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19/09/2019 | FRANCE | N°18MA04056

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 19 septembre 2019, 18MA04056


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... ainsi que Mme B... C... et M. F... G..., agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leur fille Stella, ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) et la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à verser à Mme C... en qualité d'ayant droit de M. D... C... la somme de 19 816 euros, à Mme A... C... la somme de 77 086,52 euros, à Mme B... C... la somme de 25 884,80 euros, à M. G... la somme d

e 4 000 euros et à Mme B... C... et à M. G..., agissant au nom de leur fi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... ainsi que Mme B... C... et M. F... G..., agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leur fille Stella, ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) et la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à verser à Mme C... en qualité d'ayant droit de M. D... C... la somme de 19 816 euros, à Mme A... C... la somme de 77 086,52 euros, à Mme B... C... la somme de 25 884,80 euros, à M. G... la somme de 4 000 euros et à Mme B... C... et à M. G..., agissant au nom de leur fille Stella, la somme de 8 000 euros, après application du taux de perte de chance de 80%, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis à lasuite du décès de M. C....

La caisse primaire centrale d'assurance maladie (CPCAM) des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal de condamner l'AP-HM à lui verser la somme de 15 414,36 euros au titre des débours ainsi que les intérêts de droit à compter de la décision à intervenir et la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1608635 du 2 juillet 2018, le tribunal administratif de Marseille a condamné solidairement l'AP-HM et la SHAM à verser les sommes de 7 840 euros aux ayants droit de Giuseppe C..., de 18 728,80 euros à Mme A... C..., de 5 668,80 euros à Mme B... C..., de 2 400 euros à M. G..., de 3 600 euros à Mme C... et M. G... en qualité de représentants légaux de leur fille Stella et de 12 331 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement, et de 1 066 euros à la CPCAM des Bouches-du-Rhône au titre des débours et de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 août 2018, Mme A... C... ainsi que Mme B... C... et M. F... G..., agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leur fille Stella, représentés par la SCP Lexvox, demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du 2 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a limité à la somme de 7 840 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné solidairement l'AP-HM et la SHAM en réparation du préjudice qu'ils ont subi en qualité d'ayants droit de Giuseppe C..., à la somme de 18 728,80 euros l'indemnité versée à Mme A... C..., à la somme de 5 668,80 euros l'indemnité versée à Mme B... C..., à la somme de 2 400 euros l'indemnité versée à M. G... et à 3 600 euros l'indemnité versée à Mme C... et à M. G... en qualité de représentants légaux de leur fille ;

2°) de porter aux sommes de 19 816 euros le montant de l'indemnité due en réparation des préjudices subis par Giuseppe C..., et de 80 284,12 euros, 16 000 euros, 4 000 euros et 8 000 euros le montant des indemnités dues respectivement à Mme A... C..., à Mme B... C..., à M. G... et à Mme C... et à M. G..., agissant au nom de leur fille au titre des préjudices subis, après prise en compte du taux de perte de chance de 80% ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'AP-HM et de la SHAM la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le préjudice lié à la perte de chance de survie doit être indemnisé ;

- les souffrances endurées, le déficit fonctionnel temporaire total et le préjudice esthétique temporaire subis par le patient ont été insuffisamment réparés ;

- le préjudice d'affection des victimes indirectes, les frais d'obsèques et la perte de revenus de Mme A... C... ont été sous-évalués.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2019, l'AP-HM et la SHAM, représentées par Me E..., concluent au rejet de la requête.

Elles soutiennent que :

- le préjudice lié à la perte de chance de survie est un préjudice personnel de la victime non transmissible à ses héritiers ;

- les sommes demandées au titre des préjudices subis sont excessives.

La requête a été communiquée à la CPAM des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la Cour a désigné Mme H..., présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme I...,

- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... C... a subi, le 18 février 2015, à l'hôpital Nord de Marseille, dépendant de l'AP-HM, l'exérèse d'un polype carcinomateux et une colectomie. Il est décédé le 4 mars suivant d'une pneumopathie d'inhalation massive ayant provoqué un arrêt cardio-circulatoire hypoxique. Mme A... C..., Mme B... C... et M. F... G... relèvent appel du jugement du 2 juillet 2018 du tribunal administratif de Marseille en sollicitant une meilleure réparation des préjudices consécutifs au décès de M. D... C....

Sur la responsabilité et la perte de chance :

2. Il résulte de l'instruction que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la prise en charge post-opératoire du patient n'avait pas été conforme aux bonnes pratiques médicales en l'absence de mise en place correcte d'une sonde gastrique et d'une surveillance adaptée et que M. D... C... a contracté au sein de l'établissement de soins une infection nosocomiale. Par ailleurs, c'est à juste titre que le tribunal a fixé le taux de perte de chance à 80 %.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices de M. D... C... :

3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée le 28 septembre 2015 par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, qu'en raison des complications de l'intervention du 18 février 2015, M. C... a subi une période de déficit fonctionnel temporaire total du 25 février au 4 mars 2015 et a enduré des souffrances évaluées à 4 sur une échelle de 1 à 7. Son préjudice esthétique temporaire a par ailleurs été estimé à 2 sur une échelle de 1 à 7. En outre, si la perte de chance de survie n'ouvre pas droit à réparation dès lors que cette perte n'apparaît qu'au jour du décès de la victime et n'a pu donner naissance à aucun droit entré dans son patrimoine avant ce jour, M. C..., âgé de 76 ans, a subi un préjudice lié à la conscience d'une espérance de vie réduite, souffrance qu'il a endurée pendant quatre jours, dont Mme C... et autres doivent être regardés comme demandant la réparation. L'ensemble de ces préjudices sera plus justement évalué en allouant aux ayants droit de la victime la somme totale de 12 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices des victimes indirectes :

