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09/07/2019 | FRANCE | N°18MA04644

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 09 juillet 2019, 18MA04644


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 31 octobre 2017 lui refusant le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle sera éloignée d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1800893 du 28 mai 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.<

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Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 octobre 2018, Mme B...D......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 31 octobre 2017 lui refusant le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle sera éloignée d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1800893 du 28 mai 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 octobre 2018, Mme B...D..., représentée par Me C... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 mai 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 31 octobre 2017 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Hérault, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale ", dès notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil qui s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

* en ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- la compétence de son signataire n'est pas établie ;

- elle est entachée d'erreur de droit ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste au regard de sa situation personnelle ;

* en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- la compétence de son signataire n'est pas établie ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 19 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 9 avril 2019 à 12h00.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 7 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Tahiri, a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A...épouseD..., ressortissante marocaine née en 1963, fait appel du jugement du 28 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 31 octobre 2017 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle sera éloignée d'office à l'expiration de ce délai.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En ce qui concerne les ressortissants marocains, l'article 3 de l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable portant la mention " salarié " éventuellement assorties de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour en continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans (...) ". L'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord... ".

3. L'accord franco-marocain renvoie ainsi, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en oeuvre. Il en va notamment ainsi, pour le titre de séjour " salarié " mentionné à l'article 3 cité ci-dessus délivré sur présentation d'un contrat de travail " visé par les autorités compétentes ", des dispositions des articles R. 5221-17 et suivants du code du travail, qui précisent les modalités selon lesquelles et les éléments d'appréciation en vertu desquels le préfet se prononce, au vu notamment du contrat de travail, pour accorder, renouveler ou refuser une autorisation de travail.

4. Aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en

compte les éléments d'appréciation suivants : (...) / 6° Le salaire proposé à l'étranger qui,

même en cas d'emploi à temps partiel, est au moins équivalent à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l'article L. 3232-1 ; (...) ". L'article R. 5221-34 du même code

dispose que : " Le renouvellement d'une des autorisations de travail mentionnées aux

articles R. 5221-32 et R. 5221-33 peut être refusé en cas de non-respect des termes

de l'autorisation par l'étranger ou en cas de non respect par l'employeur : / 1° De la législation relative au travail ou à la protection sociale ; / 2° Des conditions d'emploi, de rémunération ou de logement fixées par cette autorisation. ". L'article R. 5221-35 du code du travail précise que : " Les critères mentionnés à l'article R. 5221-20 sont également opposables lors du premier renouvellement de l'une de ces autorisations de travail lorsque l'étranger demande à occuper un emploi dans un métier ou une zone géographique différents de ceux qui étaient mentionnés sur l'autorisation de travail initiale. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a été titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", valable du 11 juin 2015 au 10 juin 2016, qui a fait l'objet d'un premier renouvellement jusqu'au 10 juin 2017. Elle a sollicité le 10 avril 2017 un second renouvellement de sa carte " salarié ". L'arrêté en litige est motivé par la circonstance que l'intéressée ne remplissait plus les conditions prévues à l'article R. 5221-20 du code du travail, les bulletins de salaire produits révélant que son salaire mensuel était inférieur au minimum requis par ces dispositions. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la demande présentée par Mme D... doit être regardée comme tendant à un second renouvellement, s'agissant du même emploi exercé auprès du même employeur que celui concerné par les deux autorisations dont elle a bénéficié précédemment, alors même que son salaire a été diminué à la suite de la conclusion d'un avenant à son contrat de travail qui réduisait sa quotité de travail hebdomadaire à 39 heures mensuelles et non, contrairement à ce que soutient l'administration, comme une première demande justifiant le réexamen des conditions énumérées à l'article R. 5221-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet a commis une erreur de droit en opposant ce texte à Mme D....

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 31 octobre 2017.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. Eu égard au motif d'annulation retenu, qui constitue, compte tenu des éléments soumis à la Cour et des moyens soulevés par Mme D..., le seul motif susceptible de fonder l'annulation de l'arrêté en litige, le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de procéder à un réexamen de la situation de Mme D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette mesure d'exécution d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Mme D... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de condamner l'État à lui verser à ce titre la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1800893 du 28 mai 2018 du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 31 octobre 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la situation de Mme D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me C... la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...épouseD..., au préfet de l'Hérault, à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2019, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- Mme Tahiri, premier conseiller.

Lu en audience publique le 9 juillet 2019.

N° 18MA04644 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA04644
Date de la décision : 09/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Samira TAHIRI
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-07-09;18ma04644 ?
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