La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2019 | FRANCE | N°18MA02162

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2019, 18MA02162


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J... A...B..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de personne habilitée à représenter Mme D...E..., majeure protégée, Mme C... E...et M. G... E...ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) à verser les sommes de 300 000 euros à Mme A...B..., de 50 000 euros chacun à Mme C... E...et à M. G... E...et de 3 023 442,72 euros à Mme A... B...en qualité de tutrice de Mme D... E...ainsi qu'une rente trimestrielle de 33

798,23 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J... A...B..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de personne habilitée à représenter Mme D...E..., majeure protégée, Mme C... E...et M. G... E...ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) à verser les sommes de 300 000 euros à Mme A...B..., de 50 000 euros chacun à Mme C... E...et à M. G... E...et de 3 023 442,72 euros à Mme A... B...en qualité de tutrice de Mme D... E...ainsi qu'une rente trimestrielle de 33 798,23 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'infection nosocomiale contractée par Mme D...E....

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes de Haute-Provence a demandé au tribunal de condamner l'AP-HM à lui verser la somme de 90 421,71 euros au titre des débours et la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1510357 du 12 mars 2018, le tribunal administratif de Marseille a

condamné l'AP-HM à verser à Mme A...B..., en son nom personnel, la somme de 11 556,51 euros et, en qualité de tutrice de sa fille, la somme de 294 759,60 euros et une rente mensuelle d'un montant de 5 300 euros et à la CPAM des Alpes de Haute-Provence les sommes de 32 487,71 euros et une rente annuelle d'un montant de 1 117,30 euros au titre des débours et de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et a mis les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 2 200 euros, à la charge définitive de l'AP-HM.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 mai 2018, le 22 février 2019 et le 18 avril 2019, Mme J... A...B..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de personne habilitée à représenter Mme D...E..., majeure protégée, Mme C... E...et M. G... E..., représentés par la SELARL Lelièvre, Saint-Pierre, demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du 12 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a limité aux sommes de 294 759,60 et 11 556,51 euros les indemnités au versement de laquelle il a condamné l'AP-HM en réparation des préjudices subis respectivement par Mme D... E...et Mme J... A...B...et à la somme de 5 300 euros le montant de la rente mensuelle et a rejeté la demande présentée par Mme C... E...et M. G... E... ;

2°) de porter à la somme de 10 264 262,95 euros le montant de l'indemnité due à Mme D... E...ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la demande préalable et la capitalisation de ces intérêts ;

3°) à défaut, de porter aux sommes de 4 329 913,08 euros le montant de l'indemnité due et de 28 908 euros le montant de la rente trimestrielle servie à Mme D... E...ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la demande préalable et la capitalisation de ces intérêts ;

4°) de porter à la somme de 276 233,27 euros le montant des indemnités dues à Mme J... A...B... ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la demande préalable et la capitalisation de ces intérêts ;

5°) de condamner l'AP-HM à verser la somme de 50 000 euros chacun à Mme C... E...et à M. G... E...au titre des préjudices subis ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la demande préalable et la capitalisation de ces intérêts ;

6°) à défaut, d'ordonner une expertise pour évaluer le préjudice professionnel subi par Mme D... E...;

7°) de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens.

Ils soutiennent que :

- l'ensemble des préjudices avant consolidation, dont le déficit fonctionnel temporaire et l'aide par une tierce personne, doivent être indemnisés en raison de l'aggravation de l'état de santé de la victime et de l'évolution situationnelle ;

- les dépenses de santé et les frais divers ainsi que les souffrances endurées avant consolidation ont été insuffisamment évalués ;

- les sommes allouées au titre du déficit fonctionnel permanent, du préjudice d'agrément, du préjudice sexuel, du préjudice d'établissement, des frais restés à charge, du préjudice universitaire et de l'incidence professionnelle sont insuffisantes ;

- le préjudice esthétique permanent, les frais de logement adapté, le préjudice scolaire et le préjudice professionnel doivent être indemnisés ;

- le coût de l'heure d'aide par tierce personne a été sous-évalué ;

- il n'y a pas lieu de déduire l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé de la rente allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ;

- le préjudice professionnel de Mme A... B...doit être indemnisé ;

- les préjudices d'affection et d'accompagnement des membres de la famille n'ont pas été indemnisés.

