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16/09/2019 | FRANCE | N°18MA03958

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 16 septembre 2019, 18MA03958


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 juillet 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a prescrit son expulsion et, d'autre part, d'enjoindre à ce préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours.

Par un jugement n° 1709227 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistr

e le 16 août 2018, M. B..., représenté par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 juillet 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a prescrit son expulsion et, d'autre part, d'enjoindre à ce préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours.

Par un jugement n° 1709227 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 août 2018, M. B..., représenté par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 17 juillet 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me F... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il ne constitue pas une menace grave pour l'ordre public ;

- le préfet a méconnu les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- l'arrêté attaqué a été pris en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cet arrêté porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses deux soeurs mineures, en méconnaissance de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 17 avril 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 mai 2019.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... Grimaud, rapporteur

- et les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Entré pour la première fois en France en 2008 selon ses déclarations, M. B..., né le 28 avril 1994 et de nationalité algérienne, a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion édicté le 17 juillet 2017 par le préfet des Bouches-du-Rhône.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Le jugement attaqué a rejeté la demande de M. B... sans répondre au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, moyen que le requérant avait soulevé dans sa demande introductive d'instance. M. B... est dès lors fondé à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité et doit pour cette raison être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. B....

Sur l'arrêté d'expulsion :

En ce qui concerne la légalité externe :

5. En premier lieu, par arrêté du 21 mars 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône a donné délégation à M. D... pour signer, notamment, les arrêtés préfectoraux d'expulsion. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit dès lors être écarté.

6. En deuxième lieu, l'article R. 522-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Le bulletin de notification doit : / 1° Aviser l'étranger qu'une procédure d'expulsion est engagée à son encontre ; / 2° Enoncer les faits motivant cette procédure ; / 3° Indiquer la date, l'heure et le lieu de la réunion de la commission prévue aux articles L. 522-1 et L. 522-2 à laquelle il est convoqué ; / 4° Préciser que les débats de la commission sont publics ; / 5° Porter à la connaissance de l'étranger les dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 522-2 et celles de l'article R. 522-6 ; / 6° Faire connaître à l'étranger qu'il peut se présenter seul ou assisté d'un conseil et demander à être entendu avec un interprète ; / 7° Informer l'intéressé qu'il peut demander l'aide juridictionnelle (...) ; / 8° Préciser que l'étranger ou son conseil peut demander communication du dossier au service (...) ; / 9° Indiquer les voies de recours qui seraient ouvertes à l'étranger contre l'arrêté d'expulsion qui pourrait être pris ". Aux termes de l'article R. 522-6 du même code : " Le bulletin de notification est remis à l'étranger, quinze jours au moins avant la date prévue pour la réunion de la commission soit par un fonctionnaire de police, soit par le greffier de l'établissement pénitentiaire. L'étranger donne décharge de cette remise. (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le bulletin de notification prévu par les dispositions précitées, qui comportait les mentions exigées par l'article R. 522-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été remis à l'intéressé le 26 avril 2017, soit plus de quinze jours avant la séance de la commission d'expulsion, tenue le 19 mai 2017. Le moyen tiré du non-respect des dispositions citées ci-dessus doit donc être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes du troisième alinéa de l'article L. 522-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'avis de la commission est également communiqué à l'intéressé. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que l'avis de la commission d'expulsion a été notifié à l'intéressé le 22 juin 2017. Aucune irrégularité n'a donc été commise à ce titre.

En ce qui concerne la légalité interne :

10. En premier lieu, selon l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné en février 2013 à une peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis pour escroquerie et recel, en novembre 2014 à une peine de 500 euros d'amende pour usage illicite de stupéfiants, en avril 2015 à une peine de deux mois d'emprisonnement et 200 euros d'amende pour violence sur la personne de sa compagne, en août 2015 à une peine de 300 euros d'amende pour port illégal d'arme blanche ou incapacitante, en avril 2016 à une peine d'un an d'emprisonnement pour outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique et violence avec usage d'une arme, fait commis en récidive, et en juin 2016 à une peine de 300 euros d'amende pour vol. Eu égard, d'une part, au caractère répétitif des infractions pénales commises par l'intéressé, à leur gravité globalement croissante et à la circonstance qu'elles constituent pour plusieurs d'entre elles des atteintes aux personnes, d'autre part, au comportement violent de l'intéressé au cours de son emprisonnement, qui s'est traduit par plusieurs sanctions disciplinaires, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en estimant que M. B... constituait une menace grave pour l'ordre public.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

13. M. B... fait valoir qu'il réside en France depuis 2008 en compagnie de sa mère et de ses jeunes soeurs nées respectivement en 2010 et 2013, qu'il a suivi une grande partie de sa scolarité en France et qu'il est dépourvu de toute attache en Algérie. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé, qui ne démontre ni avoir travaillé ni avoir suivi de formation professionnelle, ne justifie d'aucune insertion significative dans la société française. Par ailleurs, s'il dispose d'attaches en France, il est célibataire, sans enfant, et ne démontre pas, par les seules attestations qu'il produit, être dépourvu d'attaches en Algérie, où il a vécu jusqu'à l'âge de quatorze ans et où il reconnaît être retourné en 2011 et 2015, la circonstance qu'il y ait alors été accompagné par sa mère au cours de simples vacances ne pouvant à elle seule suffire à le regarder comme désormais étranger à ce pays. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 11 ci-dessus, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné à six reprises entre 2013 et 2016 à des peines correctionnelles de sévérité croissante, pour des faits graves d'atteintes aux biens et aux personnes. Il en résulte que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale en prescrivant son expulsion. Le moyen tiré de la violation des stipulations précitées doit dès lors être écarté.

14. En troisième lieu, M. B... ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, qui n'ont trait qu'à la délivrance de titres de séjour aux ressortissants algériens.

15. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant directement ou indirectement.

16. M. B... affirme prendre soin de ses jeunes soeurs et entretenir des liens affectifs avec elles. Il ressort toutefois des pièces du dossier que celles-ci sont élevées par sa mère et leur père, et si l'arrêté attaqué a pour effet de les séparer du requérant, auquel elles pourront d'ailleurs rendre visite en Algérie, il ne peut, de ce seul fait, être regardé comme portant atteinte à l'intérêt supérieur de ces enfants au sens des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la décision fixant le pays de destination :

17. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". En vertu de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; / 2° Lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ; / 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière. ".

18. Les dispositions des articles L. 522-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile déterminent de façon complète les règles de procédure administrative auxquelles est soumise l'intervention des arrêtés d'expulsion et des décisions fixant le pays de destination, dans des conditions qui garantissent aux intéressés le respect des droits de la défense et, par suite, excluent l'application des dispositions précitées relatives à la procédure contradictoire préalable à l'intervention des décisions qui doivent être motivées en vertu de la l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré du vice de procédure doit dès lors être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 17 juillet 2017.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

20. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique s'opposent à ce que la somme réclamée sur leur fondement pour le compte de Me F..., avocat du requérant, soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1709227 du tribunal administratif de Marseille du 9 mai 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G..., à Me F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2019, où siégeaient :

- M. David Zupan, président,

- M. C... Grimaud, premier conseiller,

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 septembre 2019.

2

N° 18MA03958


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03958
Date de la décision : 16/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : BAZIN-CLAUZADE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-09-16;18ma03958 ?
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