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10/07/2019 | FRANCE | N°19MA01044-19MA01758

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 10 juillet 2019, 19MA01044-19MA01758


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 août 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui déli

vrer un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la date de notifica...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 août 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour dans les mêmes conditions.

Par un jugement n° 1807531 du 28 janvier 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. - Par une requête enregistrée le 1er mars 2019 sous le n° 19MA01044, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 23 août 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard en le munissant dans l'attente, dans un délai de huit jours et sous la même astreinte, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard en le munissant, dans l'attente et dans un délai de dix jours, d'une autorisation provisoire de séjour et de travail ;

5°) en tout état de cause, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder, dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé car il ne répond pas aux moyens tirés de l'absence de consultation de la commission du titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ce jugement est intervenu en violation du principe du contradictoire car les premiers juges ont estimé que la décision portant interdiction de retour était fondée sur le premier alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que l'arrêté retient une autre base légale ;

- le jugement est intervenu au terme d'une procédure irrégulière dès lors que son mémoire du 11 janvier 2019 n'a pas été analysé et que l'instruction n'a pas été rouverte alors qu'il y faisait état de circonstances de fait nouvelles ;

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée de vice de procédure car la commission du titre de séjour n'a pas été consultée alors qu'il réside en France depuis dix ans ;

- en refusant de l'admettre au séjour, le préfet a fait une inexacte application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

- le préfet a également méconnu les dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012, qui lui est opposable en vertu des articles L. 312-2 et L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- le préfet des Bouches-du-Rhône a porté atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants en lui refusant le séjour, en méconnaissance de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- cette décision est entachée d'erreur de droit car il pouvait prétendre de plein droit à un titre de séjour ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- cette décision porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, en méconnaissance de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'erreur de droit car le préfet n'a pas examiné sa situation au regard des critères posés par le huitième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- cette décision porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, en méconnaissance de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

II. - Par une requête n° 19MA01758, enregistrée le 11 avril 2019, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1807531 du 28 janvier 2019 ;

2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué entraîne des conséquences difficilement réparables pour lui, dès lors qu'il rend possible l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ;

- il existe un doute sérieux sur la légalité de cet arrêté, doute reposant sur les mêmes moyens que ceux soulevés dans la requête n° 19MA01044.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... Grimaud, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Entré pour la première fois en France le 21 mars 2005 selon ses déclarations, M. A..., né le 1er février 1979 et de nationalité turque, a sollicité, le 3 novembre 2017, un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 août 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté cette demande et prescrit l'éloignement de l'intéressé.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Le jugement attaqué a rejeté la demande de M. A... sans répondre au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à raison de la durée de son séjour en France, moyen que le requérant avait soulevé dans son mémoire introductif d'instance. M. A... est dès lors fondé à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité et doit pour cette raison être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. A....

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

6. La décision de refus de séjour contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'elle serait insuffisamment motivée doit être écarté, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elle ne mentionne pas de manière détaillée les motifs pour lesquels le préfet a refusé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'absence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens de ces dispositions se déduisant sans équivoque de l'exposé des éléments relatifs à la situation particulière de l'intéressé.

7. En deuxième lieu, selon l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".

8. Si M. A... affirme qu'il résidait en France de manière continue depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté, il ne produit aucune pièce en ce qui concerne les dix premiers mois de l'année 2009 et se borne à produire, en ce qui concerne l'année 2013, deux pièces datant de janvier 2013 et son passeport renouvelé au consulat de Turquie à Marseille en décembre 2013, la circonstance que M. A... a été admis à l'aide médicale d'Etat en décembre 2012 puis décembre 2013 ne démontrant pas, à elle seule, le caractère continu de sa résidence en France au cours de cette année. Le requérant, qui n'établit ainsi pas sa présence habituelle en France pour ces années, ne démontre dès lors pas que, à l'époque de l'examen de sa demande de titre de séjour, il résidait habituellement en France depuis dix ans. Il en résulte que le préfet n'a commis aucun vice de procédure en ne consultant pas la commission du titre de séjour.