Par des mémoires, enregistrés le 19 novembre 2018 et le 18 mars 2019, la CPAM des Alpes de Haute-Provence, représentée par le cabinet d'avocats Faure, Hamdi et Associés, doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) de réformer le jugement du 12 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a limité à la somme de 32 487,71 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'AP-HM en remboursement des débours et à la somme de 1 066 euros le montant de l'indemnité de gestion ;

2°) de porter à la somme de 116 190 euros le montant des débours et le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion à 1 080 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les débours ont été suffisamment indemnisés pour la période antérieure à la date de consolidation de l'état de santé de Mme D... E...à hauteur de 69 668,49 euros ;

- la capitalisation de la rente pour la période allant de la date de consolidation au 18 mars 2019 doit être évaluée à 7 643,94 euros ;

- les frais futurs viagers annuels s'élèvent à la somme de 1 117,30 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 décembre 2018 et le 6 mars 2019, l'AP-HM, représentée par Me H..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête et les conclusions de la CPAM des Alpes-Maritimes ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- de réformer le jugement du 12 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser à Mme A...B..., en son nom personnel, la somme de 11 556,51 euros et, en qualité de tutrice de sa fille, la somme de 294 759,60 euros et une rente mensuelle d'un montant de 5 300 euros et à la CPAM des Alpes de Haute-Provence les sommes de 32 487,71 euros et une rente annuelle d'un montant de 1 117,30 euros au titre des débours et de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

- de ramener les sommes dues à de plus justes proportions.

Elle soutient que :

- les conclusions d'appel d'un montant supérieur à celles de première instance sont irrecevables ;

- les préjudices temporaires ont été indemnisés par la rente trimestrielle allouée par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 12 juin 2008 ;

- l'état de santé de Mme D... E...ne s'est pas aggravé postérieurement à l'arrêt du 12 juin 2008 ;

- les préjudices permanents ont été suffisamment évalués ;

- l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé doit être déduite de la rente allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ;

- l'assistance par tierce personne avant consolidation a été suffisamment indemnisée ;

- l'assistance par tierce personne doit être indemnisée sous forme de rente compte tenu de l'évolution possible de l'état de santé de Mme D...E... ;

- la décision doit préciser que le règlement de la rente allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne est conditionné par la présence du bénéficiaire au domicile familial ;

- le coût horaire de l'assistance d'une tierce personne a été justement évalué à 13 euros ;

- le remboursement des frais d'optique et de séances d'équithérapie engagés en première instance ne peut pas être demandé pour la première fois en appel ;

- le préjudice professionnel ne peut pas être calculé sur la base d'un salaire mensuel théorique ;

- la patiente n'est pas inapte à toute activité professionnelle ;

- l'incidence professionnelle et le préjudice d'établissement ont été justement évalués ;

- les frais de taxi ne sont pas justifiés.

Par un mémoire, enregistré le 20 mars 2019, les requérants concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens.

Ils soutiennent en outre que les conclusions d'appel d'un montant supérieur à celles de première instance sont recevables compte tenu notamment de l'aggravation du préjudice.

La requête a été communiquée à la Mutuelle générale de l'éducation nationale qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 27 décembre 2018 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de Me I..., représentant Mme A...B...et autres et de Me F..., représentant l'AP-HM.

Considérant ce qui suit :

1. Karine Da Rolt, née le 5 octobre 1994, a, à son 14ème jour de vie, contracté une infection nosocomiale au sein de l'hôpital de la Timone, dépendant de l'AP-HM, où elle avait été hospitalisée en raison de sa prématurité et placée sous ventilation artificielle. Par un arrêt du 12 juin 2008, la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, porté à 5 000 euros le montant de la rente trimestrielle que par un jugement du 2 mai 2006 le tribunal administratif de Marseille a condamné l'AP-HM à payer à la patiente du 29 mars 1994 jusqu'à la date de consolidation de son état de santé ou à défaut de sa majorité, d'autre part, annulé ce jugement en ce qu'il condamnait l'établissement de soins à verser une rente annuelle à la caisse primaire d'assurance maladie et confirmé le surplus du jugement condamnant l'AP-HM à verser à Mme J... A...B...la somme de 15 000 euros et à ses deux autres enfants mineurs la somme de 3 000 euros chacun au titre de leurs préjudices propres et à la CPAM des Alpes de Haute-Provence la somme de 43 707,42 euros au titre des débours exposés pour le compte de son assurée, Mme D...E....

