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18/06/2019 | FRANCE | N°19MA01095

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 18 juin 2019, 19MA01095


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 2 février 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1801494 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une

requête, enregistrée le 6 mars 2019, M.B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 2 février 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1801494 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mars 2019, M.B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 octobre 2018 du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 février 2018 du préfet des Alpes-Maritimes ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour portant la mention " accompagnateur d'un mineur malade, autorisant son titulaire à travailler " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au profit de son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- les premiers juges ont fait une appréciation erronée en écartant le moyen tiré de ce que le préfet n'a pas examiné de manière particulière la situation de son enfant ;

- en ne visant pas l'article 3-1 de la convention signée à New York le 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas suffisamment motivé sa décision ;

- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure en raison du défaut de production de l'avis du collège des médecins par le préfet des Alpes-Maritimes ;

- il revient à l'administration de démontrer qu'un traitement est désormais disponible en Algérie pour sa fille gravement malade ;

- le préfet des Alpes-Maritimes a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de son enfant ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation de sa situation particulière et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Slimani a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., de nationalité algérienne, né le 26 mai 1973, est entré en France le 7 novembre 2015 muni d'un visa Schengen valable quatre-vingt-dix jours. A la suite de l'avis favorable du médecin inspecteur de l'Agence Régionale de Santé, le requérant s'est vu délivrer régulièrement des autorisations provisoires de séjour pour accompagner son enfant malade. Le 5 avril 2017, l'intéressé a sollicité le renouvellement de son autorisation provisoire. Le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande par un arrêté du 2 février 2018, en lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement 9 octobre 2018 dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, en indiquant au point 5 de son jugement que le préfet avait employé à tort la formulation " son fils " concernant l'enfant du requérant, alors que le sexe de ce dernier est féminin, mais qu'une lecture attentive de l'arrêté préfectoral attaqué ne laissait aucun doute sur la bonne appréhension des éléments d'identification réelle de l'enfant du requérant, alors que le préfet n'était pas tenu de préciser de manière exhaustive le détail de l'ensemble des éléments considérés, le tribunal n'a pas insuffisamment motivé son jugement. D'autre part, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient fait une appréciation erronée des faits de l'espèce en écartant le moyen tiré de ce que l'autorité préfectorale n'aurait pas examiné de manière particulière la situation de l'enfant du demandeur est relatif au bien-fondé du jugement attaqué et n'est pas susceptible d'entacher sa régularité. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier pour ces motifs.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, la circonstance que la convention de New York sur les droits de l'enfant n'ait pas été visée dans l'arrêté préfectoral est sans incidence sur sa légalité alors que, par ailleurs, cet arrêté comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté est insuffisamment motivé au regard des exigences fixées par les articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens pour la mise en oeuvre de ces stipulations : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté susvisé du 27 novembre 2016 : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié / d) la durée prévisible du traitement ".

5. D'une part, ni les stipulations et dispositions précitées, ni aucun principe ne font obligation au préfet de transmettre au demandeur l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'intégration et de l'immigration. L'intéressé n'est dès lors pas fondé à soutenir que la procédure ayant abouti à l'édiction de l'arrêté est à cet égard entachée d'irrégularité.

6. D'autre part, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, de sa capacité à bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. M. B... soutient que sa fille ne pourra pas bénéficier de traitements adaptés à sa pathologie dans son pays d'origine eu égard à la pénurie de centres adaptés pour les enfants souffrant d'une infirmité motrice cérébrale. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a consulté le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a estimé, dans un avis émis le 24 juin 2017, que l'état de santé de l'enfant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Le requérant ne démontre pas que sa fille ne pourrait pas disposer de son traitement en Algérie en se bornant à produire des documents généraux sur la situation du système médical en Algérie et des certificats médicaux non circonstanciés sur l'impossibilité pour son enfant d'accéder à des soins appropriés dans son pays. Dans ces conditions, en refusant, par l'arrêté attaqué, de délivrer à M. B... le titre de séjour sollicité en qualité d'accompagnant d'un enfant malade, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas commis d'erreur d'appréciation.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré pour la dernière fois en France en 2015 à l'âge de 42 ans et qu'il a passé la plus grande partie de sa vie dans son pays d'origine où il n'établit pas être dépourvu de toutes attaches familiales. Alors même qu'une partie de sa fratrie réside en France de manière régulière, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle du requérant et de son enfant.

10. Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

11. Pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 7, en estimant que l'enfant de M. B... pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et en refusant pour ce motif de délivrer à son père une autorisation de séjour pour raisons médicales, le préfet n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant et n'a pas méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., au ministre de l'intérieur et à Me A...C....

Copie en sera adressée pour information au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- Mme D..., première conseillère,

- M. Slimani, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2019.

2

N° 19MA01095


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19MA01095
Date de la décision : 18/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: M. Ahmed SLIMANI
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : AARPI OLOUMI et HMAD AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-06-18;19ma01095 ?
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