4. Le foyer de M. C..., âgé de soixante-seize ans à la date de son décès et qui était retraité, comprenait son épouse. Il résulte de l'avis d'imposition sur les revenus de l'année 2014 que les revenus du foyer étaient composés des pensions de retraite perçues par Giuseppe et Ilda C... pour des montants respectifs de 19 458 euros et de 10 531 euros. Le revenu annuel du foyer s'élevait ainsi à la somme de 29 989 euros avant le décès. Il convient de déduire de ce revenu de référence du foyer 30 % correspondant à la part des dépenses personnelles de M. D... C..., soit la somme de 8 996,70 euros. Le revenu théorique du membre survivant du foyer s'élevait ainsi à 20 992,30 euros. La circonstance que le montant de la pension de retraite de Mme C... ait été ramené par la suite à 9 478 euros est sans lien avec les manquements commis.

5. A compter du 1er avril 2015, Mme C... a touché, outre sa pension de retraite, la pension de retraite de réversion de son époux d'un montant de 576,66 euros par mois ainsi que trois pensions de réversion complémentaires de l'ARRCO et de l'Argic d'un montant mensuel de 73,47 euros, 174,59 euros et 99,04 euros. Le cumul du montant annuel de la pension de retraite de Mme C... de 10 531 euros et des pensions de retraite et de réversions de son époux perçues sur douze mois à hauteur de 11 085,12 euros, soit 21 616,12 euros est supérieur au montant du revenu théorique du membre survivant du foyer de 20 992,30 euros mentionné au point précédent. Dans ces conditions, l'existence d'un préjudice économique, même pour l'année 2015 au cours de laquelle les pensions de retraite et de réversion de l'époux de Mme C... n'ont pas été versées en mars, n'est pas établie.

6. Les premiers juges ont exactement évalué les frais d'obsèques en allouant à Mme A... C... et à Mme B... C... les sommes respectives de 3 411 et 586 euros eu égard aux factures qu'elles ont acquittées.

7. Il n'y a pas lieu d'indemniser les frais de succession qui ne sont pas susceptibles de donner lieu à réparation en l'absence de lien de causalité direct entre ces frais et le décès de M. C....

8. Le tribunal a fait une estimation insuffisante du préjudice d'affection subi par l'épouse de M. C..., sa fille, son gendre et sa petite-fille en l'évaluant respectivement à 20 000 euros, 6 500 euros, 3 000 euros et 4 500 euros. Il y a lieu de porter les indemnités dues à ce titre aux sommes de 25 000 euros, 19 400 euros, 4 500 euros et 6 500 euros.

9. Il résulte de tout de qui précède que Mme C... et autres sont fondés à demander que l'indemnité au versement de laquelle le tribunal administratif de Marseille a solidairement condamné l'AP-HM et la SHAM en réparation des préjudices qu'ils ont subis en raison du décès de M. C... soit portée, après application du taux de perte de chance de 80 %, aux sommes de 9 520 euros pour les ayants droit de M. C..., de 22 728,80 euros pour Mme A... C..., de 15 988,80 euros pour Mme B... C..., de 3 600 euros pour M. G... et de 5 200 euros pour Mme C... et M. G..., en qualité de représentants légaux de leur fille.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de l'AP-HM et de la SHAM la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme C... et autres et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 7 840 euros que l'AP-HM et la SHAM ont été solidairement condamnées à verser aux ayants droit de M. C... par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 juillet 2018 est portée à 9 520 euros.

Article 2 : La somme de 18 728,50 euros que l'AP-HM et la SHAM ont été solidairement condamnées à verser à Mme A... C... par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 juillet 2018 est portée à 22 728,80 euros.

Article 3 : La somme de 5 668,80 euros que l'AP-HM et la SHAM ont été solidairement condamnées à verser à Mme B... C... par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 juillet 2018 est portée à 15 988,80 euros.

Article 4 : La somme de 3 000 euros que l'AP-HM et la SHAM ont été solidairement condamnées à verser à M. G... par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 juillet 2018 est portée à 3 600 euros.

Article 5 : La somme de 4 500 euros que l'AP-HM et la SHAM ont été solidairement condamnées à verser à Mme B... C... et à M. G..., en qualité de représentants légaux de Stella G..., par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 juillet 2018 est portée à 5 200 euros.

Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 juillet 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 7 : L'AP-HM et la SHAM verseront à Mme C... et autres une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à Mme B... C..., à M. F... G..., à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, à l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille et à la Société hospitalière d'assurances mutuelles.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2019 où siégeaient :

- Mme H..., présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme I..., première conseillère,

- M. Sanson, conseiller.

Lu en audience publique, le 19 septembre 2019.

2

N° 18MA04056


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04056
Date de la décision : 19/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : Mme JORDA-LECROQ
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : LEXVOX AVOCATS HUMBERT et ASSOCIE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-09-19;18ma04056 ?
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