9. En troisième lieu, en vertu de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 : " Les attaches familiales se caractérisent essentiellement par des liens filiaux ou conjugaux (mariage, concubinage, pacte civil de solidarité) qui permettent un ancrage territorial durable et véritable en France. Aussi, une vie familiale établie en France nécessite-t-elle en principe que l'un des membres du couple soit en situation régulière. / Toutefois, lorsqu'un ou plusieurs de leurs enfants sont scolarisés, la circonstance que les deux parents se trouvent en situation irrégulière peut ne pas faire obstacle à leur admission au séjour. / Il conviendra, pour apprécier une demande émanant d'un ou des parents d'un enfant scolarisé en France, de prendre en considération les critères cumulatifs suivants : / - une vie familiale caractérisée par une installation durable du demandeur sur le territoire français, qui ne pourra être qu'exceptionnellement inférieure à cinq ans ; / - une scolarisation en cours à la date du dépôt de la demande d'admission au séjour d'au moins un des enfants depuis au moins trois ans, y compris en école maternelle ". Aux termes de l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration, dans leur rédaction en vigueur lors de l'édiction de la décision attaquée : " Font l'objet d'une publication les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives. Les instructions et circulaires sont réputées abrogées si elles n'ont pas été publiées, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret. / Un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la commission mentionnée au titre IV précise les autres modalités d'application du présent article ". Aux termes de l'article L. 312-3 du même code : " Toute personne peut se prévaloir des documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'Etat et publiés sur des sites internet désignés par décret. / Toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée ".

10. Si M. A... fait valoir que la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 figurait au nombre des circulaires opposables à l'administration sur le site internet du ministère de l'intérieur à la date du 1er janvier 2019, il ne soutient ni n'établit que tel était le cas à la date de l'arrêté contesté. Le moyen tiré de la méconnaissance de cette circulaire est donc en tout état de cause inopérant.

11. En quatrième lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En vertu de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 ".

12. D'une part, si M. A... affirme être entré en France pour la première fois en 2005 à l'âge de vingt-six ans, la continuité de sa présence en France n'est pas démontrée avant la fin de l'année 2013, ainsi qu'il a été dit ci-dessus. S'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que plusieurs de ses frères résident en France en situation régulière, son épouse se trouve comme lui en situation irrégulière, tandis que les enfants du couple sont jeunes et n'ont connu qu'une scolarité élémentaire. Enfin son intégration socioprofessionnelle est restée limitée, l'intéressé n'ayant occupé un emploi que pendant quelques périodes, dans des conditions d'ailleurs imprécises. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône a porté à son droit à mener une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté a été pris. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doivent dès lors être écartés, ainsi que, pour les mêmes motifs, celui tiré de l'erreur manifeste commise dans l'appréciation des conséquences de cet arrêté sur la situation personnelle de l'intéressé.

13. D'autre part, il résulte de ce qui vient d'être dit que M. A... ne peut prétendre de plein droit à l'obtention d'un titre de séjour. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait dû soumettre son cas à la commission du titre de séjour en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré d'un tel vice de procédure doit dès lors être écarté.

14. En cinquième lieu, si M. A... bénéficie d'une promesse d'embauche en qualité de maçon, l'expérience éventuellement acquise dans cette profession et ses perspectives d'embauche ne sauraient, compte tenu des caractéristiques de l'emploi occupé et de la durée de travail dont il peut se prévaloir, être regardées comme constituant un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, aucun motif humanitaire n'est invoqué par l'intéressé à l'appui de ce moyen. C'est par conséquent sans méconnaître ces dispositions ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation que le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre à titre exceptionnel au séjour par l'octroi d'une carte de séjour en qualité de salarié.

