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04/10/2019 | FRANCE | N°18MA05093

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 04 octobre 2019, 18MA05093


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Aldi marché Cavaillon a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 2 février 2016 de l'inspecteur du travail de la section 2-8 de l'unité de contrôle Sud de l'unité départementale de Vaucluse lui refusant l'autorisation de licencier Mme B... A..., ainsi que la décision du 13 octobre 2016 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social qui, après avoir annulé la décision de l'inspecteur du travail, lu

i a refusé l'autorisation sollicitée.

Par un jugement n° 1602841, 1603632 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Aldi marché Cavaillon a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 2 février 2016 de l'inspecteur du travail de la section 2-8 de l'unité de contrôle Sud de l'unité départementale de Vaucluse lui refusant l'autorisation de licencier Mme B... A..., ainsi que la décision du 13 octobre 2016 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social qui, après avoir annulé la décision de l'inspecteur du travail, lui a refusé l'autorisation sollicitée.

Par un jugement n° 1602841, 1603632 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif de Nîmes, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du 2 février 2016 de l'inspecteur du travail, a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 décembre 2018 et le 15 mars 2019, la société Aldi marché Cavaillon, représentée par la SELARL Capstan Pytheas, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 8 novembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 13 octobre 2016 du ministre du travail ;

3°) d'autoriser le licenciement de Mme A....

Elle soutient que :

- la décision de l'inspecteur du travail repose sur un motif erroné car étranger à toute considération d'ordre économique ;

- le ministre a fondé sa décision sur la circonstance inopérante tenant à ce que le médecin du travail avait déclaré Mme A... apte à reprendre son poste de travail ;

- en refusant les nouvelles affectations proposées par son employeur qui étaient justifiées par le respect de son obligation de sécurité, la salariée a commis un manquement de nature à légitimer son licenciement.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 février 2019 et le 27 juin 2019, Mme A..., représentée par Me F... conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Aldi marché Cavaillon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête qui se borne à reprendre l'argumentation de première instance et qui ne comporte aucune critique du jugement est irrecevable ;

- les conclusions de première instance qui étaient dirigées contre la seule décision de l'inspecteur du travail qui avait été annulée par le ministre étaient irrecevables ;

- les moyens soulevés par la société Aldi marché Cavaillon ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la ministre du travail qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant la société Aldi marché Cavaillon et de Me E..., substituant Me F..., représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 2 février 2016, l'inspecteur du travail de la section 2-8 de l'unité de contrôle Sud de l'unité départementale de Vaucluse a refusé d'autoriser la société Aldi marché Cavaillon à licencier Mme B... A..., " assistante au responsable du service de préparation " et ayant la qualité de déléguée du personnel suppléante et de membre titulaire du comité d'entreprise. Sur recours hiérarchique de l'employeur, le ministre chargé du travail a, par une décision du 13 octobre 2016, d'abord annulé la décision de l'inspecteur du travail, puis refusé d'accorder l'autorisation sollicitée. La société Aldi marché Cavaillon a contesté devant le tribunal administratif de Nîmes ces deux décisions. Par son jugement du 8 novembre 2018, le tribunal administratif a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail, puis a rejeté le surplus des conclusions de la demande. La société Aldi marché Cavaillon relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions dirigées contre la décision du 2 février 2016 de l'inspecteur du travail :

2. Si la société Aldi marché Cavaillon critique de nouveau en appel la décision du 2 février 2016 de l'inspecteur du travail, qui a été annulée par le ministre du travail, elle ne conteste pas le non-lieu qui a été opposé à sa demande d'annulation de cette décision par le tribunal administratif. Le moyen tiré de ce que celle-ci repose sur un motif erroné car étranger à toute considération d'ordre économique est, par suite, inopérant.

