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01/10/2019 | FRANCE | N°18MA03942

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 01 octobre 2019, 18MA03942


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon :

- sous le n° 1704598, d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour datée du 21 juillet 2017 née du silence gardé par le préfet du Var sur cette demande ;

- sous le n° 1800990, d'annuler l'arrêté du 26 février 2018 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par jugement n° 1704598-1800990 du 15 juin 2

018, le tribunal administratif de Toulon a joint ces deux demandes et les a rejetées.

Procédure d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon :

- sous le n° 1704598, d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour datée du 21 juillet 2017 née du silence gardé par le préfet du Var sur cette demande ;

- sous le n° 1800990, d'annuler l'arrêté du 26 février 2018 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par jugement n° 1704598-1800990 du 15 juin 2018, le tribunal administratif de Toulon a joint ces deux demandes et les a rejetées.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 août 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 juin 2018 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 février 2018 du préfet du Var, ensemble la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant mention "vie privée et familiale" dans le délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour et de prendre une décision dans le délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige du 26 février 2018 ne s'est pas substitué à la décision implicite de rejet de sa demande datée du 21 juillet 2017 ;

- cette décision implicite méconnait l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors que le préfet n'a pas répondu à sa demande de communication des motifs de cette décision implicite ;

- la commission du titre de séjour aurait dû être préalablement consultée en application des articles L. 312-2 et L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il bénéficie d'un titre de séjour de plein droit en application de l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet du Var qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité tunisienne, a demandé le 21 juillet 2017 au préfet du Var la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale ". Eu égard au silence gardé par l'administration, il a adressé une demande, restée sans réponse, de communication des motifs de ce refus implicite. Par arrêté en litige du 26 février 2018, le préfet du Var a refusé de lui délivrer ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Le tribunal administratif de Toulon, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part de la décision implicite de rejet de sa demande et, d'autre part, de cet arrêté du 26 février 2018.

Sur la légalité de la décision contestée :

2. En premier lieu, lorsque le silence gardé par l'administration fait naître une décision implicite de rejet, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement, qu'elle fasse suite ou non à une demande de communication des motifs de la décision implicite présentée en application de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, se substitue à la première décision. Il en résulte que des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde et que, dès lors, celle-ci ne peut être utilement contestée au motif que l'administration aurait méconnu ces dispositions en ne communiquant pas au requérant les motifs de sa décision implicite dans le délai d'un mois qu'elles lui impartissent.

3. Si M. A... invoque la méconnaissance de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, il résulte de ce qui a été dit au point 2 que ses conclusions initialement dirigées contre la décision implicite de rejet en litige doivent désormais être regardées, contrairement à ce que soutient le requérant, comme dirigées contre la décision explicite intervenue le 26 février 2018. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est sans incidence sur la légalité de la décision en litige et doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " (...) Les ressortissants tunisiens bénéficient dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Aux termes de l'article L. 313-2 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. (...) ". Aux termes du sixième alinéa de l'article L. 211-2-1 du même code : " (...) Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour. ". En vertu de ces dispositions, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire est en principe, sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par la loi, subordonnée à la production par l'étranger d'un visa d'une durée supérieure à trois mois.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est marié le 19 novembre 2016 en France avec une ressortissante française. Toutefois, en se bornant à soutenir qu'il est entré le 21 juillet 2008 régulièrement en France sous couvert d'un visa valable du 9 juillet 2008 au 3 août 2008, il ne justifie pas être entré sur le territoire français sous couvert du visa de long séjour exigé par l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité et que son entrée sur le territoire français serait régulière au sens du 6ème alinéa de l'article L. 211-2-1 du code précité. Par suite, le préfet a pu refuser de délivrer à l'intéressé le titre de séjour en qualité de conjoint de français qu'il sollicitait au motif qu'il n'était pas en possession du visa de long séjour prévu par l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auquel l'article L. 313-11 4° ne déroge pas. Les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 211-2-1 et L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent, dès lors, être écartés.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " et aux termes de l'article L. 312-2 de ce même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour, lorsqu'il envisage de refuser un titre mentionné à l'article L. 312-2, que du cas des étrangers qui remplissent effectivement l'ensemble des conditions de procédure et de fond auxquelles est subordonnée la délivrance d'un tel titre, et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent des articles auxquels les dispositions de l'article L. 312-2 renvoient.

7. M. A... n'étant pas fondé, compte tenu de ce qui a été dit au point 5, à se prévaloir des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Var n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il a entaché sa décision d'un vice de procédure en l'absence de saisine préalable de cette commission ne peut qu'être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Il appartient au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. M. A... est entré en France le 21 juillet 2008 sous couvert d'un visa de court séjour ne l'autorisant pas à séjourner durablement en France. S'il soutient résider de manière habituelle en France depuis cette date, les pièces qu'il produit, et notamment des ordonnances médicales et des factures d'achat, si elles peuvent attester d'une présence ponctuelle en France, sont insuffisantes pour établir sa résidence habituelle en France depuis 2008. Il a épousé le 19 novembre 2016 une ressortissante française, soit moins de quinze mois à la date de la décision en litige. Il n'établit pas l'existence d'une vie commune avec son épouse avant son mariage. Le couple n'a pas d'enfants. Le requérant n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 24 ans selon ses propres dires et où réside une partie de sa fratrie. Dans ces conditions, M. A... n'établit pas avoir constitué le centre de ses intérêts privés et familiaux en France. Par suite, eu égard notamment à la brièveté de sa vie conjugale à la date de la décision en litige, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant de l'admettre au séjour au titre de sa vie privée et familiale. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ce refus sur la situation personnelle de l'intéressé.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 26 février 2018 du préfet du Var. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2019, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président,

- Mme D..., première conseillère,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 1er octobre 2019.

2

N° 18MA03942


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03942
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : KASSOUL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-10-01;18ma03942 ?
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