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18/06/2019 | FRANCE | N°17MA04644

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 18 juin 2019, 17MA04644


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...D...a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de La Garde à lui verser la somme totale de 24 500 euros en réparation des préjudices résultant de ses conditions de recrutement et du non-renouvellement de son dernier contrat.

Par un jugement n° 1404601 du 27 octobre 2017, le tribunal administratif de Toulon a condamné la commune de La Garde à lui verser la somme de 5 997 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 4

décembre 2017 et le 15 avril 2019, la commune de La Garde, représentée par MeC..., demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...D...a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de La Garde à lui verser la somme totale de 24 500 euros en réparation des préjudices résultant de ses conditions de recrutement et du non-renouvellement de son dernier contrat.

Par un jugement n° 1404601 du 27 octobre 2017, le tribunal administratif de Toulon a condamné la commune de La Garde à lui verser la somme de 5 997 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 4 décembre 2017 et le 15 avril 2019, la commune de La Garde, représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 octobre 2017 ;

2°) de rejeter la demande de M. D...devant le tribunal administratif de Toulon ;

3°) de mettre à la charge de M. D...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition d'engagement refusée par M. D...ne portait pas sur un emploi de vacataire ;

- les contrats d'engagement successifs conclus avec D...répondaient à des besoins temporaires ou saisonniers ;

- les préjudices dont M. D...demande réparation ne résultent que du refus de l'intéressé d'accepter l'offre d'engagement qui lui a été faite ;

- l'intéressé n'a pas droit à une indemnité de licenciement dès lors qu'il n'occupait pas un emploi permanent ;

- le préjudice moral invoqué par M. D...n'est pas établi ;

- la demande présentée par M. D...tendant à l'allocation d'une indemnité de 8 000 euros au titre du préjudice subi en raison du manquement de loyauté de la commune et du refus abusif de renouvellement de son contrat constitue une demande nouvelle en appel qui n'est pas recevable.

Par un mémoire enregistré le 6 mars 2019, M.D..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 octobre 2017 en tant que celui-ci a limité à la somme de 5 997 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la commune de La Garde en réparation du préjudice qu'il a subi ;

- de condamner la commune de La Garde à lui verser la somme complémentaire de 8 000 euros.

3°) de mettre à la charge de la commune de La Garde la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la commune de La Garde ne sont pas fondés ;

- le préjudice subi en raison du manquement de loyauté de la commune et du refus abusif de renouvellement de son contrat doit être réparé par l'allocation d'une somme de 8 000 euros.

Par ordonnance du 15 février 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mars 2019 à 12 heures.

Par ordonnance du 15 avril 2019, l'instruction a été rouverte.

Par ordonnance du 15 avril 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 mai 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant MeC..., représentant la commune de La Garde et de MeA..., représentant M.D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D...a été recruté par la commune de La Garde à compter du 2 avril 2002 en qualité d'agent puis d'adjoint d'animation d'un centre de loisirs sur le fondement de contrats à durée déterminée. Par lettre du 7 avril 2010, la commune lui a proposé de renouveler son dernier contrat pour la même durée d'un an du 1er septembre 2010 au 31 août 2011. Constatant que l'intéressé n'avait pas donné suite à cette proposition dans le délai de huit jours qui lui avait été imparti, le maire lui a indiqué, par lettre du 19 mai 2010, qu'il considérait qu'il y avait renoncé. M. D...a alors demandé au tribunal administratif de Toulon la condamnation de la commune de La Garde à lui verser la somme totale de 24 500 euros en réparation des préjudices résultant de ses conditions de recrutement et du non-renouvellement de son dernier contrat. Par un jugement du 27 octobre 2017, le tribunal administratif de Toulon a estimé que la responsabilité de la commune de La Garde à l'égard de M. D...n'était pas engagée au titre de la proposition de renouvellement précitée, dénuée de caractère fautif, mais a condamné la commune à verser à M. D... la somme de 5 997 euros en réparation du renouvellement abusif de contrats à durée déterminée. La commune demande l'annulation de ce jugement tandis que M.D..., estimant la somme allouée insuffisante, en demande la réformation par la voie du recours incident.

