maire de cette commune a retiré sa décision de non opposition à déclaration préalable ;
4°) d'enjoindre à la commune de Salses-le-Château de réexaminer leur demande dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Salses-le-Château la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur requête est recevable ;
- le tribunal a omis d'examiner le moyen tiré de la prétendue méconnaissance de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ;
- le jugement attaqué est entaché par un défaut d'examen des articles 1er et 11 du règlement de la zone NC du POS ;
- l'arrêté du 5 octobre 2015 contesté est insuffisamment motivé ;
- le délai prescrit par les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme a été méconnu dès lors qu'aucune fraude n'est établie ;
- ils n'avaient pas à inclure dans leur demande l'ensemble des travaux exécutés dès lors que l'immeuble d'origine était exempté de permis de construire pour une surface de 157 mètres carrés ;
- l'autorité de la chose jugée s'attache à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier du 17 novembre 2015 les relaxant des poursuites engagées à leur encontre pour la construction de l'extension litigieuse car ne créant pas de logement nouveau et n'étant qu'une extension de l'existant ;
- ils étaient en droit de régulariser a posteriori le changement de destination de l'immeuble ;
- les dispositions de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ne sont pas applicables en l'espèce ;
- le projet n'a pas méconnu les articles 1er et 11 du règlement de la zone NC du POS ;
- le maire de la commune ne pouvait pas exciper de la prétendue illégalité de la décision de non opposition des travaux pour rejeter la demande de permis de construire ;
- l'immeuble d'origine a été édifié en 1920, avant la loi du 15 juin 1943, date à laquelle n'était exigé aucun permis de construire, l'immeuble ayant été affecté à l'habitation plusieurs années auparavant par le vendeur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2018, la commune de Salses-le-Château, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable faute de ne soulever aucun moyen contestant la régularité du jugement attaqué ;
- le nouveau motif suivant est à substituer à titre subsidiaire : ne sont admises en zone NC que les constructions, habitations, activités existantes non liées à l'activité agricole sous réserve qu'il s'agisse de travaux d'aménagement ou d'extension mesurée, et pour ce qui concerne les habitations, sous la réserve complémentaire qu'il n'y ait pas création d'un nouveau logement et que les dispositions du règlement sanitaire départemental soient respectées. Dès lors, l'extension concernée par la demande de permis de construire conduit au doublement de la superficie de la construction initiale, à savoir de 150 à 300 mètres carrés, ces travaux ne pouvant être considérés comme relatifs à la réalisation d'une extension mesurée quand bien même elle pourrait le cas échéant être assimilée à la création d'un nouveau logement ;
- les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me H..., représentant les époux B....
Considérant ce qui suit :
1. Les époux B... ont acquis, le 30 janvier 2007, une propriété bâtie située sur la commune de Salses-le-Château. Le 7 juillet 2014, ils ont déposé une déclaration préalable de travaux pour la régularisation du changement de destination du bâtiment agricole existant en bâtiment à usage d'habitation. Cette déclaration a fait l'objet d'une décision tacite de non opposition née du silence gardé par le maire de la commune. Le 28 avril 2015, les intéressés ont présenté une demande de permis de construire pour la régularisation de travaux d'extension du bâtiment existant et création d'une piscine. Toutefois, le 20 juillet 2015, le maire de la commune de Salses-le-Château a refusé de leur délivrer ce permis et a, par arrêté du 5 octobre 2015, retiré pour fraude sa décision tacite de non opposition. M. et Mme B... relèvent appel du jugement rendu le 24 octobre 2017 par le tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêté et décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le tribunal n'était pas tenu de répondre au moyen tiré de la prétendue méconnaissance de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme concernant l'extension de l'urbanisation devant se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement, dès lors qu'il a jugé au point 20 de son jugement que l'autorité administrative aurait pris la même décision en se fondant sur le seul motif tiré de l'absence d'existence légale de la construction existante en tant que bâtiment à usage d'habitation. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'une omission de réponse à un moyen doit être écarté.
3. En deuxième lieu, eu égard au même motif évoqué au point 2, le tribunal n'a pas insuffisamment motivé son jugement en son point 20 au regard des dispositions de l'article 11 du règlement de la zone NC du POS relatives à l'aspect de la construction concernant l'orientation des ouvertures.
4. En troisième lieu, si les appelants soutiennent que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er du règlement de la zone NC du POS, ce moyen est inopérant dès lors que le maire se trouvait en situation de compétence liée pour rejeter la demande de permis de construire tendant la régularisation de l'extension à usage d'habitation d'un bâtiment agricole dont le changement de destination n'a fait à ce titre l'objet d'aucune autorisation.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité de la décision de retrait de la décision de non opposition à déclaration préalable de travaux :
5. Le 30 janvier 2007, M. et Mme B... ont acquis un bien immobilier d'une superficie de 2 443 mètres carrés, classée en zone NC du règlement du POS, au lieu-dit Mas Nou de la commune de Salses-le-Château. Sur cette parcelle est érigé un immeuble de 150 mètres carrés avec dépendances. Dans le courant de l'année 2007, les intéressés ont déposé une déclaration de travaux visant à modifier l'extérieur de la façade de la construction. Le maire de Salses-le-Château s'y est opposé par décision du 21 mai 2007. Néanmoins, ces travaux ont été réalisés. A partir de l'année 2011, les intéressés ont entrepris d'étendre la surface habitable de l'immeuble en lui adjoignant un séjour et une entrée, et ont ajouté une piscine, sans en demander l'autorisation, doublant ainsi la superficie du bien qui est passé de 150 à 290 mètres carrés. Le maire a alors constaté l'exécution de travaux sans permis et a pris un arrêté interruptif de travaux le 20 octobre 2011. Le 7 juillet 2014, M. et Mme B... ont déposé une déclaration préalable de changement de destination du bâtiment initial de 150 mètres carrés afin de régulariser la situation. Le maire de la commune de Salses-le-Château, par son silence, a laissé naître une décision tacite. Le 28 avril 2015, les intéressés ont déposé une demande de permis de construire de régularisation pour les travaux d'agrandissement. Le 20 juillet 2015, le maire a refusé le permis de construire sollicité. Puis il a retiré, le 5 octobre suivant, la décision tacite au motif qu'elle avait été obtenue par fraude.
