Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Agir pour la Crau, l'association Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles (NACICCA) et l'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône (FNE 13) ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 25 janvier 2013 autorisant la SARL Logiprest à exploiter un entrepôt logistique sur la commune de Saint-Martin-de-Crau.
Par un jugement n° 1400631 du 12 janvier 2017, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 25 janvier 2013.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 17MA00990 le 14 mars 2017 et le 29 mars 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 janvier 2017 ;
2°) de rejeter la demande de l'association Agir pour la Crau, l'association Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles et l'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône.
Il soutient que :
- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement en indiquant que le préfet n'a imposé aucune prescription à l'exploitant alors qu'il faisait valoir dans ses écritures que des mesures d'atténuation et de compensation des incidences du projet figurent au dossier de demande d'autorisation, et que des dérogations à l'interdiction de destruction de spécimens et d'habitats d'espèces animales protégées ont été accordées au pétitionnaire ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit et une dénaturation des pièces du dossier en retenant que le préfet n'avait imposé aucune prescription à l'exploitation concernant la faune ;
- les mesures d'atténuation prévues au dossier de demande d'autorisation devaient être prises en considération pour apprécier la compatibilité du projet avec les dispositions de l'article 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Martin-de-Crau applicable ;
- cette même appréciation aurait dû tenir compte également des deux arrêtés de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces et habitats d'espèces protégées délivrés dans le cadre du projet litigieux ;
- l'exploitation litigieuse n'est pas par nature incompatible avec le caractère de zone nodale terrestre du lieu d'implantation, tel que déterminé en application de l'article 7 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Martin-de-Crau applicable ;
- la méconnaissance, à la supposée établie, des règles d'urbanisme en vigueur à la date de l'arrêté en litige sera régularisée par la révision en cours du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Martin-de-Crau.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 août 2018, l'association Agir pour la Crau, l'association Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles et l'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 000 euros à chacune des associations sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que :
- les moyens soulevés par le ministre de la transition écologique et solidaire ne sont pas fondés ;
- en outre, l'évaluation des incidences Natura 2000 est insuffisante, dès lors que la SARL Logiprest s'est bornée à reprendre à son compte les études établies par la SCI Boussard Sud, aménageur du site, et du fait des insuffisances mêmes de l'évaluation des incidences Natura 2000, tant dans l'analyse des incidences du projet pris individuellement, ou conjugués avec d'autres projets ou activités existantes, que du fait de l'absence de vérification de l'ensemble des effets cumulés du projet ;
- dès lors qu'un doute, même faible, subsiste sur l'absence d'effets préjudiciables du projet au regard des objectifs de conservation d'un ou plusieurs sites Natura 2000, le préfet aurait dû, afin de respecter les dispositions de l'article 6§3 de la directive habitats, transposées à l'article L. 414-4 VI et VII du code de l'environnement, refuser de délivrer l'autorisation litigieuse ;
- les prescriptions de l'arrêté litigieux sont insuffisantes au regard de la nécessaire protection des espèces présentes et donc des intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
Par un mémoire enregistré le 4 octobre 2018, la société Logiprest, conclut à titre principal à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 janvier 2017, à titre subsidiaire, à ce que la Cour fasse usage de ses pouvoirs en application de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, en arrêtant des mesures de régularisation raisonnables et proportionnées et s'il y a lieu, en renvoyant le dossier au préfet des Bouches-du-Rhône, afin qu'il prenne les prescriptions qui en découlent, et à la mise à la charge des associations Agir pour la Crau, Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles et France Nature Environnement Bouches-du-Rhône, d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le mémoire des associations requérantes enregistré le 14 juin 2016 et contenant des éléments nouveaux sur lequel le tribunal s'est fondé n'a pas été communiqué en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- le tribunal a incorrectement interprété les dispositions l'article 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Martin-de-Crau ;
- le projet en litige n'est pas incompatible avec ces dispositions du document d'urbanisme, notamment au regard des mesures dérogatoires arrêtées par le préfet des Bouches-du-Rhône qui s'imposent à l'exploitation et devaient être prises en compte par le tribunal ;
- les moyens soulevés par les associations intimées ne sont pas fondées.
II. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le numéro 17MA00996 le 14 mars 2017 et le 4 octobre 2018, la société Logiprest, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 janvier 2017 ;
2°) de rejeter la demande de l'association Agir pour la Crau, l'association Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles et l'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône ;
3°) à titre subsidiaire, à faire application de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, en arrêtant des mesures de régularisation raisonnables et proportionnées et s'il y a lieu, en renvoyant le dossier au préfet des Bouches-du-Rhône, afin qu'il prenne les prescriptions qui en découlent ;
4°) à la mise à la charge des associations Agir pour la Crau, Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles et France Nature Environnement Bouches-du-Rhône, d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le mémoire des associations requérantes enregistré le 14 juin 2016 et contenant des éléments nouveaux sur lequel le tribunal s'est fondé n'a pas été communiqué en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- les dispositions l'article 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Martin-de-Crau n'ont qu'une portée générale qui doit être interprétée au regard des dispositions spéciales de l'article 1NAb1 du plan d'occupation des sols remises en vigueur qui autorisent l'implantation de bâtiments à activité logistique sur le terrain d'emprise du projet, ainsi que des orientations d'aménagement de programmation qui identifient ce terrain en projet d'extension des zones d'activités et des dispositions du projet d'aménagement et de développement durable ;
- les impacts du projet, eu égard aux mesures d'atténuation prévues par l'exploitant et des dérogations à l'interdiction de destruction des espèces protégées accordées par le préfet des Bouches-du-Rhône, ne caractérisent pas une perturbation de la continuité écologique de la zone nodale concernée ; le projet en litige n'étant par ailleurs inclus ni dans la trame verte à préserver ni dans un corridor écologique ou agricole ;
- l'évaluation des incidences Natura 2 000 effectuée par le bureau d'études Eco-Med n'est pas insuffisante ;
- les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement ne sont pas méconnues ;
- il n'existe aucune incompatibilité radicale de principe entre l'activité logistique envisagée et la trame verte de la zone résultant du document d'urbanisme, de sorte qu'il appartient à la Cour de faire usage des dispositions de l'article L. 514-6 du code de l'environnement.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 septembre 2018, l'association Agir pour la Crau, l'association Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles et l'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que :
- les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés ;
- et invoquent en outre les mêmes moyens que ceux présentés dans le cadre de l'instance 17MA0990.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. A...,
- les observations de Me C... représentant la société Logiprest et de Me E... représentant l'association agir pour la Crau et autres.
1. Par arrêté en date du 25 janvier 2013, le préfet des Bouches-du-Rhône a autorisé la SARL Logiprest à exploiter un entrepôt logistique sur la commune de Saint-Martin-de-Crau, à l'adresse Zone industrielle Bois de Leuze au lieu-dit Mas de Leuze, pour un bâtiment à usage de stockage de matières, produits ou substances combustibles en entrepôts couverts d'une capacité maximale de 1 677 600 mètres cubes, située sur la plaine de la Crau. Le ministre de la transition écologique et solidaire et la société Logiprest relèvent appel du jugement du 12 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté.
2. Les requêtes n° 17MA00990 et 17MA00996 présentées par ministre de la transition écologique et solidaire et la société Logiprest, sont relatives à un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur les conclusions présentées par la SARL Logiprest dans le cadre de l'instance n° 17MA00990 :
3. La SARL Logiprest a été appelée à l'instance par la Cour en qualité de simple observateur. Par suite, le mémoire qu'elle a produit le 4 octobre 2018, ne constitue pas une intervention en défense, assortie de moyens propres, mais de simples observations. En sa qualité d'observateur, la société n'est pas recevable à présenter des conclusions dans le cadre de l'appel interjeté par l'Etat, lesquelles ne peuvent qu'être rejetées.
Sur la régularité du jugement :
4. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
5. Le tribunal après avoir rappelé au point 5 du jugement attaqué que " les dispositions prises par une société pour réduire les conséquences éventuelles de son exploitation sur l'environnement sont, par elles-mêmes, sans incidence sur cette appréciation ", a retenu au point 14 que le préfet n'avait, dans l'arrêté litigieux, imposé aucune prescription à l'exploitation concernant la faune. Dès lors, et alors même qu'il n'a pas pris en considération les mesures relatives aux espèces protégées, cette contestation ne relevant pas de la régularité du jugement mais de son bien-fondé, le jugement est suffisamment motivé et ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative.
