Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 8 décembre 2015 par laquelle le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) lui a interdit de poursuivre la recherche médicale autorisée sous le numéro B91251-10.
Par un jugement n° 1600984 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 juillet 2018 et le 17 janvier 2019, M. A..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 31 mai 2018 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler la décision du 8 décembre 2015 du directeur général de l'ANSM ;
3°) de mettre à la charge de l'ANSM la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- elle est injustifiée, dès lors que la recherche médicale en question avait cessé ;
- cette recherche pouvait se poursuivre pendant cinq ans en application du IV de l'article 8 de l'ordonnance n° 2016-800 du 16 juin 2016 ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors qu'il pouvait modifier la date de fin de la recherche ;
- elle est entachée d'une erreur de fait, dès lors que les formulaires destinés à recueillir le consentement des patients avaient été approuvés par le comité de protection des personnes Sud-Est IV ;
- elle est entachée d'une autre erreur de fait, dès lors que le consentement de l'ensemble des patients a bien été recueilli ;
- elle est entachée d'une nouvelle erreur de fait concernant le défaut de couverture par une assurance garantissant sa responsabilité civile ;
- elle est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2018, l'ANSM, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par M. A... ;
2°) de mettre à sa charge la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la ministre des solidarités et de la santé, qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- l'ordonnance n° 2016-800 du 16 juin 2016 ;
- l'arrêté du 23 octobre 2006 relatif au contenu et aux modalités de présentation des informations relatives à la fin de recherche, au rapport final et au résumé du rapport final d'une recherche biomédicale ne portant pas sur un produit mentionné à l'article L. 5311-1 du code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a été autorisé par une décision du 12 février 2010 du directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire et des produits de santé (AFSSAPS) à réaliser un essai clinique référencé sous le numéro B91251-10 portant sur " l'utilisation de cellules souches mésenchymateuses de moelle osseuse autologue ensemencées sur scaffold résorbable pour cicatriser un défect du cartilage articulaire et l'arthrose du genou ". Il a informé l'ANSM que cette recherche s'était terminée le 15 janvier 2014 par un courriel du 26 janvier 2014. Suite à une inspection réalisée du 22 au 24 juillet 2015, le directeur général de l'ANSM a interdit à M. A... de poursuivre cette recherche médicale par la décision contestée du 8 décembre 2015. M. A... fait appel du jugement du 31 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre cette décision.
Sur la motivation de la décision contestée :
2. La décision contestée, qui constitue une mesure de police au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public alors applicable, vise les articles L. 1123-11 et L. 5313-1 du code de la santé publique et énumère avec précision les faits reprochés à M. A.... Elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Si elle s'appuie sur les conclusions de rapports rédigés suite à une inspection réalisée du 22 au 24 juillet 2015, elle n'est pas motivée par référence à ces derniers, qui n'avaient pas à y être joints. Au total et ainsi que l'a jugé à juste titre le tribunal administratif, elle est suffisamment motivée.
Sur la base légale de la décision :
3. L'article L. 1123-11 du code de la santé publique permet à l'autorité compétente, si elle estime notamment que les conditions dans lesquelles la recherche est mise en oeuvre ne correspondent plus aux conditions indiquées dans la demande d'autorisation ou ne respectent pas les dispositions du titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique, de suspendre ou d'interdire cette recherche à tout moment. Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente peut interdire la poursuite d'une recherche que son promoteur a déclaré comme achevée. Le moyen tiré de ce que le directeur général de l'ANSM ne pouvait y procéder doit en conséquence être écarté.
Sur la date de fin de la recherche :
4. Si l'article R. 1123-59 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable, détermine les conditions dans lesquelles le promoteur informe l'autorité compétente de la date effective de la fin de la recherche, en application de l'article L. 1123-11 du même code, et renvoie à un arrêté du ministre chargé de la santé le soin de déterminer les modalités selon lesquelles cette information est effectuée, il ne prévoit pas que le promoteur puisse revenir sur les informations déclarées antérieurement pour fixer une nouvelle date de fin de la recherche, et, ainsi, poursuivre de sa propre initiative une recherche déclarée achevée. Par un courriel du 26 janvier 2014 auquel était jointe une déclaration répondant aux conditions fixées par l'arrêté du 23 octobre 2006 relatif notamment au contenu et aux modalités de présentation des informations relatives à la fin de recherche, M. A... a informé l'ANSM avoir terminé sa recherche, et non sa seule " phase IIa " comme il le prétend, à la date du 15 janvier 2014. Il n'est par suite pas fondé à soutenir qu'ayant ensuite entendu revenir sur cette déclaration pour fixer une nouvelle date de fin de la recherche au 31 décembre 2014, l'ANSM ne pouvait considérer que la recherche avait pris fin le 15 janvier 2014 et qu'elle s'était ensuite poursuivie sans autorisation. La décision contestée n'est ainsi pas entachée d'erreur de droit sur ce point.
5. Le IV de l'article 8 de l'ordonnance n° 2016-800 du 16 juin 2016 relative aux recherches impliquant la personne humaine se borne à prévoir que les recherches régulièrement autorisées ou déclarées à la date d'entrée en vigueur de cette ordonnance se poursuivent pendant cinq ans conformément à la législation qui leur était initialement applicable. Ainsi qu'il a été dit, la recherche conduite par M. A... a pris fin le 15 janvier 2014 conformément à la législation applicable. Les dispositions précitées n'ont pas pour objet ou pour effet d'autoriser le promoteur qui a déclaré sa recherche achevée à la poursuivre pour une durée de cinq ans.
