La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2019 | FRANCE | N°17MA04733

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 09 juillet 2019, 17MA04733


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... épouse D...a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'État ou l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur à lui verser la somme de 1 000 425 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite du non-renouvellement de son détachement sur l'emploi fonctionnel de directrice de l'offre de soins.

Par un jugement n° 1605030 du 9 octobre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Co

ur :

Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2017, Mme C... -D..., représentée par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... épouse D...a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'État ou l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur à lui verser la somme de 1 000 425 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite du non-renouvellement de son détachement sur l'emploi fonctionnel de directrice de l'offre de soins.

Par un jugement n° 1605030 du 9 octobre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2017, Mme C... -D..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 octobre 2017 ;

2°) de condamner l'État ou l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur à lui verser la somme de 587 659 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite du non-renouvellement de son détachement sur l'emploi fonctionnel de directrice de l'offre de soins ;

3°) de mettre à la charge de l'État ou de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur les dépens ainsi que la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

* l'avis défavorable du contrôleur financier régional doit être écarté au regard du visa également délivré par cette autorité ; le directeur de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur a commis une faute en refusant de signer le renouvellement de con contrat alors qu'elle bénéficiait d'un visa du contrôleur financier ;

* l'avis rendu par le contrôleur financier est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, la durée de son avenant ne visant pas à lui permettre de bénéficier d'une retraite plus avantageuse mais à laisser la possibilité au prochain directeur de l'agence, après sa prise de poste, de se prononcer sur son maintien pour une plus longue durée ; en outre, elle pouvait faire valoir ses droits à la retraite dès le 2 février 2016 alors que la prolongation de son détachement devait prendre effet du 1er avril au 30 septembre 2016 ;

* le directeur général de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur a commis une faute en ne tenant pas sa promesse de renouvellement de son contrat ;

* son courrier du 30 novembre 2015 au contrôleur financier doit être regardé comme une nouvelle demande de visa, acceptée implicitement ; le directeur a commis une autre faute en n'en tirant pas les conséquences ;

* le délai de préavis prévu par les dispositions de l'article 45 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 n'a pas été respecté ;

* elle est en droit d'obtenir la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral, la somme de 71 558 euros en réparation de la perte de droits à retraite ainsi que la somme de 496 101 euros en réparation du préjudice financier résultant de l'absence de possibilité d'obtenir une carrière pleine.

Par un mémoire, enregistré le 26 février 2019, le ministre des solidarités et de la santé, demande à la Cour de rejeter la requête en tant qu'elle est dirigée contre l'État.

Il fait valoir que les agents contractuels de droit public recrutés par une agence régionale de santé constituent des personnels propres de cette agence.

Par des mémoires, enregistrés le 7 mars 2019 et le 25 mars 2019, l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur, représentée par Me E..., demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de Mme C... -D... la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme C... -D... ne sont pas fondés.

La procédure a été communiquée au ministre de l'action et des comptes publics qui n'a pas produit d'observations.

Les parties ont été informées, conformément aux articles R. 611-18 et R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la date à partir de laquelle une clôture immédiate de l'instruction était susceptible d'intervenir et la clôture immédiate de l'instruction a été prononcée par ordonnance le 11 avril 2019.

Un mémoire, présenté pour Mme C... -D... a été enregistré le 11 avril 2019, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

* la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

* la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

* le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'État pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

* l'arrêté du 8 juillet 2010 relatif aux modalités d'exercice du contrôle financier sur les agences régionales de santé ;

* le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

* le rapport de Mme Tahiri,

* les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

* et les observations de Me A..., représentant Mme C... -D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... -D..., inspectrice de l'action sanitaire et sociale détachée par contrat à durée déterminée sur un emploi fonctionnel en qualité de directrice de l'offre de soins de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur, fait appel du jugement du 9 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'État et de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du non-renouvellement de son contrat à durée déterminée et de fautes commises dans la gestion de sa situation.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité :

S'agissant de la portée du courrier du 23 novembre 2015 de la directrice régionale des finances publiques de Provence-Alpes Côte d'Azur :

2. Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 8 juillet 2010 alors en vigueur : " 5-1. Sont soumis au visa du contrôleur, au-delà de seuils et selon des modalités qu'il fixe après consultation de l'agence : - les actes relatifs au recrutement et à la rémunération des emplois de direction de l'agence mentionnés à l'arrêté interministériel du 15 juin 2010 fixant les groupes et les niveaux des emplois de direction des agences régionales de santé ; (...) 5.3. Le contrôleur délivre son visa ou fait connaître son avis dans un délai de quinze jours à compter de la réception des projets d'acte ou de décision, accompagnés des pièces justificatives. (...).

En l'absence de réponse de sa part à l'expiration de ce délai, son visa est réputé délivré ou son avis est réputé favorable. Si le contrôleur refuse son visa, il fait connaître par écrit les raisons de son refus et en informe le ministre chargé du budget. L'ordonnateur ne peut passer outre à un refus de visa que sur autorisation du ministre chargé du budget. Si l'ordonnateur ne se conforme pas à l'avis donné, il informe par écrit le contrôleur des motifs de sa décision. ".

3. Il résulte de l'instruction que le projet d'avenant ayant pour objet de renouveler pour 6 mois le contrat de Mme C... -D... constitue un acte relatif au recrutement et à la rémunération d'un emploi de direction de l'agence et devait donc être soumis au visa du contrôleur financier. En outre, en portant sur ce projet d'avenant la mention " avis défavorable ", le contrôleur financier doit être regardé comme ayant refusé son visa. Par suite, Mme C... -D... n'est pas fondée à soutenir que l'acte en litige ne devait pas être soumis au visa du contrôleur financier ni que ce dernier devait être regardé comme n'ayant pas émis un visa défavorable.

S'agissant du motif de refus opposé à la demande de renouvellement de contrat :

4. Il résulte de l'instruction que, par courriel du 8 octobre 2015, le directeur général de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur a informé Mme C... -D..., qui sollicitait une prolongation de son contrat pour 3 ans, de sa décision de prolonger, à ce stade, pour une période de 6 mois, son précédent contrat triennal qui devait arriver à son terme le 31 mars 2016 et de la saisine de la direction des ressources humaines aux fins de mettre en oeuvre cette décision dans de brefs délais. Un projet d'avenant en ce sens était soumis au visa du contrôleur financier qui, par courrier du 23 novembre 2015, délivrait un visa défavorable, estimant que l'acte " aurait pour unique objet et effet de majorer très substantiellement la liquidation de la pension de l'intéressée ". Par courrier du 30 novembre 2015, le directeur général de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur réfutait ce point en indiquant que la durée retenue pour prolonger le contrat de Mme C... -D... était dictée par des considérations d'intérêt général afin, d'une part, de permettre la continuité des actions menées par Mme C... -D... sous sa responsabilité jusqu'à leur terme et, d'autre part, alors qu'il devait lui-même en principe cesser ses fonctions fin janvier 2016, de laisser à son successeur une liberté de choix du candidat pour occuper le poste de directeur de l'offre de soins, s'agissant d'un emploi particulièrement stratégique au sein de l'agence. Par courrier du 9 février 2016, le directeur général de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur informait pourtant Mme C... -D... de son intention de se conformer à ce visa, sans faire valoir aucune circonstance nouvelle et sans remettre en cause les observations émises dans son courrier du 30 novembre 2015. Dans ces conditions, bien que l'intéressée ne puisse se prévaloir d'un droit au renouvellement de son contrat, le motif retenu par la directrice régionale des finances publiques de Provence-Alpes Cote d'Azur puis par le directeur général de l'agence régionale de santé, qui pouvait passer outre à ce refus de visa en sollicitant l'autorisation du ministre chargé du budget, repose sur des faits matériellement inexacts faute d'être établis. Par suite, le prononcé du visa défavorable de la directrice régionale des finances publiques de Provence-Alpes Cote d'Azur et la décision du 9 février 2016 du directeur général de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur constituent des illégalités fautives susceptibles d'engager la responsabilité solidaire de l'État et de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur.

5. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre faute invoquée tenant au non-respect du délai de préavis prévu à l'article 45 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986, laquelle n'est à l'origine d'aucun préjudice distinct, Mme C... -D... a droit à la réparation intégrale de ses préjudices avec lesquels la faute retenue au point précédent présente un lien direct de causalité.

En ce qui concerne les préjudices :

S'agissant du préjudice financier :

6. Mme C... -D... aurait dû bénéficier du renouvellement de son contrat du 1er avril 2016 au 30 septembre 2016. Ainsi, elle est fondée à demander réparation du préjudice financier qu'elle a subi pendant cette période, correspondant à la différence entre le montant des traitements dont elle a été privée et le montant de la pension de retraite dont elle a bénéficié, soit en l'espèce la somme non sérieusement contestée de 28 460 euros.

S'agissant de la minoration des droits à pension :

7. Il résulte des mentions figurant sur son titre de pension, qu'à la date du 1er avril 2016 à laquelle elle a été admise à la retraite, Mme C... -D... totalisait 149 trimestres de cotisation. Ainsi qu'elle le soutient, elle aurait, si elle avait été maintenue en activité jusqu'au 30 septembre 2016, atteint un nombre de 151 trimestres de cotisation. Mme C... -D... fait valoir sans être utilement contredite qu'elle aurait ainsi bénéficié d'une pension annuelle de

39 957 euros contre 38 233 euros nets actuellement. Pour l'appréciation du préjudice subi, il y a lieu de tenir compte du différentiel entre ce montant annuel et le montant annuel de la retraite qui lui est versée par le régime général ainsi que de l'espérance de vie des femmes établie par l'INSEE pour l'année correspondant à la date de son départ en retraite. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 44 000 euros.

8. En revanche, le préjudice allégué par Mme C... -D... tenant à l'impossibilité de réaliser une carrière pleine au moyen d'une prolongation de son activité pendant 12 mois apparaît sans lien avec la faute retenue au point 4 tenant à l'absence de prolongation de son contrat pour une seule durée de 6 mois.

S'agissant du préjudice moral :

9. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral supporté par Mme C... -D... dans les circonstances de l'espèce en l'évaluant à la somme de 5 000 euros.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme C... -D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions indemnitaires et à demander la condamnation solidaire de l'État (ministre de l'action et des comptes publics) et de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur à lui verser la somme de 77 460 euros en réparation de ses préjudices.

Sur les frais d'instance :

11. D'une part, aucun dépens n'a été exposé au cours de l'instance d'appel. Les conclusions présentées à ce titre par Mme C... -D... et l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur ne peuvent donc qu'être rejetées.

12. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C... -D..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge solidaire de l'État (ministre de l'action et des comptes publics) et de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur la somme de 2 000 euros à verser à Mme C... -D... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 9 octobre 2017 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : L'État (ministre de l'action et des comptes publics) et l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur sont solidairement condamnés à verser à Mme C... -D... la somme de 77 460 euros en réparation des préjudices résultant du non renouvellement de son contrat.

Article 3 : L'État (ministre de l'action et des comptes publics) et l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur verseront solidairement à Mme C... -D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur au titre des dépens et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que le surplus des conclusions de Mme C... -D... sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...épouseD..., à l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur, au ministre des solidarités et de la santé et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2019, où siégeaient :

* M. Gonzales, président,

* M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

* Mme Tahiri, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2019.

N° 17MA04733 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA04733
Date de la décision : 09/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Samira TAHIRI
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : WAHED

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-07-09;17ma04733 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award