Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Faun Environnement a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la communauté d'agglomération du bassin de Thau à lui verser une indemnité de 23 454 euros en réparation des conséquences dommageables de la résiliation du marché de fourniture de quatre bennes à ordures ménagères, dont elle était titulaire, ainsi qu'une indemnité de 461 559 euros au titre des frais et investissements engagés pour l'exécution de ce marché, ces sommes devant être augmentées des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de sa demande et du produit de leur capitalisation.
Par un jugement n° 1604757 du 12 avril 2018, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la communauté d'agglomération du bassin de Thau à verser à la société Faun Environnement une indemnité de 23 504 euros majorée des intérêts à compter du 16 septembre 2016 et de leur capitalisation à compter du 16 septembre 2017 et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 juin 2018 et 20 mai 2019, la société Faun Environnement, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a limité le montant de l'indemnité qui lui est due à 23 504 euros ;
2°) de condamner la communauté d'agglomération du bassin de Thau à lui verser la somme de 461 559 euros au titre de l'indemnisation des investissements engagés pour l'exécution du marché résilié ;
3°) d'assortir cette somme des intérêts moratoires à compter de la date de sa réclamation préalable et d'ordonner leur capitalisation ;
4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du bassin de Thau la somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement a méconnu le principe du contradictoire en relevant d'office la fin de non-recevoir tirée de l'absence de présentation des justificatifs de sa réclamation préalable, que la communauté d'agglomération du bassin de Thau n'avait pas soulevée ;
- le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'il n'a pas répondu à son argumentation de fond en ce qui concerne l'indemnisation des investissements engagés pour l'exécution du marché ;
- sa demande est recevable car elle a présenté une réclamation préalable assortie de justificatifs ;
- en vertu des stipulations de l'article 33 du cahier des clauses administratives générales, elle est en droit d'obtenir une indemnisation correspondant à la part des frais et investissements engagés pour le marché et strictement nécessaires à son exécution.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2018, la communauté d'agglomération Sète Agglopole Méditerranée, venant aux droits de la communauté d'agglomération du bassin de Thau, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Faun Environnement en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance était en tout état de cause irrecevable car tardive ;
- les moyens de la requête sont infondés.
Par ordonnance du 20 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 11 juin 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'arrêté du 19 janvier 2009 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... Grimaud, rapporteur,
- les conclusions de M. B... Thielé, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la communauté d'agglomération Sète Agglopole Méditerranée.
Considérant ce qui suit :
1. La communauté d'agglomération du bassin de Thau, dite " Thau Agglomération ", a conclu le 1er décembre 2014 avec la société Faun Environnement un marché public portant sur la livraison de quatre véhicules dotés de bennes à ordures ménagères. Par un courrier du 13 avril 2016, la communauté d'agglomération a informé cette société de sa volonté de résilier le marché pour motif d'intérêt général, décision qu'elle a finalement adoptée le 12 juillet 2016. Par une réclamation préalable du 26 avril 2016, la société Faun Environnement a sollicité le paiement d'une indemnité de 461 559 euros hors taxes en application de l'article 33 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de fournitures courantes et services puis a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération du bassin de Thau à lui verser cette somme ainsi que l'indemnité forfaitaire de 5 % du montant du marché prévue par les mêmes stipulations contractuelles. Le tribunal administratif a fait droit, dans cette dernière mesure uniquement, à la demande dont il était saisi, rejetant ainsi les conclusions tendant au versement d'une indemnité de 461 559 euros hors taxes au titre des frais et investissements engagés pour l'exécution du marché en cause avant sa résiliation.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si la communauté d'agglomération Sète Agglopole Méditerranée a cité dans ses écritures de première instance les stipulations du deuxième alinéa de l'article 33 du cahier des clauses administratives générales imposant au titulaire d'un marché résilié, lorsqu'il sollicite, en sus de l'indemnisation forfaitaire prévue par le premier alinéa du même article, la compensation de la part des frais et investissements engagés pour l'exécution du marché, d'apporter toutes les justifications nécessaires à la fixation de cette partie de l'indemnité dans un délai de quinze jours après la notification de la résiliation du marché, elle n'a à aucun moment articulé une fin de non-recevoir fondée sur la méconnaissance de ce délai. La société Faun Environnement est dès lors fondée à soutenir que les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire en se fondant sur ce motif d'irrecevabilité, qui, au surplus, n'est pas d'ordre public, pour rejeter cette partie des conclusions de sa demande sans en aviser préalablement les parties. Le jugement attaqué est donc entaché d'irrégularité en tant qu'il rejette cette demande et doit, dans cette mesure, être annulé.
