Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...B...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité de parent d'enfant français et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 9 janvier 2018 portant refus de renouvellement de son titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination et d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 1705377 et 1800583 du 15 juin 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2018, MmeB..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 15 juin 2018 ;
2°) d'annuler la décision implicite de refus et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 9 janvier 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil, sous réserve de renonciation par celui-ci au bénéfice de l'aide juridictionnelle, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de renouvellement de titre de séjour est à tort fondé sur l'existence de troubles à l'ordre public, dès lors que le préfet a inversé la charge de la preuve de ceux-ci ;
- il porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur des enfants et contrevient aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 7 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Jorda-Lecroq a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., ressortissante nigériane née le 29 mars 1973, fait appel du jugement du 15 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite de rejet et de l'arrêté du 9 janvier 2018 du préfet des Alpes-Maritimes ayant rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, l'obligeant à quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. La décision explicite s'étant substituée à la décision initiale, les conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-2 soit exigée (...) ".
3. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est, en principe, opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il dispose d'éléments précis et concordants de nature à établir, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou après l'attribution de ce titre, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ou de procéder, le cas échéant, à son retrait.
4. Pour rejeter la demande de MmeB..., le préfet des Alpes-Maritimes s'est fondé en particulier sur le jugement du tribunal correctionnel de Paris en date du 14 janvier 2015 par lequel M. C...A..., ressortissant français ayant reconnu l'enfant de MmeB..., prénommé Ronnie et né le 27 octobre 2012, a été condamné comme organisateur d'une filière de reconnaissances frauduleuses de paternité en bande organisée pour des faits survenus entre le 12 février 2008 et le 27 septembre 2013 notamment à Nice. Il ressort de ce jugement que la requérante fait partie des " mères " ayant bénéficié des pratiques frauduleuses de l'intéressé consistant notamment à aider, par la fourniture de faux documents, à la constitution de dossiers de demande de cartes d'identité et de certificats de nationalité française pour les enfants reconnus en vue de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'étrangers en France. Mme B...n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause les constatations de fait contenues dans ce jugement. Le préfet doit, dès lors, être regardé comme ayant apporté, dans le respect des règles de dévolution de la charge de la preuve, du seul fait de ce jugement, des éléments précis et concordants de nature à établir, lors de l'examen de la demande de titre de séjour, que la reconnaissance de paternité de l'enfant Ronnie a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour. Il lui appartenait, dans ces conditions, de faire échec à cette fraude et de refuser comme il l'a fait, dès lors que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'était pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée en qualité de parent d'enfant français par MmeB..., alors même qu'à la date de ce refus, l'acte de naissance de Ronnie n'avait pas été remis en cause par une procédure judiciaire, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Il ressort des pièces du dossier que MmeB..., qui déclare être arrivée en France en 2011, soit à l'âge de trente-huit ans, est également mère de deux autres enfants nés en 2014 et 2015 dont le père, de nationalité nigériane, dont elle est séparée, réside en Italie. Elle fait valoir la scolarisation de ses trois enfants. Toutefois, ces enfants sont encore très jeunes et la vie familiale de MmeB..., qui n'établit ni même n'allègue être isolée dans son pays d'origine, peut se reconstituer hors de France. Le travail de la requérante dans le cadre de contrats saisonniers pour des rémunérations ne lui permettant pas d'être autonome financièrement n'est pas de nature à établir qu'elle aurait fixé en France le centre de ses intérêts familiaux et privés. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que le préfet des Alpes-Maritimes n'avait pas porté une atteinte disproportionnée au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.
7. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Si Mme B...a en réalité entendu soulever le moyen tiré de la violation des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, il résulte de ce qui a été exposé aux points 4 et 6 que le préfet n'a pas, en prenant l'arrêté contesté, porté atteinte à l'intérêt supérieur des enfants de MmeB....
8. Il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nice du 15 juin 2018 et de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 15 janvier 2018. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...B..., au ministre de l'intérieur et à MeD....
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 29 mai 2019, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente assesseure,
- M. Merenne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 juin 2019.
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N° 18MA03455