6. En premier lieu, la décision du 5 octobre 2015 en litige a notamment visé les textes du code de l'urbanisme et le plan d'occupation des sols de la commune de Salses-le-Château. Cette décision a également indiqué que la déclaration préalable de travaux déposée le 7 juillet 2014 par M. B... était entachée par une fraude notamment au regard des travaux déjà exécutés sur sa parcelle. Ainsi, la décision contestée est suffisamment motivée en droit et en fait.
7. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme en vigueur à la date de la décision contestée : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ". Cependant un acte administratif obtenu par fraude qui ne crée pas de droits peut être abrogé ou retiré par l'autorité compétente pour le prendre, alors même que le délai ci-dessus mentionné qui lui est normalement imparti serait expiré. D'autre part, lorsqu'une construction a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé.
8. En l'espèce, la déclaration préalable déposée auprès du service instructeur par M. et Mme B... mentionnait un changement de destination d'une surface de 150 mètres carrés à destination agricole à une même surface de 150 mètres carrés dédiée à l'habitation. Il est précisé, dans la rubrique " courte description du projet ", qu'aucune modification n'est apportée à la construction, sachant que le volume et les façades sont conservés sans aucune création de surface. Les intéressés ont joint un document graphique ne faisant figurer que le seul bâtiment d'origine. Toutefois, il est constant qu'avaient été réalisés par les appelants, à cette date, sans autorisation d'urbanisme, des travaux portant la surface habitable à 140 mètres carrés supplémentaires et créant une piscine. Ces travaux n'ont fait l'objet d'aucune demande de permis de construire séparée qui aurait été déposée concomitamment, une telle demande n'ayant été présentée que le 28 avril 2015, après la naissance de la décision implicite de non opposition à déclaration préalable. En ne faisant pas état de la consistance réelle du bien faisant l'objet de la déclaration préalable durant l'instruction de cette dernière, les requérants ont fait une fausse déclaration, qui au regard de l'importance de la transformation, ne saurait être regardée comme une simple omission. Ainsi, par leur fausse déclaration, les requérants doivent être regardés comme ayant entendu tromper le service instructeur sur la consistance et la portée de cette dernière dans le but d'obtenir la régularisation d'une construction illégale. Si M. et Mme B... font valoir, d'une part, qu'un arrêt de la cour d'appel de Montpellier a prononcé leur relaxe concernant l'infraction portant sur la construction d'une extension à l'habitation en zone NC du règlement du POS entre le 26 août 2011 et le 1er juin 2013 et, d'autre part, que le service instructeur ne pouvait ignorer la portée de la demande compte tenu du contentieux pénal en cours, l'administration ne saurait s'attacher aux motifs d'un arrêt de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis sachant que ces circonstances n'ont pas fait obstacle à ce que ce même service porte une appréciation complète sur les éléments du dossier de demande et sur les déclarations des demandeurs. Par ailleurs, la circonstance que l'administration ait eu connaissance du contentieux pénal en cours n'a aucune incidence sur le fait que les pétitionnaires se sont livrés à des manoeuvres frauduleuses de nature à induire l'administration en erreur. Par suite, le maire de la commune de Salses-le-Château pouvait légalement, pour le seul motif tiré de la fraude, procéder au retrait, au-delà des délais prescrits par les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, de sa décision tacite contestée de non opposition à déclaration préalable.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté portant refus de permis de construire :
9. Aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme : " Quiconque désire entreprendre ou implanter une construction à usage d'habitation ou non, même ne comportant pas de fondations, doit, au préalable, obtenir un permis de construire (...) ". Ces prescriptions s'appliquent également dans l'hypothèse où l'autorité administrative est saisie d'une demande tendant à ce que soient autorisés des travaux portant sur un immeuble qui a été édifié sans autorisation, la demande devant alors porter sur l'ensemble du bâtiment.
10. Eu égard à ce qui a été dit précédemment, le maire de la commune de Salses-le-Château, qui ne pouvait légalement en l'espèce accorder un permis de construire aux époux B... ne portant que sur un élément de construction nouveau prenant appui sur une partie de bâtiment construite sans autorisation, était en situation de compétence liée et se trouvait dès lors tenu de refuser le permis sollicité. Par voie de conséquence, les autres moyens soulevés par les requérants sont inopérants et doivent, comme tels, être écartés.
11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Salses-le-Château, que les époux B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Salses-le-Château, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent les appelants au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge des époux B... le versement de la somme de 2 000 euros à la commune de Salses-le-Château.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme B... verseront à la commune de Salses-le-Château la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., Mme C... D... épouse B... et à la commune de Salses-le-Château.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2019, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président,
- Mme G..., première conseillère,
- M. F..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 octobre 2019.
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N° 17MA04860