3. L'affaire étant en état d'être jugée, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la société Faun Environnement.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
4. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat.
5. En l'espèce, le deuxième alinéa de l'article 33 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché en cause stipule : " Le titulaire a droit, en outre, à être indemnisé de la part des frais et investissements, éventuellement engagés pour le marché et strictement nécessaires à son exécution, qui n'aurait pas été prise en compte dans le montant des prestations payées. Il lui incombe d'apporter toutes les justifications nécessaires à la fixation de cette partie de l'indemnité dans un délai de quinze jours après la notification de la résiliation du marché. / Ces indemnités sont portées au décompte de résiliation, sans que le titulaire ait à présenter une demande particulière à ce titre. ". Les stipulations de l'article 3 de l'acte d'engagement, relatif aux délais d'exécution de chaque lot, prévoient quant à elles que " ces délais partent à compter de la date fixée par l'ordre de service prescrivant au titulaire du lot concerné de commencer en premier l'exécution des prestations lui incombant. ". Enfin, aux termes de l'article 8 du cahier des clauses techniques particulières : " Le marché débutera à la date de l'ordre de service au titulaire de chacun des lots. ".
6. D'une part, il résulte de l'instruction que la réclamation indemnitaire d'un montant de 461 559 euros hors taxes présentée par la société Faun Environnement correspond au coût d'acquisition des châssis, des matières premières, de la main d'oeuvre, de frais de nature indéterminée et de frais de sous-traitance pour chacun des véhicules. Il en résulte que cette demande recouvre en réalité, non des frais et investissements exposés par l'entreprise pour l'exécution du marché, mais l'intégralité du coût de fabrication des bennes objets du marché. Or, ainsi que le fait valoir la communauté d'agglomération du bassin de Thau, aucun ordre de service n'a été notifié à l'entreprise à l'effet de commencer l'exécution du marché, de telle sorte que ces coûts ont été exposés à l'initiative de la société requérante. Celle-ci ne peut utilement se prévaloir des comptes-rendus, rédigés par le soin de ses préposés, de visites de courtoisie auprès des représentants du pouvoir adjudicateur les 8 janvier 2015, 29 juin 2015 et 10 mars 2016, au cours desquelles ceux-ci n'ont exprimé aucun consentement explicite ou tacite à la réalisation des prestations, pour soutenir que l'établissement a entendu lui ordonner le démarrage des travaux de fabrication. Elle ne saurait donc demander, sur le fondement de l'exigence de loyauté contractuelle, que soit écarté le jeu des stipulations de l'article 3 de l'acte d'engagement et de l'article 8 du cahier des clauses administratives particulières.
7. D'autre part et en tout état de cause, il résulte de l'instruction, ainsi que le fait valoir la communauté d'agglomération Sète Agglopole Méditerranée, sans que cela soit d'ailleurs réellement contesté par la requérante, que les véhicules en cause constituent des biens dépourvus de caractéristiques spécifiques ou d'adaptations exigées par le pouvoir adjudicateur excluant qu'ils soient vendus à d'autres clients de la société, voire à d'autres prestataires exerçant une activité similaire à la sienne.
8. Pour ces deux motifs, les frais dont fait état la société Faun Environnement ne peuvent être regardés comme des frais et investissements strictement nécessaires à l'exécution du marché.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de la société Faun Environnement, que la réclamation de 461 559 euros hors taxes qu'elle présente au titre des frais engagés pour l'exécution du marché doit être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la communauté d'agglomération Sète Agglopole Méditerranée, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a par ailleurs pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par cet établissement public de coopération intercommunale.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1604757 du tribunal administratif de Montpellier du 12 avril 2018 est annulé en ce qu'il a, en son article 2, rejeté la demande indemnitaire de 461 559 euros hors taxes présentée par la société Faun Environnement au titre des frais engagés pour l'exécution du marché passé le 1er décembre 2014 avec la communauté d'agglomération du bassin de Thau.
Article 2 : La demande indemnitaire de 461 559 euros hors taxes présentée par la société Faun Environnement devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Faun Environnement et à la communauté d'agglomération Sète Agglopole Méditerranée.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2019, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- M. D... Grimaud, premier conseiller,
- M. Allan Gautron, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 septembre 2019.
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N° 18MA02656