Sur l'appel principal de la commune de La Garde :

2. Il résulte des premier et deuxième alinéas de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale que les collectivités territoriales de plus de 2 000 habitants ne peuvent recruter des agents non titulaires en vue d'assurer des remplacements momentanés ou d'effectuer des tâches à caractère temporaire ou saisonnier que par contrat à durée déterminée. Si ces dispositions offrent ainsi la possibilité à ces collectivités de recourir, le cas échéant, à une succession de contrats à durée déterminée, elles ne font cependant pas obstacle à ce qu'en cas de renouvellement abusif de tels contrats, l'agent concerné puisse se voir reconnaître un droit à l'indemnisation du préjudice éventuellement subi lors de l'interruption de la relation d'emploi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Dans cette hypothèse, il incombe au juge, pour apprécier si le recours à des contrats à durée déterminée successifs présente un caractère abusif, de prendre en compte l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment la nature des fonctions exercées, le type d'organisme employeur ainsi que le nombre et la durée cumulée des contrats en cause.

3. Il résulte de l'instruction que M. D...a exercé les mêmes fonctions d'animateur au sein des services de la commune de La Garde entre le 2 avril 2002 et le 31 août 2010. La commune a conclu avec l'intéressé 59 contrats d'engagement successifs à durée déterminée, pour des périodes allant de quelques jours à un ou deux mois, seul le dernier contrat ayant été conclu pour la durée d'un an. Ces contrats n'étaient interrompus que par de courtes périodes correspondant au samedi ou au dimanche ou à une durée plus longue permettant à l'intéressé de prendre des congés. Entre 2002 et 2007, ces contrats stipulaient une durée de travail de 12 heures par semaine pour le mercredi puis, à partir d'avril 2007, le mercredi et en périscolaire le soir à raison de 21 heures par semaine. A partir de septembre 2008, M. D...travaillait en périscolaire le matin et le soir, le mercredi, et assurait les activités proposées aux enfants au cours de la pause méridienne. Dans ces conditions, la commune de La Garde a recouru abusivement à une succession de contrats à durée déterminée prétendument conclus, sur une durée totale de huit ans, pour répondre à des besoins temporaires ou saisonniers.

4. Un renouvellement abusif de contrats à durée déterminée ouvre à l'agent concerné un droit à l'indemnisation du préjudice qu'il subit lors de l'interruption de la relation d'emploi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

5. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a, après avoir constaté le caractère abusif du renouvellement des contrats à durée déterminée dont M. D...avait fait l'objet, condamné la commune de La Garde à réparer le préjudice subi par l'intéressé lors de l'interruption de la relation d'emploi. Dès lors que la proposition que le maire de La Garde a adressée à M. D...ne portait pas sur la conclusion d'un contrat à durée indéterminée, ce préjudice ne trouve pas sa cause dans le refus de l'intéressé d'accepter l'offre d'engagement qui lui a été faite. Ainsi, la commune de La Garde n'est pas fondée à soutenir qu'elle doit être exonérée totalement de sa responsabilité à l'égard de M. D...découlant de la faute relevée à son encontre. En outre, si elle soutient que l'intéressé n'avait pas droit à une indemnité de licenciement dès lors qu'il n'occupait pas selon elle un emploi permanent, elle n'a pas été condamnée à verser une telle indemnité mais une indemnité évaluée en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

Sur le recours incident de M.D... :

6. Pour refuser à M. D...de renouveler le contrat de recrutement qui expirait le 31 août 2010, le maire de La Garde s'est fondé, comme il l'a indiqué dans sa lettre du 19 mai 2010 mentionnée au point 1, sur la circonstance que l'intéressé devait être regardé comme ayant renoncé à la proposition de renouvellement qui lui avait été faite et que d'autres dispositions avaient eu à être prises en conséquence.

