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18/06/2019 | FRANCE | N°18MA00391

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 18 juin 2019, 18MA00391


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. E... F..., A...F..., D...F...et H...F...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 30 juin 2015 par lequel le maire de la commune de Port-Vendres a accordé à M. et Mme I... un permis de construire une maison individuelle sur la parcelle cadastrée section AE n° 50.

Par un jugement n° 1506472 du 28 novembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du maire de la commune de Port-Vendres du 30 juin 2015 et la décision portant rejet implicite

du recours gracieux formé contre ce permis de construire.

Procédure devant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. E... F..., A...F..., D...F...et H...F...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 30 juin 2015 par lequel le maire de la commune de Port-Vendres a accordé à M. et Mme I... un permis de construire une maison individuelle sur la parcelle cadastrée section AE n° 50.

Par un jugement n° 1506472 du 28 novembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du maire de la commune de Port-Vendres du 30 juin 2015 et la décision portant rejet implicite du recours gracieux formé contre ce permis de construire.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2018, la commune de Port-Vendres, représentée par la SCP Becque - Dahan - Pons-Serradeil - Calvet - Rey, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 novembre 2017 ;

2°) de rejeter les demandes de MM. etB... F... présentées devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge de MM. etB... F... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il ne comporte pas l'une des signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- la demande de M. F...et autres était irrecevable faute pour ceux-ci de justifier de leur intérêt à agir ;

- les premiers juges ont retenu à tort le motif tiré de la méconnaissance par l'arrêté contesté des dispositions de l'article UA 11 du règlement du plan local d'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2017, MM. etB... F..., représentés par la SCP Henry - Chichet - Henry - Pailles - Garidou - Renaudin, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Port-Vendres la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté ;

- ils justifient de leur intérêt à agir et leur demande était recevable ;

- les autres moyens soulevés par la commune de Port-vendres ne sont pas fondés.

Le mémoire, enregistré le 1er novembre 2018, présenté pour la commune de Port-Vendres, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lopa Dufrénot,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me J..., représentant la commune de Port-Vendres.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 30 juin 2015, le maire de Port-Vendres a accordé à M. et Mme I... un permis de construire une maison individuelle sur la parcelle, cadastrée section AE n° 500 siserue Michel Carola, située dans le champ de visibilité des vestiges du fort de la Mauresque. Par courrier du 26 août 2015, reçu le 28 août 2015, M. F...et autres ont sollicité du maire le retrait de ce permis. Du silence du maire est née une décision implicite de rejet. En outre, par arrêté du 7 octobre 2016, le maire a délivré à M. et Mme I... un permis de construire modificatif. Par le jugement du 28 novembre 2017 dont relève appel la commune de Port-Vendres, le tribunal administratif de Montpellier a, à la demande de M. F... et autres, annulé l'arrêté du 30 juin 2015 et la décision portant rejet implicite du recours gracieux formé contre ce permis de construire.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué qu'elle comporte les signatures des trois personnes désignées par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Le moyen doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir réitérée en appel opposée par la commune de Port-Vendres à la demande de première instance :

3. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation " ;

4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien ; qu'il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité ; que le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci . Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

5. Il est constant que Mme C...F..., MM. D... et E...F...sont nus-propriétaires de l'immeuble édifié sur le terrain cadastré section AE n° 163 tandis que M. A... F...demeure usufruitier de ce bien immobilier. Cette parcelle se situe en face du projet en litige sur une parcelle vierge de toute construction. Les intéressés se prévalent de l'impact de ce projet d'une construction R + 2 sur la vue depuis leur propriété. Ainsi le projet en litige est de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'ils détiennent et ils justifient, par suite, en cette qualité d'un intérêt à obtenir l'annulation du permis de construire en cause. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Port-Vendres, tirée du défaut d'intérêt à agir doit être écartée.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté contesté :

6. Aux termes de l'article 11-UA du règlement du plan local d'urbanisme de Port-Vendres, applicable à la zone UA dans laquelle se situe le terrain d'assiette du projet : " 1 - Dispositions générales : / 1.1 Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives urbaines. (...) pour les constructions neuves, une expression architecturale contemporaine peut être admise pour la composition des façades et la proportion des ouvertures. / 2.2. Echelle et ordonnancement / Les constructions à édifier tiennent compte de l'échelle du bâti environnant et l'ordonnancement des façades doit être constitué par les alignements verticaux des ouvertures ainsi que les continuités horizontales soulignées par les alignements des linteaux et des appuis de baies. Les constructions doivent présenter la plus grande simplicité de volume possible. (...) / 2.7 Toitures : / a. Les toitures sont simples, généralement à deux pentes opposées comprises entre 25 à 30 %. Elles sont recouvertes de tuiles rondes dite " canal " de teinte rouge (...) / c. Les toitures-terrasses peuvent être admises, à condition qu'elles contribuent à une composition architecturale s'intégrant au bâti environnant, et sous réserve de l'avis favorable de l'Architecte des bâtiments de France. / d. Les toitures terrasses inaccessibles sont autorisées : / - quand elles sont destinées et limitées à être occupées par des éléments techniques (climatiseurs, échangeurs VMC, dispositifs de captage d'énergie renouvelable) / - en secteur Uad. ".

