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12/07/2019 | FRANCE | N°17MA02605

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2019, 17MA02605


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 26 septembre 2015 par laquelle le directeur de la direction services courrier colis Côte d'Azur de la société La Poste lui a infligé la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de huit mois, de condamner cette société à lui verser la somme mensuelle de 1 784,08 euros jusqu'à la fin de son arrêt maladie et la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi à raison de cett

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 26 septembre 2015 par laquelle le directeur de la direction services courrier colis Côte d'Azur de la société La Poste lui a infligé la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de huit mois, de condamner cette société à lui verser la somme mensuelle de 1 784,08 euros jusqu'à la fin de son arrêt maladie et la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi à raison de cette sanction et d'enjoindre à la société La Poste de procéder au rappel des traitements suspendus pour la période du mois d'octobre 2015 au mois de février 2017.

Par l'article 1er du jugement n° 1504546 du 5 mai 2017, le tribunal administratif de Nice a annulé l'article 2 de la décision du 26 septembre 2015 et, par les articles 2 et 3 du jugement, a d'une part enjoint à la société La Poste de régulariser les traitements de M. D... dans les conditions mentionnées au point 10 du jugement dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 juin 2017, 1er septembre 2017, 16 février 2018 et 20 juin 2019 sous le n° 17MA02605, la société La Poste, représentée par Me E... demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement du 5 mai 2017 du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'ordonner à M. D... la restitution de toutes les sommes qu'il a perçues en exécution de ce jugement ;

3°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que la décision contestée ne s'appliquait qu'à la fin du congé maladie de M. D... ;

- cette décision a été prise à la fin du premier congé de maladie ;

- elle ne pouvait anticiper la prolongation de ce congé ;

- elle a versé à M. D... la somme de 10 946,29 euros en exécution du jugement attaqué.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2017, M. D..., représenté par Me F... demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 3 du jugement du 5 mai 2017 du tribunal administratif de Nice qui a rejeté le surplus de ses conclusions ;

3°) d'annuler l'article 1er de la décision du 26 septembre 2015 ;

4°) de condamner la société La Poste à lui verser les sommes de 17 733,36 euros au titre des traitements dus et de 15 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi ;

5°) de condamner la société La Poste aux entiers dépens.

Il soutient que les moyens soulevés par la société La Poste ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 septembre 2017.

Le mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2019, présenté pour M. D..., n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de M. A...,

- et les observations de Me F... représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. La société La Poste relève appel des articles 1er et 2 du jugement du 5 mai 2017 du tribunal administratif de Nice qui a annulé l'article 2 de la décision du 26 septembre 2015 par laquelle le directeur de la direction services courrier colis Côte d'Azur de la société La Poste a infligé à M. D... la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de huit mois et lui a enjoint de régulariser les traitements de l'intéressé dans certaines conditions. M. D... doit être regardé comme demandant, par la voie de l'appel incident, l'annulation de l'article 3 du jugement attaqué par lequel le tribunal a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'appel incident formé par M. D... :

2. En vertu de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, applicables aux fonctionnaires de La Poste en vertu de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom, les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux fonctionnaires de l'Etat sont réparties en quatre groupes. Relèvent du premier groupe les sanctions de l'avertissement et du blâme, du deuxième groupe celles de la radiation du tableau d'avancement, de l'abaissement d'échelon, de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours et du déplacement d'office, du troisième groupe celles de la rétrogradation et de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans et du quatrième groupe celles de la mise à la retraite d'office et de la révocation.

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. Pour prononcer la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de huit mois, à l'encontre de M. D... employé depuis 1982 qui exerçait des fonctions de facteur, la société La Poste s'est fondée sur deux fautes tirées de ce que l'intéressé a conduit un deux-roues motorisé sans casque le 16 juin 2015 et a laissé de nombreux plis non traités lors de deux contrôles effectués les 23 et 29 juin 2015. Plus particulièrement, il ressort des pièces du dossier qu'il a été constaté la présence de 136 plis en souffrance et des plis dits Reflex non traités, ainsi que 700 restes et des Reflex et ordres de réexpéditions non traités avant le départ en tournée. M. D... ne conteste pas valablement ces faits en se bornant à se prévaloir de ses conditions de travail dégradées et d'un acharnement de sa hiérarchie à son égard, lequel n'est au demeurant pas établi. Il produit une attestation de la représentante au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) selon laquelle suite à une nouvelle organisation du bureau de Vence le 15 juin 2015, une tournée a été enlevée et s'est retrouvée sur celle de M. D... qui comme beaucoup de ses collègues a dû ramener une partie du courrier pour pouvoir finir dans les heures. Toutefois, cette attestation et les allégations du requérant n'expliquent pas en quoi il a dû laisser des courriers non traités avant le départ en tournée ainsi que l'absence du port de casque. La circonstance à la supposée établie que d'autres agents n'auraient pas été sanctionnés après avoir commis des faits analogues est sans incidence. Par ailleurs, M. D... a déjà fait l'objet antérieurement de quatre sanctions disciplinaires dont en dernier lieu une exclusion temporaire de fonction de trois mois dont deux avec sursis pour utilisation d'un véhicule postal de service à des fins personnelles du 16 mai au 15 juin 2015. Par suite, l'exclusion temporaire de fonction d'une durée de huit mois infligée à M. D..., ne constitue pas, dans ces circonstances, une sanction disproportionnée.

5. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4, les conclusions de M. D... tendant au versement de la somme de 17 733,36 euros au titre des traitements dus pendant la période de congés maladie ne peuvent qu'être rejetées.

6. Le présent arrêt ne retient pas d'illégalité à l'encontre de l'arrêté en litige, susceptible d'engager la responsabilité de la société La Poste. Par suite, les conclusions de M. D... à fin d'indemnisation du préjudice moral subi du fait de cet arrêté ne peuvent qu'être rejetées.

7. Il résulte de ce qui précède que les conclusions d'appel incident présentées par M. D... tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement attaqué ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne l'appel de la société La Poste :

S'agissant des conclusions principales de la Poste :

8. La circonstance qu'un agent soit placé en congé pour maladie ne fait pas obstacle à l'exercice de l'action disciplinaire à son égard ni, le cas échéant, à l'entrée en vigueur d'une décision de révocation. Par suite, la société La Poste est fondée à soutenir que c'est à tort que par l'article 1er du jugement attaqué, les premiers juges ont estimé que l'article 2 de la décision contestée qui prévoyait que l'exclusion temporaire de fonction débutera le 29 septembre 2015, à l'issue de l'arrêt de travail qui se termine le 28 septembre 2015 était entaché d'illégalité au motif qu'il fixait la date de prise d'effet de la sanction avant la fin du congé de maladie de M. D....

9. Il résulte de ce qui précède que la société La Poste est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les article 1er et 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé l'article 2 de la décision du 26 septembre 2015 et lui a enjoint de régulariser les traitements de l'intéressé.

S'agissant des conclusions à fin d'injonction présentées par la Poste :

10. Il résulte de l'instruction qu'en exécution du jugement attaqué, la société La Poste a versé à M. D... les traitements dont il avait été privé suite à l'annulation par le tribunal administratif de Nice de la décision l'excluant temporairement de ses fonctions. L'annulation de ce jugement par le présent arrêt et le rejet de sa demande de première instance impliquent que l'intéressé restitue à son employeur les traitements qui lui ont été indûment versés au titre de cette période. La Poste, société anonyme depuis le 1er mars 2010, ne dispose pas de la faculté d'émettre un état exécutoire pour le recouvrement de cette créance qu'elle détient sur M. D.... Elle est, par suite, recevable et fondée à demander à la Cour d'enjoindre à M. D... de lui restituer la somme qu'il a indûment perçue pendant la période de la sanction d'exclusion de fonction de huit mois.

Sur les frais liés au litige :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". Aux termes de l'article R. 761-1 du même code : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. (...) ".

12. Le tribunal a rejeté à juste titre la demande de M. D... tendant à la condamnation de la société La Poste aux entiers dépens de l'instance dès lors qu'aucun dépens qui ne comprennent pas les frais de plaidoirie n'a été exposé au cours de l'instance.

13. Pour le même motif que celui mentionné au point 12, les conclusions de M. D... tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de la société La Poste ne peuvent qu'être rejetées.

14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société La Poste présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 1er et du 2 du jugement du 5 mai 2017 du tribunal administratif de Nice sont annulés.

Article 2 : La demande de M. D... présentée devant le tribunal administratif de Nice et ses conclusions incidentes sont rejetées.

Article 3 : Il est enjoint à M. D... de restituer à la société La Poste la somme qu'il a indûment perçue pendant la période de la sanction d'exclusion de fonction de huit mois.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société La Poste sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société La Poste, à M. C... D...et à Me F....

Délibéré après l'audience du 28 juin 2019, où siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme B..., première conseillère,

- Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2019.

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N° 17MA02605

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA02605
Date de la décision : 12/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : MANCILLA

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-07-12;17ma02605 ?
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