2. Mmes A...B...et M. A... B...relèvent appel du jugement du 12 mars 2018 du tribunal administratif de Marseille condamnant l'AP-HM à verser à Mme A...B..., en son nom personnel, la somme de 11 556,51 euros et, en qualité de tutrice de sa fille, la somme de 294 759,60 euros et une rente mensuelle d'un montant de 5 300 euros en sollicitant une meilleure indemnisation. La CPAM des Alpes de Haute-Provence sollicite la réformation de ce jugement en ce qu'il a limité aux sommes de 32 487,71 euros le remboursement des débours et de 1 117,30 euros le montant de la rente annuelle au titre des dépenses de santé futures en demandant une meilleure indemnisation.

I. Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les préjudices de Mme D...E... :

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

Quant aux préjudices patrimoniaux temporaires :

3. Les premiers juges ont exactement réparé les frais d'optique des 23 février 2008 et 22 août 2009 et de consultation d'une neuropsychologue les 29 janvier 2011 et 1er mai 2012 par les sommes de 210,83 et 1 015 euros. La patiente justifie avoir conservé à sa charge, avant la date de consolidation de son état de santé fixée au 5 octobre 2012 par le rapport de l'expertise ordonnée le 13 juillet 2012 et le 10 décembre 2012 par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, la somme totale de 1 245 euros pour des séances d'ergothérapie dont la nécessité n'est pas contestée par l'AP-HM. En revanche, elle ne justifie pas plus en appel qu'en première instance avoir conservé à sa charge des frais de kinésithérapie. Il n'y a ainsi lieu de mettre à la charge de l'AP-HM que la somme totale de 2 470,83 euros au titre des dépenses de santé actuelles.

4. Il résulte de l'instruction que les frais de déplacement, notamment pour des consultations médicales, s'élèvent jusqu'à la date de consolidation fixée le 5 octobre 2012 à la somme de 4 804,62 euros. Aucune aide n'a été versée par le département des Alpes de Haute-Provence à Mme D... E...au titre des frais de transport qui ne sont pas non plus pris en charge par la CPAM des Alpes-de-Haute-Provence. Il y a ainsi lieu de mettre la somme de 4 804,62 euros à la charge de l'AP-HM.

5. Mme D... E...n'établit pas davantage en appel qu'en première instance avoir exposé des frais d'éducation d'un chien, en lien avec l'infection nosocomiale contractée au sein de l'AP-HM. Elle ne peut dès lors solliciter d'indemnité à ce titre.

6. Les frais de justice, s'ils ont été exposés en conséquence directe d'une faute de l'administration, sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de la faute imputable à l'administration. Toutefois, lorsque l'intéressé a fait valoir devant le juge une demande fondée sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le préjudice est intégralement réparé par la décision que prend le juge sur ce fondement. Il n'en va autrement que dans le cas où le demandeur ne pouvait légalement bénéficier de ces dispositions. Le jugement du 2 mai 2006 du tribunal administratif et l'arrêt du 12 juin 2008 de la Cour ayant alloué chacun une somme sur ce fondement, les conclusions à fin d'indemnisation des frais d'avocat exposés qui sont régis par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges.

7. En l'absence d'identité d'objet entre la demande de réparation d'un préjudice résultant d'une infection nosocomiale sur laquelle un jugement a été rendu et la demande de réparation des préjudices résultant de l'aggravation ultérieure de l'état de santé de la victime, le centre hospitalier ne peut opposer dans le cadre de cette nouvelle demande, l'autorité de chose jugée dont est revêtu ce jugement.