7. Eu égard à la teneur des dispositions de l'article UA 11 précité, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, d'apprécier si l'autorité administrative a pu légalement autoriser la construction projetée, compte tenu de ses caractéristiques et de celles du bâti environnant, sans méconnaître les exigences résultant de cet article. Dans l'exercice de ce contrôle, le juge doit tenir compte de l'ensemble des dispositions de l'article et de la marge d'appréciation qu'elles laissent à l'autorité administrative pour accorder ou refuser de délivrer une autorisation d'urbanisme.

8. Pour annuler l'arrêté en litige, les premiers juges se sont fondés sur l'unique moyen tiré de la violation des dispositions citées au point 6 en estimant que la composition architecturale ne pouvait être regardée comme s'intégrant au bâti environnant en méconnaissance des exigences posées par l'article UA 11 du règlement du plan local, aux motifs, d'une part, qu'aux différents volumes composant le projet, étaient adjoints des éléments architecturaux extérieurs, notamment la toiture-terrasse du bâtiment principal inaccessible, qui n'avait pas vocation à accueillir des éléments techniques et, d'autre part, que la construction projetée aux volumes complexes se situait dans un environnement déjà bâti où prédominent des maisons aux volumes simples avec un toit à deux pentes recouvert de tuiles traditionnelles.

9. Il ressort des pièces du dossier, notamment des vues annexées à cette demande d'autorisation de construire et des vues aériennes issues du site internet " Google Maps ", que le bâti environnant le projet en cause présente, en général, une composition architecturale simple et homogène d'immeubles R+1 et R+ 2 ayant une toiture à double pente opposée. Il ressort notamment de la notice explicative et des documents graphiques annexés à la demande de permis de construire que le projet a pour objet la réalisation, sur un terrain nu longeant la rue Michel Carola, d'un bâtiment à usage d'habitation R + 2 d'une surface de plancher de 240 m². Le bâtiment envisagé comporte, outre une volée d'escaliers extérieurs en partie dissimulée par un pan de mur, permettant l'accès au premier niveau, quatre terrasses dont une de 34, 20m² au premier étage et trois terrasses accessibles de plus faible dimension, au second niveau, une de 16, 23 m² au sud, couvrant la terrasse plus large de l'étage inférieur et deux autres, la première surplombant l'entrée et la seconde s'avançant jusqu'à la limite parcellaire à l'Est. Par ailleurs, la construction envisagée présente une toiture-terrasse surmontée d'une corniche, inaccessible et dont il ne ressort pas des pièces du dossier que cette toiture est destinée, ni limitée à recevoir des éléments techniques. Eu égard à ses caractéristiques architecturales, le bâtiment projeté supportant une toiture-terrasse inaccessible et auquel sont adjoints les ouvrages extérieurs précédemment décrits, ne contribue pas à une composition architecturale s'intégrant au bâti environnant au sens et pour l'application de l'article UA 11 du règlement du plan local d'urbanisme. Dès lors, le maire de la commune de Port-Vendres, en délivrant le permis de construire en litige a méconnu les dispositions de l'article UA 11 du règlement du plan local d'urbanisme.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Port-Vendres n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 30 juin 2015 et la décision portant rejet implicite du recours gracieux formé contre ce permis de construire.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MM. etB... F..., qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la commune de Port-Vendres demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Port-Vendres une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par MM. etB... F... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Port-Vendres est rejetée.

Article 2 : La commune de Port-Vendres versera à MM. F... etB... F... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Port-Vendres, à M. E... F..., à M. A... F..., à M. D... F...et à Mme C...F....

Copie pour information en sera adressée à M. et Mme I....

Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- Mme G..., première conseillère,

- Mme Lopa Dufrénot, première conseillère.

Lu en audience publique, le 18 juin 2019.

6

N° 18MA00391


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA00391
Date de la décision : 18/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03-02-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire. Légalité au regard de la réglementation locale. POS ou PLU (voir supra : Plans d`aménagement et d`urbanisme).


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Micheline LOPA-DUFRENOT
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS BECQUE - DAHAN - PONS-SERRADEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-06-18;18ma00391 ?
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