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11/07/2019 | FRANCE | N°18MA04666

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 11 juillet 2019, 18MA04666


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1800512 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 novembre

2018 et le 10 mai 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1800512 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 novembre 2018 et le 10 mai 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 mai 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 5 octobre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) à défaut, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à un nouvel examen de sa situation et de prendre une décision dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- la même décision est entachée d'une erreur de droit en ce que les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables aux ressortissants algériens ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision contestée sur sa situation personnelle en se dispensant d'user de son pouvoir de régularisation ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire d'une durée supérieure à trente jours est insuffisamment motivée.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 novembre 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la Cour a désigné Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

- et les observations de Me C..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien, fait appel du jugement du 9 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 5 octobre 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône refusant de lui délivrer un certificat de résidence, portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

2. L'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. La décision contestée vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ses articles L. 511-1, I, 3°, L. 511-1 I dernier alinéa et II, L. 512-1, L. 513-2 et R. 311-13 et l'accord franco-algérien. Elle mentionne par ailleurs les éléments de faits propres à la situation personnelle de M. B... quant à ses conditions d'entrée et de séjour sur le territoire français et ceux relatifs à sa vie privée et familiale, qui en constituent le fondement et rappelle qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et de dix-huit ans et qu'il ne justifie pas du caractère réel et sérieux du suivi de la formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, ainsi que le défaut de visa, l'absence de justification de l'ancienneté et de la stabilité des liens personnels et familiaux et la condamnation pénale dont il a fait l'objet. Par suite, alors même que la décision, qui n'est pas stéréotypée, ne mentionne pas l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion socioprofessionnelle de l'intéressé, M. B... n'est fondé à soutenir ni qu'elle est insuffisamment motivée, ni que le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation avant d'opposer un refus à sa demande de certificat de résidence.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, (...) ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". L'article 6 de l'accord franco-algérien stipule que : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".

5. M. B..., arrivé en France à une date inconnue, a été confié, par ordonnance de placement du juge des enfants du tribunal pour enfants de Marseille du 9 juin 2016 renouvelée le 7 septembre 2016 pour la période allant jusqu'à sa majorité, aux services de l'aide sociale à l'enfance du département des Bouches-du-Rhône et placé, à compter du 21 septembre 2015, au centre éducatif " Les Pléiades " à Marseille puis à partir du 2 mai 2016 au foyer " Calendal ". Il établit résider sur le territoire national depuis le mois de septembre 2015, date à laquelle il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance. Jeune majeur, il justifie ainsi d'une durée de séjour de deux ans à la date de la décision contestée. S'il a commencé deux formations dans le cadre d'un certificat d'aptitude professionnelle, l'une en maçonnerie lors de l'année scolaire 2015-2016 et l'autre en mécanique l'année suivante, il les a abandonnées sans les valider et a ensuite, à partir du mois de juillet 2017, suivi un stage d'une durée de 3 mois pour apprendre à réaliser des pizzas. Il n'établit pas dès lors l'existence d'une insertion professionnelle, en l'absence de validation d'une formation professionnelle qualifiante et d'emploi. Par ailleurs, l'intéressé, qui présente une addiction à l'alcool et aux drogues, s'est rendu coupable le 20 janvier 2016 de violences sur un éducateur social ainsi que d'autres délits dont recel, violences en réunion et vol, faits pour lesquels il a été condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Marseille du 3 juillet 2017 à une peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis. Par suite, eu égard notamment au caractère récent de son entrée en France et malgré les efforts d'intégration notés par les éducateurs assurant son suivi, la décision lui refusant un titre de séjour n'a pas méconnu les stipulations de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs et quelle que soit l'étendue du pouvoir général de régularisation dont dispose l'autorité préfectorale, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle doit également être écarté.

6. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, sous réserve des conventions internationales. En ce qui concerne les ressortissants algériens, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France et à y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont relatives aux conditions de délivrance d'un titre de séjour, ne sont, dès lors, pas applicables aux ressortissants algériens.

7. Il ressort des indications portées aux visas de l'arrêté contesté que M. B... a déposé le 7 juillet 2017 une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si le préfet des Bouches-du Rhône a estimé qu'il ne remplissait pas les conditions posées par ces dispositions, qui ne sont pas applicables aux ressortissants algériens ainsi que le soutient le requérant et qu'il vient d'être exposé, il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que le préfet aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur les autres motifs de refus mentionnés au point 3, et notamment sur l'absence de justification de l'ancienneté et de la stabilité des liens personnels et familiaux au sens du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. L'erreur de droit ainsi commise par le préfet des Bouches-du-Rhône ne saurait donc entraîner l'annulation de la décision contestée.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

8. M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de certificat de résidence serait illégale eu égard à ce qui a été exposé précédemment. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, invoqué par la voie de l'exception à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.

9. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs mentionnés au point 7.

10. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés en particulier également au point 7, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en obligeant M. B... à quitter le territoire français, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire d'une durée supérieure à trente jours :

11. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) ".

12. La décision contestée accorde le délai de départ volontaire de trente jours prévu par les dispositions précitées. Le requérant ne s'est prévalu d'aucune circonstance particulière justifiant l'application d'un délai plus long que celui de trente jours fixé par la décision en litige. La décision n'avait dès lors pas à faire l'objet d'une motivation spécifique. Le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit dès lors être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'astreinte et d'injonction :

14. Le présent arrêt, qui rejette la requête, n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions présentées aux fins d'injonction et d'astreinte par M. B... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse quelque somme que ce soit à M. B... ou à son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches du Rhône.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2019 où siégeaient :

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère,

- M. Merenne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juillet 2019.

La rapporteure,

signé

A.BOURJADE-MASCARENHASLa présidente,

signé

K. JORDA-LECROQ

La greffière,

signé

C. MONTENERO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

6

N° 18MA04666


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA04666
Date de la décision : 11/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme JORDA-LECROQ
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : CAUCHON-RIONDET

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-07-11;18ma04666 ?
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