Sur la matérialité des motifs de la décision contestée :
6. En premier lieu, il résulte de l'article L. 1122-1 du code de la santé publique que le patient participant à une recherche impliquant la personne humaine est informé des conditions dans lesquelles celle-ci est réalisée par la remise d'un document écrit. L'article L. 1122-1-1 du même code prévoit que le consentement libre et éclairé du patient est recueilli également par un document écrit. Si M. A... a transmis aux inspecteurs de l'ANSM tous les documents en sa possession lors de l'inspection le 23 juillet 2015 au matin, il n'établit pas, alors qu'il faisait valoir en première instance n'avoir pas été en mesure de fournir à l'administration les formulaires de recueil du consentement de quinze patients en raison du " caractère inopiné " de la visite d'inspection, avoir recueilli le consentement par écrit de l'ensemble des patients inclus dans la recherche. Le motif de la décision contestée lui opposant l'absence de ces documents n'est en conséquence pas entaché d'erreur de fait.
7. En deuxième lieu, l'article L. 1123-1 du code de la santé publique habilite le ministre chargé de la santé à instituer des comités de protection de personnes dont il détermine la compétence territoriale, chargés notamment, en application de l'article L. 1123-7 du même code, d'émettre un avis sur l'adéquation, l'exhaustivité et l'intelligibilité des informations écrites à fournir au patient ainsi que la procédure à suivre pour obtenir son consentement éclairé. L'article L. 1123-9 prévoit en outre que toute modification substantielle de la recherche à l'initiative du promoteur doit obtenir un avis favorable du comité préalablement à sa mise en oeuvre.
8. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, la version du formulaire destiné à recueillir le consentement des patients en date du 22 décembre 2013, qui indiquait que " le protocole de thérapie cellulaire [proposé au patient], directement issu des résultats de l'essai clinique, continue en phase II b " et qu'il avait obtenu une autorisation de l'ANSM le 12 février 2010, alors que ces informations ne concernaient que la recherche déclarée achevée le 15 janvier 2014, faisait état d'une modification substantielle de la recherche. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que cette version du formulaire n'avait pas à être soumise pour avis au comité de protection des personnes compétent.
9. En troisième lieu, le motif de la décision contestée portant sur le non-respect des dispositions de l'article L. 1121-10 du code de la santé publique relatives à l'obligation d'assurance n'est pas fondé sur l'insuffisance de la période couverte par l'assurance souscrite comme le soutient M. A..., mais sur le fait que celui-ci avait inclus dans la recherche un nombre de patients supérieur à celui couvert par cette assurance, ce qui est confirmé par les pièces du dossier. Le moyen tiré de ce que ce motif serait entaché d'erreur de fait doit donc être écarté.
10. Enfin, il résulte de ce qui a été vu aux points 6, 8 et 9 que la dernière version du document destiné à informer les patients en application de l'article L. 1122-1 du code de la santé publique comportait des informations erronées sur la méthodologie et la durée de la recherche, sur le fait qu'elle avait été autorisée par l'ANSM, et sur la couverture des patients par l'assurance de responsabilité civile du promoteur. Le directeur général de l'ANSM n'a donc pas non plus commis d'erreur de fait sur ce point.
Sur la proportionnalité de la mesure :
11. La décision contestée fait obstacle, après l'achèvement de la recherche, à ce que M. A... utilise les données collectées pour la rédaction de rapports de recherche ou de publications scientifiques. Elle fait également obstacle à ce que le promoteur continue de suivre les patients dans le cadre du protocole de recherche. En revanche et contrairement à ce que soutient M. A..., elle ne fait pas obstacle, ainsi que l'a précisé l'ANSM dans le courrier du 9 décembre 2015 joint à la décision contestée, à ce que les patients qui y ont été inclus continuent à faire l'objet, sur le plan strictement médical, d'un suivi adapté à leur situation clinique.
12. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la recherche conduite par M. A... est affectée de graves carences concernant l'utilisation de cellules souches mésenchymateuses en dehors du cadre de l'essai clinique autorisé par l'ANSM, le recueil du consentement des patients concernés et leur couverture par une assurance de responsabilité civile. La décision contestée est en outre fondée sur un autre motif, non contesté en appel, tiré de l'absence de signalement d'évènements indésirables graves survenus chez un patient. La recherche n'a donc pas été conduite dans des conditions matérielles et techniques adaptées et compatibles avec les impératifs de rigueur scientifique et de sécurité des personnes qui s'y sont prêtées, ainsi que le prévoit l'article L. 1121-3 du code de la santé publique. Par suite et quand bien même par une lettre du 12 novembre 2018, le président du comité de protection des personnes Sud-Est IV, qui indique par ailleurs ignorer les tenants et aboutissants des procédures administrative et pénale en cours, a estimé de façon surprenante qu'il serait " parfaitement éthique et requis que ces résultats soient publiés ", la mesure de police administrative que constitue la décision du 8 décembre 2015, en ce qu'elle fait obstacle à l'utilisation des données issues de cette recherche, n'est pas disproportionnée.
13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement à l'ANSM, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. Les dispositions du même article font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. A... sur le même fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera à l'ANSM la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la ministre des solidarités et de la santé et à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- Mme F..., première conseillère,
- M. D..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 16 septembre 2019.
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N° 18MA03553