8. Il ressort des rapports des expertises ordonnées par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille le 23 septembre 2005 et le 13 juillet 2012, que le besoin d'aide par une tierce personne a été fixé à cinq heures par jour par le premier rapport, alors que la victime était âgée de onze ans, et à douze heures par jour, après la consolidation de l'état de santé de Mme D...E..., par le second rapport. Contrairement à ce qui est soutenu par les requérants, il n'y a pas lieu de considérer que l'état de la victime nécessitait entre le premier rapport et l'âge de quinze ans une augmentation de la durée de l'assistance par une tierce personne qui a été indemnisée par l'allocation par l'arrêt de la cour du 12 juin 2008 d'une rente trimestrielle d'un montant de 5 000 euros. En revanche, compte tenu de la croissance de la victime et de l'évolution du handicap, le besoin d'assistance par une tierce personne à compter du 15 mars 2009, date à laquelle Mme D... E...a atteint l'âge de quinze ans doit être fixé à huit heures par jour jusqu'au 5 octobre 2012, date de consolidation de son état de santé. Le besoin supplémentaire de trois heures par jour n'a pas été indemnisé par la rente trimestrielle que l'AP-HM a versé à Mme D... E...en exécution de l'arrêt de la cour du 12 juin 2008. Il convient, afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours et d'un taux horaire de 13 euros compte tenu du caractère familial de l'aide. Ainsi, les frais liés à l'assistance par une tierce personne doivent être fixés à 57 165 euros, dont il convient de déduire la somme perçue du mois de mars 2009 au mois de septembre 2012 au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, soit 9 450 euros, qui n'a pas été déduite de la rente, dès lors, d'une part, que cette allocation est destinée à compenser les frais de toute nature liés au handicap et qu'elle peut faire l'objet d'un complément lorsque ces frais sont particulièrement élevés ou que l'état de l'enfant nécessite l'assistance fréquente d'une tierce personne et, d'autre part, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit la récupération de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé en cas de retour de son bénéficiaire à meilleure fortune. Il y a lieu, par suite, de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 47 715 euros au titre de ce préjudice.

Quant aux préjudices patrimoniaux définitifs :

9. Les premiers juges ont exactement réparé les frais d'optique du 27 juillet 2013, les frais d'orthopédie des 15 et 24 janvier 2014 et de consultation d'une neuropsychologue du 12 avril au 10 mai 2014 et d'un neurologue le 24 octobre 2012 par les sommes respectives de 31 euros, 72,80 euros, 200 euros et 140 euros. Mme D... E...justifie en outre des frais de consultation d'un psychologue les 17 janvier, 4 mars et 26 mars 2019 pour un montant total de 120 euros. Il résulte de l'instruction que les frais de consultation d'un neurologue deux fois par an tout au long de la vie de l'intéressée sont supportés par la caisse. La victime n'établit pas conserver à sa charge une partie de ces frais.

10. Il résulte de l'instruction, et notamment d'une décision du département du Var du 18 janvier 2019 que la collectivité prend en charge les frais d'équithérapie de Mme D... E.... Par suite, celle-ci n'est pas fondée à demander à être indemnisée à ce titre.

11. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée le 13 juillet 2012 et le 10 décembre 2012 par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, que Mme D... E...a besoin de 40 séances d'ergothérapie et de 40 séances de kinésithérapie par an pendant 10 ans après la date de consolidation. L'intéressée justifie avoir exposé du 5 octobre 2012 à la fin de l'année 2014, la somme de 1 072 euros en frais d'ergothérapeute. Pour la période courant du 1er janvier 2015 à la date de lecture de l'arrêt, le total des frais d'ergothérapie s'élève à 7 093 euros sur la base du prix moyen d'une séance de 41 euros. L'AP-HM ne conteste pas que ces frais ne sont pas pris en charge par l'organisme de sécurité sociale de l'intéressée ou sa mutuelle. Par suite, il y a lieu de lui accorder la somme de 8 165 euros. Pour la période allant de la date de lecture de l'arrêt au 5 octobre 2022, le versement d'une rente trimestrielle constitue, dans les circonstances de l'espèce, la modalité de réparation la plus équitable. Il y a lieu de retenir le même prix de 41 euros pour une séance d'ergothérapie, les frais liés aux frais de l'ergothérapeute doivent être fixés à la somme totale de 5 740 euros versée sous forme de rente d'un montant de 1 435 euros. En revanche, s'agissant des frais de kinésithérapie, Mme D... E...ne justifie pas plus en appel qu'en première instance en avoir gardé une partie à charge, après la consolidation de son état de santé. Il y a lieu de mettre à la charge de l'AP-HM la somme totale de 8 165 euros au titre des dépenses de santé futures ainsi qu'une rente de 1 435 euros versée à chaque trimestre échu.