6. Il ressort des pièces de la procédure qu'après avoir appelé l'affaire à une première audience qui s'est tenue le 1er septembre 2016, le tribunal administratif de Marseille a procédé à la réouverture de l'instruction et a fixé une seconde audience le 1er décembre 2016 au terme de laquelle le jugement attaqué a été rendu. Dans le cadre de cette réouverture de l'instruction, les associations requérantes ont transmis deux mémoires enregistrés au greffe du tribunal les 8 et 16 novembre 2016 aux termes desquels elles soulevaient un nouveau moyen tiré de l'incompatibilité des activités autorisées par la décision en litige avec le caractère de la zone, tel que déterminé en application de l'article 7 des dispositions générales du plan local d'urbanisme de Saint-Martin-de-Crau. Ces mémoires ont fait l'objet d'une communication et d'ailleurs la société Logiprest y a répliqué par deux nouvelles productions enregistrées les 16 et 27 novembre 2016. Si la société appelante soutient que le mémoire des associations requérantes enregistré le 14 juin 2016 ne lui a pas été communiqué, il ressort de son analyse qu'il ne contenait l'exposé d'aucune circonstance de fait ni d'aucun élément de droit sur lequel le tribunal a fondé le jugement de l'affaire. Par suite, l'absence de communication de ce mémoire n'est pas de nature à méconnaître le principe du contradictoire.
7. Il suit de là que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Marseille :
8. D'une part, aux termes de l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté litigieux, et dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 152-1 du même code : " Le règlement et ses documents graphiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, pour la création de lotissements et l'ouverture des installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan (...) ". Il résulte de ces dispositions que les prescriptions du document d'urbanisme qui déterminent les conditions d'utilisation et d'occupation des sols et les natures d'activités interdites ou limitées s'imposent aux autorisations d'exploiter délivrées au titre de la législation des installations classées.
9. D'autre part, en vertu du I de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, les décisions prises en matière de police des installations classées pour la protection de l'environnement à la suite d'une demande d'autorisation ou d'enregistrement ou d'une déclaration préalable sont soumises à un contentieux de pleine juridiction, toutefois, le deuxième alinéa de ce I, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêt contesté, dispose que : " Par exception, la compatibilité d'une installation classée avec les dispositions d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un plan d'occupation des sols ou d'une carte communale est appréciée à la date de l'autorisation, de l'enregistrement ou de la déclaration (...) ".
10. Il est constant que l'emprise du projet d'installation classée litigieux se situe dans le périmètre du pôle logistique n° 15, lequel a été classé en zone 1AUe, dédiée au développement des activités logistiques du plan local d'urbanisme de Saint-Martin-de-Crau approuvé par délibération du conseil municipal du 5 juillet 2011. Toutefois, par arrêt devenu définitif du 29 octobre 2015, la Cour a annulé cette délibération en tant qu'avaient été classées en zone IAU les parcelles regroupées sous l'appellation " pôle logistique n° 15 ". Cette annulation partielle pour excès de pouvoir a pour effet de remettre en vigueur les dispositions antérieures du plan d'occupation des sols (POS) de la commune de Saint-Martin-de-Crau, qui classent l'emprise du projet litigieux en secteur 1NAb, soit dans un secteur intitulé " secteur d'urbanisation future destiné aux activités économiques ", et, plus précisément, dans le sous-secteur 1NAb5, applicable aux lieux-dits " Four à Chaux " et " Le Mas de Leuze ", destiné aux activités économiques, et dans lequel sont autorisés, comme le précise l'article 1NAb1 du même POS, en particulier, les projets de bâtiments à usage de stockage et d'activité logistique.
11. Par ailleurs, selon l'article 7 des dispositions générales du plan local d'urbanisme : " A. Prescriptions relatives aux zones nodales et zones périphériques aquatiques : Les aménagements prévus dans les zones nodales et zones périphériques aquatiques identifiées sur le document graphique intitulé " trames verte et bleue (planche 4/4) ne sont autorisés qu'à condition de ne pas perturber la continuité écologique de ces zones. ". L'annulation partielle du PLU ne fait pas obstacle à ce que les dispositions générales qu'il contient restent applicables aux zones identifiées comme trames vertes et bleues, qui ne sont pas spécifiques aux zones IAU. Par voie de conséquence, la remise en vigueur, du fait de l'annulation prononcée par la Cour, des dispositions du règlement de la zone INAb1 du POS n'exclut pas l'applicabilité au présent litige de ces dispositions générales.
