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16/09/2019 | FRANCE | N°19MA01192

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 16 septembre 2019, 19MA01192


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une décision n° 417038 du 12 mars 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt n° 15MA00704 de la cour administrative d'appel de Marseille du 9 novembre 2017 en tant qu'il se prononce sur la demande de M. F... A..., Mme E... A... et M. B... A... tendant à l'indemnisation de leur préjudice moral en lien avec les circonstances dans lesquelles leur a été annoncé le décès d'Edouard A....

Procédure devant la cour après le renvoi :

Par un nouveau mémoire en défense,

enregistré le 17 avril 2019, le centre hospitalier du pays d'Aix, représenté par Me D...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une décision n° 417038 du 12 mars 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt n° 15MA00704 de la cour administrative d'appel de Marseille du 9 novembre 2017 en tant qu'il se prononce sur la demande de M. F... A..., Mme E... A... et M. B... A... tendant à l'indemnisation de leur préjudice moral en lien avec les circonstances dans lesquelles leur a été annoncé le décès d'Edouard A....

Procédure devant la cour après le renvoi :

Par un nouveau mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2019, le centre hospitalier du pays d'Aix, représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la demande des consorts A... tendant à l'indemnisation de leur préjudice moral en lien avec les circonstances dans lesquelles leur a été annoncé le décès d'Edouard A... ;

2°) à titre subsidiaire, de limiter le montant susceptible de leur être accordé ;

3°) de mettre à la charge des consorts A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les circonstances de l'annonce du décès ne constituent pas une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- le préjudice moral qui en a résulté est en tout état de cause limité.

Par un nouveau mémoire, enregistrée le 23 avril 2019, les consorts A..., représentés par Me G..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande ;

2°) de condamner le centre hospitalier du pays d'Aix à leur verser chacun la somme de 25 000 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les circonstances de l'annonce du décès du patient révèlent une faute du centre hospitalier ;

- le placement immédiat du patient en chambre mortuaire est également constitutif d'une faute ;

- leur préjudice moral doit être évalué à la hauteur du préjudice d'affection éprouvé du fait du décès.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- les observations de Me G..., représentant les consorts A..., celles de M. F... A..., et celles de Me D..., représentant le centre hospitalier du pays d'Aix.

Considérant ce qui suit :

1. L'article R. 1112-69 du code de la santé publique prévoit, en cas de décès d'une personne hospitalisée dans un établissement public de santé, que : " La famille ou les proches sont prévenus dès que possible et par tous moyens appropriés de l'aggravation de l'état du malade et du décès de celui-ci. / Le décès est confirmé par tout moyen. (...) ". L'article R. 1112-70 du même code ajoute que : " les décès sont attestés par le certificat prévu à l'article L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales ", lequel doit être établi par un médecin.

2. L'article R. 2223-93 du code général des collectivités territoriales prévoit par ailleurs que : " Dans toute la mesure du possible, la famille a accès auprès du défunt avant que le corps ne soit déposé dans la chambre mortuaire sans que ce dépôt ne soit différé, de ce fait, d'un délai supérieur à dix heures tel que prévu au cinquième alinéa de l'article R. 2223-76. "

3. Il résulte de l'instruction qu'Edouard A..., âgé de 83 ans, a été hospitalisé le 14 novembre 2009 à 23h30 au centre hospitalier du pays d'Aix. Il a été retrouvé sans signe de vie par une infirmière le 15 novembre 2009 vers 7h45. Celle-ci a contacté le service des urgences en vue de faire constater le décès par un médecin de l'établissement, qui n'est arrivé qu'à 11h15. M. F... A..., fils du défunt, a joint par téléphone le centre hospitalier vers 10h, où il lui a été répondu que l'infirmière en charge était indisponible, et demandé de rappeler dans une heure. Lors de son appel à 11h, l'infirmière lui a demandé de venir sur place en raison de la dégradation de l'état de santé de son père. Le centre hospitalier a ensuite vainement tenté de joindre téléphoniquement M. F... A..., alors en trajet. Lors du rappel par celui-ci, une infirmière s'est étonnée de ce que la famille n'ait pas été informée du décès. M. F... A... est arrivé au centre hospitalier du pays d'Aix vers 11h30. Le décès n'a été annoncé à la famille du défunt par l'équipe médicale du centre hospitalier qu'en début d'après-midi.

4. Contrairement à ce que soutiennent les consorts A..., ces circonstances ne s'expliquent pas par la volonté de l'équipe médicale de dissimuler la responsabilité du centre hospitalier quant au décès du patient, laquelle n'est au demeurant pas engagée, mais, ainsi que l'a relevé la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge (CRUQ) dans son avis du 17 mai 2010, par des dysfonctionnements du processus d'annonce de décès aux familles de patients, processus qui n'était jusqu'alors pas formalisé.

5. En tardant à faire confirmer le décès par un médecin, en s'abstenant dans l'attente d'informer la famille dans des conditions appropriées de ce que le patient avait été retrouvé sans vie par une infirmière, ainsi qu'en tardant à annoncer le décès une fois celui-ci constaté, le centre hospitalier du pays d'Aix a méconnu les dispositions de l'article R. 1112-69 du code de la santé publique, citées au point 1.

6. En outre, en plaçant immédiatement le corps du patient en chambre mortuaire, alors qu'aucune circonstance particulière ne justifiait un délai inférieur à dix heures, le centre hospitalier a également méconnu les dispositions de l'article R. 2223-93 du code général des collectivités territoriales, citées au point 2.

7. Dans les circonstances évoquées ci-dessus, caractérisant les conditions inappropriées de l'annonce du décès et un manque d'empathie de la part du personnel du centre hospitalier, l'épouse du défunt et ses deux fils ont nécessairement éprouvé une souffrance morale. Toutefois, contrairement à ce que soutiennent les consorts A..., ce préjudice moral n'est pas équivalent à celui résultant du décès lui-même. Il en sera fait juste indemnisation en retenant pour chacun la somme de 1 000 euros.

8. Il résulte de ce qui précède que les consorts A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 22 décembre 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande, en tant que celle-ci tendait à l'indemnisation de leur préjudice moral en lien avec les circonstances dans lesquelles leur a été annoncé le décès d'Edouard A..., ainsi qu'à demander la condamnation du centre hospitalier du pays d'Aix à leur verser la somme de 1 000 euros chacun.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier du pays d'Aix la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais qu'ils ont exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par le centre hospitalier sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 22 décembre 2014 du tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il a rejeté la demande des consorts A... tendant à l'indemnisation de leur préjudice moral en lien avec les circonstances dans lesquelles leur a été annoncé le décès d'Edouard A....

Article 2 : Le centre hospitalier du pays d'Aix est condamné à verser à Mme E... A... et à MM. F... et B... A... la somme de 1 000 euros chacun.

Article 3 : Le centre hospitalier du pays d'Aix versera aux consorts A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des consorts A... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier du pays d'Aix sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A..., à Mme E... A..., à M. B... A... et au centre hospitalier du pays d'Aix.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2019, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. C..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 16 septembre 2019.

4

N° 19MA01192


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01192
Date de la décision : 16/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03-04-01 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Évaluation du préjudice. Préjudice moral. Douleur morale.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SCP CHABAS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-09-16;19ma01192 ?
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