12. Les frais d'assistance par un médecin-conseil lors des opérations d'expertise et les frais de déplacement aux expertises des 5 octobre 2012 et 25 février 2013 ont été justement évalués par le tribunal aux sommes de 1 000 et 677,82 euros.

13. Il résulte de l'instruction que les frais de déplacement, notamment pour des consultations médicales, s'élèvent du 6 octobre 2012 au 31 décembre 2014 à la somme de 6 014,66 euros. Par ailleurs, Mme D... E...n'établit pas par la seule production de deux devis établis en 2013 et 2014 avoir conservé à sa charge des frais de taxi pour se rendre à l'école des Beaux-Arts où elle a participé à des cours d'arts plastiques de 2012 à 2017. Il convient de déduire de cette somme l'aide versée par le département des Alpes de Haute-Provence pendant la même période d'un montant total de 2 166,58 euros. Il y a ainsi lieu de mettre la somme de 3 848,08 euros à la charge de l'AP-HM.

14. Karine Da Rolt ne justifie pas plus en appel qu'en première instance de la nécessité d'un aménagement de son logement plus important que celui déterminé par le rapport de l'expertise ordonnée le 13 juillet 2012 par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille consistant en la pose d'une rampe à l'escalier menant à l'étage et de barres d'appui dans la salle de bains. Elle ne justifie pas davantage que l'achat d'une habitation est rendu nécessaire par le handicap qu'elle présente.

15. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le besoin d'assistance de Mme D... E...par une tierce personne doit être fixé à douze heures par jour tous les jours de la semaine depuis la date de consolidation de son état de santé jusqu'au 31 mai 2018. En faisant application des modalités de calcul et du taux horaire définis au point 8, il y a lieu d'évaluer les frais liés à l'assistance par une tierce personne à la somme de 363 796 euros, dont il convient de déduire la prestation de compensation du handicap d'un montant total de 26 183,35 euros versée du mois de mars 2014 au mois de mai 2018 ainsi que les sommes perçues du mois d'octobre 2012 au mois de mars 2014 au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, soit 6 762,87 euros. Il y a lieu de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 330 849,78 euros au titre de ce préjudice.

16. Pour la période allant du 1er juin 2018 à la date de lecture de l'arrêt, en appliquant les mêmes bases de calcul définies au point précédent pour un besoin d'aide par une tierce personne de douze heures par jour, le montant de l'indemnité doit être fixé à 69 628 euros. Cette somme doit être mise à la charge de l'AP-HM sous réserve de la présentation des justificatifs de non-perception de la prestation de compensation du handicap correspondante à partir du mois de juin 2018 ou bien sous déduction de la prestation de compensation du handicap perçue par Mme E... au titre de la même période.

17. Pour la période postérieure à la date de lecture du présent arrêt, il apparaît que le versement d'une rente trimestrielle constitue, dans les circonstances de l'espèce, la modalité de réparation la plus équitable. Il y a lieu de faire application des modalités de calcul déterminés au point précédent pour le même coût horaire d'assistance non médicalisée. Ainsi, s'agissant des frais futurs d'assistance par une tierce personne à hauteur de douze heures par jour tous les jours, il convient de retenir une rente trimestrielle d'un montant de 16 068 euros qui sera revalorisée par la suite en application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. La rente sera versée à chaque trimestre échu, sous déduction de la prestation de compensation du handicap perçue dont il sera justifié chaque trimestre par Mme E....

18. Il résulte de l'instruction que Mme D... E...n'a pas pu poursuivre ses études après l'obtention du diplôme du baccalauréat du fait du handicap dont elle est atteinte ni suivre de formation. Il sera fait une plus juste appréciation des préjudices de formation et universitaire subis par l'intéressée en les évaluant à la somme de 10 000 euros.