12. Par suite, la compatibilité de l'exploitation de l'entrepôt logistique litigieux doit être appréciée avec les dispositions du POS relatives au secteur 1NAb1, ainsi qu'avec les dispositions de l'article 7 des dispositions générales du règlement du PLU.
13. Il résulte de l'instruction ainsi qu'il a été dit au point 10, que le projet en litige d'exploitation d'un entrepôt logistique se situe dans le secteur 1NAb du règlement du POS, zone d'urbanisation future destinée aux activités économiques, dans laquelle sont expressément autorisés les projets de bâtiments à usage de stockage et d'activité logistique. Par conséquent, le projet en cause s'inscrit dans l'un des cas d'utilisation du sol autorisés par le POS. Il est donc compatible avec le parti d'aménagement retenu par la commune dans ce plan et ne méconnaît pas les dispositions du règlement de la zone du plan dans laquelle sa réalisation est prévue. Si l'installation classée en cause se situe également dans une zone nodale comprise dans la trame verte et bleue délimitée dans le document graphique du PLU et si elle présente selon l'étude d'impact le risque d'engendrer une perte de fonctionnalité écologique globale du secteur du Mas de Leuze, les dispositions générales de l'article 7 du PLU n'ont toutefois pas conduit à la création d'une zone ou sous-zone indicée dédiée à un rôle écologique, ni à la définition de règles, spécifiques dans le secteur en cause portant interdiction ou limitation d'ouverture d'installations classées. Ainsi, ces dispositions générales n'ont eu ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à la délivrance de l'autorisation sollicitée. Le ministre de la transition écologique et solidaire et la société Logiprest sont dès lors fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté en litige au motif tiré de l'incompatibilité de l'installation classée en cause avec les dispositions applicables du document d'urbanisme de la commune de Saint-Martin-de-Crau.
14. Il appartient toutefois à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués devant le tribunal administratif de Marseille par l'association Agir pour la Crau et autres.
Sur les autres moyens soulevés par l'association Agir pour la Crau et autres :
15. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". L'article L. 512-1 du code de l'environnement modifié par l'ordonnance du 26 janvier 2017 dispose désormais que : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier. ". L'article L. 181-3 du même code dispose désormais que : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ". Il résulte des dispositions citées ci-dessus qu'il appartient à l'Etat, dans l'exercice de ses pouvoirs de police en matière d'installations classées, d'assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement par les installations soumises à autorisation en application de l'article L. 512-1 du même code et ce, notamment, en assortissant l'autorisation délivrée à l'exploitant de prescriptions encadrant les conditions d'installation et d'exploitation de l'installation qui soient de nature à prévenir les risques et les inconvénients susceptibles de survenir.
16. Il résulte de l'instruction et notamment de la planche graphique n° 4/4 des trames vertes et bleues du plan local d'urbanisme que le projet, d'une emprise de 284 120 m², se situe dans une zone nodale verte. Il ressort de l'étude d'impact jointe à la demande d'autorisation d'exploiter l'installation classée en cause que le terrain d'assiette du projet figure parmi les zones les plus exploitées par la faune et la plus fonctionnelle du secteur de Leuze et que la destruction massive du milieu naturel généré par le projet représente un impact fort sur les fonctionnalités écologiques du Maz de Leuze. Il ressort également de cette même étude que la zone d'emprise est placée de façon idéale afin d'assurer un lien fonctionnel pour diverses espèces. Ont été notamment identifiés de multiples effets négatifs du projet, dont trois effets majeurs prépondérants localisés sur la zone d'emprise du projet, consistant en la destruction d'habitats naturels fonctionnels, la destruction d'habitats d'espèces présentant des enjeux locaux de conservation notables et la destruction des cortèges d'espèces associées à ces habitats, avec une perte de fonctionnalité écologique globale du secteur d'études, bien au-delà de la zone d'emprise, celle-ci étant placée de façon idéale afin d'assurer un lien fonctionnel pour diverses espèces. Si des mesures de réduction peuvent permettre une meilleure intégration écologique du projet dans ce contexte délicat, l'effet négatif découlant directement de ces trois effets majeurs est la perte de fonctionnalité écologique globale du secteur du Mas de Leuze, entraînant une rupture ou une fragmentation écologique marquée et la destruction de friches qui figurent parmi les zones les plus exploitées par la faune et les plus fonctionnelles du secteur du Mas de Leuze. La société pétitionnaire ne peut utilement soutenir que le terrain d'assiette du projet ne se situerait ni dans une trame verte à conserver, ni dans un corridor écologique ou agricole selon le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) et