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04/07/2019 | FRANCE | N°18MA03795

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2019, 18MA03795


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 18 décembre 2014 par laquelle la société Electricité Réseau Distribution de France, aux droits de laquelle est venue la SA Enedis, a rejeté sa demande d'enlèvement des trois pylônes électriques implantés sur la parcelle cadastrée section M numéro 520 située sur le territoire de la commune de Bras et d'enjoindre à la société Electricité Réseau Distribution de France de déplacer ces ouvrages publics.

Par un j

ugement n° 1500536 du 8 juin 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 18 décembre 2014 par laquelle la société Electricité Réseau Distribution de France, aux droits de laquelle est venue la SA Enedis, a rejeté sa demande d'enlèvement des trois pylônes électriques implantés sur la parcelle cadastrée section M numéro 520 située sur le territoire de la commune de Bras et d'enjoindre à la société Electricité Réseau Distribution de France de déplacer ces ouvrages publics.

Par un jugement n° 1500536 du 8 juin 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 août 2018, M.C..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 8 juin 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande de déplacement du pylône électrique situé au Sud-Est de sa propriété ;

2°) d'annuler dans cette mesure la décision du 18 décembre 2014 de la société Electricité Réseau Distribution de France ;

3°) d'enjoindre à la SA Enedis de déplacer ce pylône hors de sa propriété sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la SA Enedis la somme de 3 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le pylône a été implanté sur sa propriété par emprise irrégulière ;

- cet ouvrage lui cause un préjudice de vue et l'empêche de construire un bâtiment et d'aménager un plan d'eau ;

- le déplacement de cet ouvrage doit être ordonné dès lors que la régularisation est impossible et qu'il n'est pas porté une atteinte excessive à l'intérêt général.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2018, la SA Enedis, représentée par la SELARL HBP, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 8 juin 2018 en tant que le tribunal administratif de Toulon n'a pas rejeté la requête de M. C...comme irrecevable ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête ;

3°) de mettre à la charge de M. C...la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable dès lors que le courrier contesté ne constitue pas une décision ;

- elle est tardive, le courrier étant confirmatif d'une précédente décision de refus ;

- la gêne occasionnée par l'ouvrage n'est pas établie ;

- l'impossibilité de régulariser l'implantation de l'ouvrage public en l'absence d'accord du propriétaire n'implique pas nécessairement son déplacement ;

- le déplacement de l'ouvrage présente des inconvénients supérieurs à l'avantage qui en sera retiré par M.C..., notamment en raison du coût de tels travaux et de la difficulté d'obtenir l'autorisation des riverains.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie ;

- le décret n° 67-886 du 6 octobre 1967 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant M. C...et de MeB..., représentant la SA Enedis.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 8 juin 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande d'annulation présentée par M. C...de la décision du 18 décembre 2014 de la société Electricité Réseau Distribution de France, aux droits de laquelle vient la SA Enedis, refusant de procéder à l'enlèvement des trois pylônes électriques implantés sur sa propriété et sa demande d'injonction de déplacer ces ouvrages publics. M. C...relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation du refus concernant le poteau situé au Sud-Est de la parcelle et celles à fin d'injonction de déplacement de ce poteau. La SA Enedis conclut, à titre principal, à l'annulation du jugement attaqué en tant que le tribunal administratif de Toulon n'a pas rejeté la requête de M. C...comme irrecevable et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête.

Sur les conclusions d'appel incident de la SA Enedis :

2. Le juge administratif peut être saisi de conclusions contestant le refus de supprimer un ouvrage public irrégulièrement implanté, assorties d'injonction. Dans cette hypothèse, les conclusions dirigées contre le refus de démolir un ouvrage public irrégulièrement édifié sont absorbées par celles qui tendent à ce qu'il soit enjoint de le démolir. Il suit de là que la SA Enedis ne peut utilement soutenir que la demande de première instance est irrecevable aux motifs que le courrier dont l'annulation est demandée n'est pas une décision faisant grief susceptible de recours et qu'il constitue une décision confirmative d'un précédent refus devenu définitif.

3. Au surplus, les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué. Par suite, n'est pas recevable - quels que soient les motifs retenus par les premiers juges - l'appel dirigé par le défendeur en premier ressort contre le jugement qui a rejeté les conclusions du demandeur.

4. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de M. C... relative à l'implantation de deux des trois poteaux, au motif, indiqué au point 6 de sa décision, que les deux supports pour conducteurs aériens et le conducteur aérien implanté au nord de la parcelle ne constituent pas une emprise irrégulière. Si, par la voie de l'appel incident, la SA Enedis demande à la Cour de faire droit à la fin de non-recevoir qu'elle avait opposée en première instance à la demande présentée par M. C..., ces conclusions, qui ne sont pas dirigées contre le dispositif du jugement mais contre ses motifs, ne sont en tout état de cause pas recevables.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'emprise du pylône électrique :

5. Le pylône électrique est situé sur la parcelle cadastrée section M n° 520 appartenant à M. C.... Comme l'ont à juste titre indiqué les premiers juges, ce poteau n'est pas concerné par la convention signée le 29 juin 1982 entre le syndicat intercommunal d'électrification des sources d'Argens et un précédent propriétaire du terrain. Il résulte de l'instruction qu'aucune autre convention de servitude autorisant cette installation n'a été conclue. Par ailleurs, la SA Enedis ne justifie d'aucun titre qui, en l'absence d'accord avec les anciens propriétaires successifs ou le requérant, aurait été délivré à cette fin par l'autorité administrative. Enfin, elle ne peut utilement se prévaloir des circonstances que le requérant a hérité de la propriété après l'implantation du pylône ni qu'il ait attendu plusieurs années avant d'en demander la suppression. Par suite, c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a constaté que cet ouvrage public constitue une emprise irrégulière sur la parcelle appartenant à M. C....

En ce qui concerne l'injonction :

6. Lorsque le juge administratif est saisi de conclusions aux fins de démolition d'un ouvrage public implanté de façon irrégulière, il lui appartient, pour déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si sa décision implique qu'il ordonne la démolition de cet ouvrage, de rechercher, d'abord, si, eu égard notamment aux motifs de la décision, une régularisation appropriée est possible. Dans la négative, il lui revient ensuite de prendre en considération, d'une part, les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.

7. D'une part, le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage public n'a consenti ni à conclure une convention de servitude ni à prendre à sa charge le coût du déplacement du pylône. La SA Enedis ne soutient pas avoir engagé une autre procédure appropriée. Il ne résulte pas de l'instruction qu'une régularisation de l'implantation de l'ouvrage public soit possible.

8. D'autre part, l'ouvrage public, bien que situé en fond de parcelle et distant de l'habitation du requérant, est de nature à affecter la vue depuis celle-ci. La SA Enedis fait seulement état des inconvénients qui pourraient résulter, de façon générale, du déplacement du poteau de distribution électrique, ainsi que du coût, au demeurant très limité de 5 751,20 euros, du déplacement de la ligne, de la complexité des procédures administratives à mettre en oeuvre, de la difficulté d'obtenir l'accord des propriétaires voisins, et de ce que ce coût est susceptible d'être supporté par les consommateurs d'électricité via les tarifs d'utilisation du réseau public de transport et des réseaux publics de distribution facturés par les gestionnaires des réseaux publics aux fournisseurs d'électricité. Il résulte cependant de l'article L. 341-2 du code de l'énergie que ces tarifs sont calculés " afin de couvrir l'ensemble des coûts supportés par les gestionnaires de ces réseaux dans la mesure où ces coûts correspondent à ceux d'un gestionnaire de réseau efficace. " Le coût des travaux de déplacement en question, qui résultent d'une faute commise lors de l'implantation de l'ouvrage, ne correspond pas à ceux d'un gestionnaire de réseau efficace, ce qui exclut sa couverture par les tarifs d'utilisation du réseau public de transport et des réseaux publics de distribution. Par ailleurs, la SA Enedis ne justifie pas d'un risque d'interruption du service public, ni de difficultés techniques ou de tout autre motif d'intérêt général susceptible de faire obstacle à une modification de l'implantation de cet ouvrage. Dans ces conditions, le déplacement de celui-ci ne saurait être regardé comme portant une atteinte excessive à l'intérêt général, eu égard aux inconvénients de sa présence pour M.C.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la SA Enedis de procéder au déplacement de l'ouvrage, dans un délai de quatre mois à compter de la date de notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande de déplacement de l'ouvrage public irrégulièrement implanté sur sa propriété.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SA Enedis demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SA Enedis une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M.C....

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'injonction de déplacement du pylône situé au Sud-Est de la propriété de M.C....

Article 2 : Il est enjoint à la SA Enedis de déplacer ce pylône, dans un délai de quatre mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 3 : Une astreinte de 100 euros par jour est prononcée à l'encontre de la SA Enedis s'il n'est pas justifié de l'exécution du présent arrêt dans le délai mentionné à l'article 2. La SA Enedis communiquera à la cour copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter le présent arrêt.

Article 4 : La SA Enedis versera à M. C...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la SA Enedis présentées par la voie de l'appel incident et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et à la SA Enedis.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2019 où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2019.

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N° 18MA03795


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA03795
Date de la décision : 04/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-07-01-03 Procédure. Pouvoirs et devoirs du juge. Questions générales. Conclusions.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : CAVIGLIOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-07-04;18ma03795 ?
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