15. En sixième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, les tribunaux des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

16. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté contesté, qui n'a ni pour objet ni pour effet d'entraîner une séparation entre M. A... et ses enfants ou entre ceux-ci et leur mère, ressortissante turque également en situation irrégulière en France, priverait les deux premiers d'entre eux de la possibilité de suivre des études ou le troisième enfant du couple, au demeurant né postérieurement à la décision en litige, des soins qui lui seraient nécessaires à raison de la pathologie dont il souffre. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté porterait atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants et aurait été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

17. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision de refus de séjour opposée à M. A... n'est pas entachée des illégalités qu'il allègue. Dès lors, il n'est pas fondé à invoquer son illégalité par voie d'exception à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

18. En deuxième lieu, indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement faire obligation de quitter le territoire français à un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement.

19. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 10 à 14 que M. A... ne peut prétendre de plein droit à l'obtention d'un titre de séjour. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur de droit en prenant à son encontre une mesure d'éloignement.

20. En troisième lieu, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation sont soulevés par le requérant dans les mêmes termes qu'en ce qui concerne la décision lui refusant l'octroi d'un titre de séjour. Il y a lieu de les écarter pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10 à 16 ci-dessus.

En ce qui concerne l'interdiction de retour :

21. En premier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans. / (...) Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative peut prononcer une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

22. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

23. Si l'arrêté attaqué mentionne les mesures d'éloignement dont l'intéressé a été l'objet et indique qu'il n'est pas dépourvu d'attaches en Turquie et n'établit ni la durée de son séjour en France, ni son insertion, il ne fait pas état des attaches de M. A... en France. Le requérant est par suite fondé à soutenir que cette décision est insuffisamment motivée et doit par suite être annulée.

24. En second lieu et en revanche, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision d'éloignement opposée à M. A... n'est pas entachée des illégalités qu'il allègue. Dès lors, il n'est pas fondé à invoquer son illégalité par voie d'exception à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit ci-dessus aux points 11 à 16, les attaches essentielles de M. A... en France le lient à son épouse et à ses enfants qui, eu égard à leur nationalité et à leur situation administrative, peuvent résider en Turquie avec lui. Dès lors, M. A..., qui a du reste été l'objet de quatre précédentes mesures d'éloignement à l'exécution desquelles il s'est soustrait, n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou celles de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ni entaché sa décision d'erreur d'appréciation en lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

25. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 23 août 2018 qu'en tant qu'il lui interdit le retour sur le territoire français, et cela uniquement pour vice de forme.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

26. Le présent arrêt annule le jugement attaqué. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

27. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 511-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les modalités de suppression du signalement d'un étranger effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour prise en application du III de l'article L. 511-1 sont celles qui s'appliquent, en vertu de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010, aux cas d'extinction du motif d'inscription au fichier des personnes recherchées ". L'article 7 du décret du 28 mai 2010 dispose : " Les données à caractère personnel enregistrées dans le fichier sont effacées sans délai en cas d'aboutissement de la recherche ou d'extinction du motif de l'inscription. / (...) La mise à jour des données enregistrées est réalisée (...) par les services ayant procédé à l'enregistrement des données en application des dispositions de l'article 4. Des vérifications périodiques sont mises en oeuvre afin de garantir la fiabilité des données ".

28. Il résulte de ces dispositions que le présent arrêt, qui annule uniquement l'interdiction de retour sur le territoire français, implique seulement mais nécessairement la suppression du signalement de M. A... dans le système d'information Schengen aux fins de non-admission. Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône d'y procéder dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

29. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1807531 du tribunal administratif de Marseille du 28 janvier 2019 est annulé.

Article 2 : La décision portant interdiction de retour sur le territoire français prononcée à l'encontre de M. A... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de faire procéder à la suppression du signalement de M. A... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2019, où siégeaient :

- M. David Zupan, président,

- M. B... Grimaud, premier conseiller ;

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 juillet 2019.

12

Nos 19MA01044-19MA01758


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19MA01044-19MA01758
Date de la décision : 10/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : VINCENSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-07-10;19ma01044.19ma01758 ?
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