les orientations d'aménagement et de programmation, dès lors que, comme l'a jugé la Cour dans son arrêt du 29 octobre 2015, revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée, le caractère constructible de la zone où doit s'implanter le projet ne pouvait pas être maintenu en raison de l'insuffisance de l'étude environnementale jointe au dossier soumis à enquête publique. Par ailleurs, le préfet qui n'a imposé aucune prescription à l'exploitant en rapport avec ses activités et avec les atteintes qu'elles sont susceptibles de porter aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ne peut utilement soutenir qu'il convient de tenir compte des dispositions prises par la société pour réduire l'impact de son exploitation sur l'environnement dès lors qu'elles sont par elles-mêmes sans incidence sur l'appréciation de la protection de ces intérêts. De même, si des dérogations à la législation sur les espèces protégées définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ont été délivrées dans le cadre du projet litigieux le 18 juillet 2012 et le 20 juillet 2012 à la SCI Boussard Sud, anciennement propriétaire du terrain acquis par Logiprest, respectivement pour l'Outarde canepetière et pour trois espèces d'oiseaux (l'oedicnème criard, le cochevis huppe et le bruant proyer), une espèce de mammifère (la pipistrelle pygmée) et une espèce de reptiles (le lézard ocellé), cette circonstance n'est pas de nature, à elle seule, à atténuer de manière significative les atteintes portées par le projet à la fonctionnalité écologique globale du secteur, constituant un véritable écosystème intégrant de façon interdépendante la biocénose et le biotope du milieu. Par ailleurs, si la délivrance de ces dérogations a donné lieu à la prescription de mesures d'atténuation afin de maintenir la préservation de ces espèces dans un état de conservation favorable, celles-ci ne sauraient être regardées comme suffisantes pour compenser les effets négatifs du projet sur les autres espèces végétales et animales recensées sur la zone d'emprise du projet pour lesquelles les structures d'habitats naturels de la zone assurent la stabilité. Dans ces conditions, l'arrêté en litige autorisant le projet pris dans toutes ses composantes doit être regardé comme portant au milieu naturel et à l'environnement, intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, des atteintes qu'aucune prescription ne permettrait d'éviter. Par suite, et ainsi que le prescrit l'article L. 181-3 du même code, l'autorisation contestée ne pouvait, être légalement accordée.
17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par l'association Agir pour la Crau et autres, que le ministre de la transition écologique et solidaire et la société Logiprest ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté en litige.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 514-6 du code de l'environnement :
18. Lorsqu'il statue en vertu de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation classée pour la protection de l'environnement en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation sollicitée et, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions.
19. Il ne résulte pas de l'instruction, et en l'état du projet soumis à demande d'autorisation, que l'atteinte révélée au point 14 du présent arrêt pourrait être palliée par des prescriptions spécifiques. En conséquence, les conclusions de la société Logiprest tendant à ce que la Cour prononce de telles mesures ou qu'il soit enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône d'y procéder ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les frais liés au litige :
20. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
21. Ces dispositions font obstacle à ce que les associations intimées, qui ne sont pas dans la présente instance, les parties perdantes, versent quelque somme que ce soit à la société Logiprest au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement par chacune d'elle d'une somme de 1 000 euros. Enfin les conclusions tendant au bénéfice de ces mêmes dispositions présentées par la société Logiprest dans l'instance 17MA00990, qui a la qualité d'observateur et non celle de partie au sens des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes du ministre de la transition écologique et solidaire et de la société Logiprest sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions de la société Logiprest présentées dans le cadre de l'instance n° 17MA00990 sont rejetées.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros chacune à l'association Agir pour la Crau, l'association Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles et l'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire, à la SARL Logiprest, à l'association Agir pour la Crau, à l'association Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles et à l'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2019, où siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme D..., première conseillère,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juillet 2019.
N° 17MA00990, 17MA00996 2
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