Sur la légalité de la décision du 13 octobre 2016 du ministre du travail :

3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Lorsqu'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié bénéficiant d'une protection particulière est fondée sur des éléments qui se rattachent au comportement de l'intéressé et qui, sans caractériser l'existence d'une faute, rendraient impossible, selon l'employeur, la poursuite du contrat de travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, éventuellement, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si ces éléments présentent un caractère objectif et si, en raison de la nature des fonctions exercées par le salarié, ils peuvent, eu égard à l'ensemble des règles applicables au contrat de travail, et compte tenu des atteintes susceptibles d'être portées au fonctionnement de l'entreprise en cause, justifier légalement l'octroi d'une autorisation de licenciement.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été embauchée par la société Aldi marché Cavaillon en qualité d'employée de magasinage puis promue en octobre 2005 " assistante au responsable du service préparation ". Après une absence pour maladie qui a débuté au mois d'octobre 2014, son employeur lui a proposé pour la reprise de son activité au mois de juin 2015 plusieurs postes de travail. Pour refuser l'autorisation sollicitée, le ministre du travail s'est fondé, d'une part, sur ce que les propositions d'affectations ainsi faites à l'intéressée constituaient une modification de son contrat de travail et que le refus de la salariée d'accepter une telle modification ne constituait pas en soi un motif de licenciement et, d'autre part, sur ce que l'employeur n'établissait pas que ce refus de Mme A... était de nature à rendre impossible la poursuite de la relation de travail notamment dans le poste qu'elle occupait précédemment.

5. D'une part, la société Aldi marché Cavaillon ne conteste pas, qu'eu égard à leurs caractéristiques et à leur niveau de responsabilité, les emplois proposés à Mme A... à son retour de congé de maladie ne peuvent être regardés comme des emplois équivalents à celui " d'assistante au responsable du service préparation " qu'elle avait auparavant occupé dans la société et qui existait toujours à son retour.

6. D'autre part, pour justifier la nécessité de modifier le contrat de travail de Mme A... l'employeur s'est prévalu dans sa demande de son souci d'éviter toute situation génératrice de risques psychosociaux pour la salariée qui s'était plainte en janvier 2014 du harcèlement moral exercé par sa responsable et qui avait exercé son droit de retrait en octobre 2014. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la suite de l'examen médical de reprise du travail effectué conformément aux dispositions de l'article R. 4624-22 du code du travail, le médecin du travail a reconnu Mme A... apte à reprendre son poste " d'assistante au responsable du service préparation ". Aucun élément ne vient corroborer l'allégation de la société selon lequel cet avis, rendu sur l'état de santé physique et mental de la salarié et sa capacité à exercer ses fonctions, n'aurait pas tenu compte de la réalité de son environnement professionnel. Au demeurant, l'employeur n'a jamais contesté le bien-fondé de cet avis sur le fondement des dispositions de l'article L. 4624-1 du code du travail, comme il en avait la faculté. Par, suite, le ministre du travail a pu légalement se fonder sur cet avis du médecin du travail, qui n'était pas " inopérant ", pour estimer que l'aptitude valablement constatée de Mme A... à son poste de travail ne permettait pas de justifier la nécessité de procéder à la modification de son contrat de travail.

7. Enfin, si la société soutient qu'en refusant les nouvelles affectations proposées par son employeur, qui étaient justifiées, selon elle, par le respect de son obligation de sécurité, la salariée a commis un manquement de nature à légitimer son licenciement, un tel moyen est inopérant dès lors que la demande d'autorisation de licenciement était fondée, ainsi qu'il a déjà été dit ci-dessus, non sur un motif disciplinaire, mais sur l'impossibilité de poursuivre la relation de travail avec Mme A... dans le poste précédemment occupé par celle-ci ou dans tout autre poste dans l'entreprise.

8. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de sa demande de première instance et de sa requête d'appel, que la société Aldi marché Cavaillon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Il n'appartient pas au juge administratif, même dans le cas où une décision de refus d'autorisation de licenciement serait annulée, d'autoriser lui-même le licenciement d'un salarié protégé. De telles conclusions, et alors au surplus qu'en l'espèce le présent arrêt rejette la demande de la société Aldi marché Cavaillon, sont manifestement irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la société Aldi marché Cavaillon la somme de 2 000 euros à verser à Mme A....

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Aldi marché Cavaillon est rejetée.

Article 2 : La société Aldi marché Cavaillon versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Aldi marché Cavaillon, à Mme B... A... et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2019, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. C..., président assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2019.

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N° 18MA05093

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA05093
Date de la décision : 04/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SELARL CAPSTAN PYTHEAS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-10-04;18ma05093 ?
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