19. Si Mme D... E...est titulaire du diplôme du baccalauréat professionnel " secrétariat ", il résulte de l'expertise qu'elle a besoin de l'aide d'une tierce personne pendant douze heures par jour et que, ne pouvant rester seule plus d'une heure, elle est dans l'incapacité d'exercer une activité professionnelle et n'a d'ailleurs jamais travaillé. Elle n'est par suite pas fondée à demander l'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs. Il n'y a dès lors pas lieu de mettre à la charge de l'AP-HM les frais de réalisation d'une étude du préjudice professionnel de Mme D... E...par un cabinet d'expertise comptable, cette étude n'étant pas utile à la solution du litige.

20. Le tribunal administratif a fait une appréciation qui n'est pas suffisante de l'incidence professionnelle de la faute commise par le service public hospitalier à l'égard de Mme D... E...en la réparant par la somme de 20 000 euros. Il y a lieu de porter cette somme à 150 000 euros.

S'agissant des préjudices personnels :

Quant aux préjudices personnels temporaires :

21. Il résulte de l'instruction que l'expertise ordonnée en 2005 a fixé le déficit fonctionnel temporaire de Mme D... E...à 35 %. Son déficit fonctionnel définitif a été évalué à la date de consolidation de son état de santé à 65 %. La victime est par suite fondée à demander l'indemnisation de l'aggravation de ce déficit entre ces deux dates. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'indemnisant par la somme de 50 000 euros.

22. Le tribunal n'a pas fait une inexacte appréciation de l'aggravation des souffrances endurées par Mme D... E...entre la date de l'expertise ordonnée en 2005 et la date de consolidation de son état de santé, en raison notamment de l'apparition, postérieurement à l'expertise, de crises d'épilepsie réfractaires à tout traitement en lien avec la méningite contractée au centre hospitalier, en lui allouant la somme de 5 000 euros.

23. Le rejet de sa demande de réparation des préjudices d'agrément et esthétique temporaires n'est pas contesté en appel par Mme D...E....

Quant aux préjudices personnels définitifs :

24. Les premiers juges n'ont pas fait une estimation insuffisante de la réparation du déficit fonctionnel permanent de 65 % en allouant à Mme D... E...la somme de 270 000 euros.

25. Le tribunal administratif a fait une juste évaluation du préjudice d'agrément en accordant à l'intéressée la somme de 10 000 euros.

26. Il y a lieu d'indemniser le préjudice esthétique définitif, évalué à 4 sur une échelle de 1 à 7, distinct du préjudice esthétique temporaire, par la somme de 8 200 euros.

27. Le préjudice sexuel de la victime a été justement évalué à la somme de 10 000 euros par les premiers juges.

28. Enfin, le handicap dont Mme D... E...souffre la prive de la possibilité de réaliser normalement un projet de vie familiale. Ce préjudice d'établissement sera mieux réparé en portant le montant de son indemnisation à la somme de 100 000 euros.

29. Il convient de déduire du montant total de l'indemnisation du préjudice de Karine Da Rolt, s'élevant à 1 082 922,93 euros, la somme de 287 000 euros qui lui a été accordée à titre de provision par le jugement devenu définitif du tribunal administratif de Marseille du 6 octobre 2015. La somme de 795 922,93 euros portera intérêt à compter du 2 octobre 2015, date de réception de la demande indemnitaire de Mme E... par l'AP-HM. Ces intérêts seront capitalisés le 10 mai 2018, date à laquelle la capitalisation a été demandée pour la première fois et où il était dû au moins une année d'intérêts.

En ce qui concerne le préjudice des victimes indirectes :

30. Les premiers juges ont à juste titre considéré que les préjudices d'accompagnement et d'affection subis par le frère et la soeur de Mme D... E...et le préjudice d'affection de Mme A... B...avaient été indemnisés intégralement par le jugement devenu définitif du tribunal administratif de Marseille du 2 mai 2006.

31. Comme indiqué aux points 7, 21 et 22, l'état de santé de Mme D... E...s'est aggravé entre l'expertise ordonnée en 2005 et la date de consolidation de son état de santé conduisant ainsi à une majoration du préjudice d'accompagnement de Mme A... B...qui sera justement indemnisée par la somme de 15 000 euros.