7. Aux termes de l'article 38 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale : " Lorsqu'un agent non titulaire a été engagé pour une durée déterminée susceptible d'être reconduite, l'administration lui notifie son intention de renouveler ou non l'engagement au plus tard : (...) 2° Au début du mois précédant le terme de l'engagement pour l'agent recruté pour une durée égale ou supérieure à six mois et inférieure à deux ans ; (...) Lorsqu'il est proposé de renouveler le contrat, l'agent non titulaire dispose d'un délai de huit jours pour faire connaître, le cas échéant, son acceptation. En cas de non-réponse dans ce délai, l'intéressé est présumé renoncer à son emploi. ".

8. Il résulte de l'instruction que la plupart des contrats à durée déterminée conclus par la commune de La Garde avec M. D...se sont succédés avec une brève interruption allant de quelques jours à un ou deux mois. Une durée d'un mois s'est écoulée entre l'expiration de l'avant-dernier contrat conclu du 6 juillet 2009 eu 31 juillet 2009 et la date de prise d'effet du dernier contrat conclu pour la période du 1er septembre 2009 au 31 août 2010. Ainsi, c'est à bon droit que la commune de La Garde a fait application pour la première fois dans ses relations avec M.D..., le 7 avril 2010, des dispositions de l'article 38 du décret du 15 février 1988, en vue du renouvellement du contrat qui expirait le 31 août 2010. La commune a d'ailleurs adressé le même jour un courrier identique aux autres agents contractuels employés pour occuper les mêmes fonctions que M.D.... Ce courrier, dont l'envoi était également motivé par la volonté d'organiser le fonctionnement de l'accueil du centre de loisirs à la rentrée scolaire suivante, invitait l'agent à faire connaître son intention de voir son engagement renouvelé pour la période courant du 1er septembre 2010 au 31 août 2011, pour exercer les mêmes fonctions aux conditions salariales mentionnées, et précisait que l'intéressé disposait d'un délai de réponse de 8 jours à compter de la réception de ce courrier pour faire savoir par écrit sa position quant à cette proposition. Eu égard aux termes employés et à l'indication d'un délai impératif, ce courrier ne pouvait qu'être interprété par son destinataire comme une proposition de renouvellement de son contrat dont le contenu répondait aux exigences résultant de l'article 38 du décret du 15 février 1988 sans qu'il ait été nécessaire de viser ces dispositions et d'ajouter qu'en cas de non-réponse dans le délai fixé, l'intéressé était présumé avoir renoncé à son emploi. Ce même courrier a été remis en mains propres à M. D...le 15 avril 2010. Par lettre datée du 18 avril 2010 mais reçue en mairie le 18 mai 2010 seulement, ce dernier a indiqué que, selon ce que lui proposerait la commune de La Garde pour la rentrée 2010-2011, il souhaiterait poursuivre son travail au sein de la structure. Dans les circonstances de l'espèce, quand bien même les dispositions de l'article 38 du décret du 15 février 1988 ont été mises en oeuvre par la commune pour la première fois et que les recrutements étaient jusqu'alors décidés peu avant l'expiration des contrats conclus avec les animateurs, le maire de La Garde a pu légalement, comme il l'a fait savoir à M. D...par lettre du 19 mai 2010, interpréter le silence de ce dernier dans le délai de huit jours qui lui était imparti comme valant renonciation à son emploi. Par suite, en refusant, pour ce motif, de renouveler le contrat de recrutement de M. D...qui expirait le 31 août 2010, il n'a entaché sa décision ni d'une erreur de droit, ni d'une erreur de fait ou d'appréciation.

9. Il résulte de ce qui précède que la commune de La Garde n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon l'a condamnée à verser à M. D...la somme de 5 997 euros en réparation du renouvellement abusif de contrats à durée déterminée a rejeté sa demande. Ce dernier n'est pas davantage fondé à soutenir, par la voie du recours incident, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la commune de La Garde, que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.D..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de La Garde demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de La Garde la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. D...et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de La Garde et les conclusions de M. D...présentées par la voie du recours incident sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de M. D...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Garde et à M. E...D....

Délibéré après l'audience du 4 juin 2019, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Jorda, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2019.

2

N° 17MA04644


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA04644
Date de la décision : 18/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : GOZZO

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-06-18;17ma04644 ?
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