32. Les sommes correspondant aux frais médicaux, de déplacement et d'assistance à expertise ont été allouées à Mme D... E...ainsi qu'il a été indiqué aux points 3, 4, 9, 12 et 13. L'AP-HM est fondée à soutenir que c'est à tort que la somme de 11 556,51 euros a été accordée à Mme A... B... par le jugement attaqué.

33. Mme A... B...ne justifie pas plus en appel qu'en première instance avoir été contrainte de restreindre son activité professionnelle pour s'occuper de sa fille. Par suite, la demande qu'elle a présentée au titre de la perte de revenus professionnels et de l'incidence professionnelle doit être rejetée.

En ce qui concerne la créance de la CPAM des Alpes de Haute-Provence :

34. L'AP-HM ne conteste pas le montant des débours mis à sa charge pour la période antérieure à la date de consolidation de l'état de santé de Mme D... E...à la somme de 25 961,07 euros et pour la période postérieure à la somme de 940,14 euros correspondant aux frais d'hospitalisation du 24 juillet 2014. Elle ne conteste pas davantage le montant de la rente annuelle de 1 117,30 euros pour les frais de santé futurs.

35. C'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'autorité de chose jugée par l'arrêt de la cour du 12 juin 2008 s'opposait à l'indemnisation des frais d'hospitalisation, médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de radiologie d'un montant total de 43 707,42 euros exposés par la caisse pour le compte de son assuré au titre de la période mentionnée au point précédent.

36. Il n'y a pas lieu pour la Cour de capitaliser les arrérages échus de la rente accordée par le tribunal pour la période allant de la date de consolidation au 18 mars 2019.

37. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par l'AP-HM, que Mme D... E...est fondée à demander, d'une part, que soit portée à 795 922,93 euros au lieu de 294 759,60 euros la somme mise à la charge de l'AP-HM et, d'autre part, que le montant de la rente de 5 300 euros par mois soit portée à 17 503 euros par trimestre. Mme A... B... est seulement fondée à demander que la somme de 11 556,51 euros que l'AP-HM a été condamnée à lui payer soit portée à 15 000 euros. Mme C... E...et M. G... E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes au titre des préjudices d'affection et d'accompagnement.

38. L'AP-HM est seulement fondée à demander, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à verser la somme de 11 556,51 euros à Mme A... B...en son nom personnel.

39. Par ailleurs, la CPAM des Alpes de Haute-Provence n'est pas fondée à demander que le montant des débours mis à la charge de l'AP-HM soit porté à la somme de 116 190 euros.

II. Sur les frais liés à l'instance :

40. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'AP-HM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la CPAM des Alpes de Haute-Provence demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HM la somme totale de 3 000 euros à verser à Mme D... E...et à Mme A...B....

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 294 759,60 euros que l'AP-HM a été condamnée à verser à Mme D... E...par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 mars 2018 est portée à la somme de 795 922,93 euros, sous déduction de la somme perçue à compter de sa majorité au titre de l'allocation adulte handicapé dont la requérante justifiera. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2015. Ces intérêts seront capitalisés le 10 mai 2018 pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le montant de la rente mensuelle de 5 300 euros que l'AP-HM a été condamnée à verser à Mme D... E...par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 mars 2018 est porté à la somme de 17 503 euros par trimestre. Cette rente sera versée par trimestres échus sur présentation des justificatifs de paiement de la prestation de compensation du handicap depuis le 1er juin 2018. Le montant de la rente, fixé à la date du présent arrêt, sera revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : La somme de 11 556,51 euros que l'AP-HM a été condamnée à verser à Mme A... B... par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 mars 2018 est portée à la somme de 15 000 euros.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 mars 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : L'AP-HM versera à Mme A... B...et à Mme D... E...la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Les conclusions de la CPAM des Alpes de Haute-Provence sont rejetées.

Article 8 : Le surplus des conclusions présentées par l'AP-HM par la voie de l'appel incident est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J... A...B..., représentante désignée pour l'ensemble des requérants, à l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence, à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes et à la Mutuelle générale de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2019 où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2019.

2

N° 18MA02162


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA02162
Date de la décision : 04/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS FAURE ET HAMDI

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-07-04;18ma02162 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award