La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/2019 | FRANCE | N°18MA00952

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 12 juin 2019, 18MA00952


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté n°2017ETR-54 du 13 mars 2017 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français au plus tard le 10 juillet 2017 et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office.

Par un jugement n° 1702351 du 19 septembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme B....

Procédure devant la C

our :

Par une requête, enregistrée 28 février 2018, Mme C...B..., représentée par Me E...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté n°2017ETR-54 du 13 mars 2017 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français au plus tard le 10 juillet 2017 et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office.

Par un jugement n° 1702351 du 19 septembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée 28 février 2018, Mme C...B..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 septembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté n° 2017ETR-54 du 13 mars 2017 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office ;

3°) d'ordonner, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, sous la même astreinte, le réexamen de sa demande dans un délai de deux mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté en litige est entaché d'un vice d'incompétence, dès lors que la délégation est trop générale ;

- le préfet a commis une erreur de droit en se fondant sur le défaut de visa de long séjour ;

- les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui sont applicables ;

- les articles L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ont été méconnus ;

- la décision fixant le Maroc comme pays de destination est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.

Mme B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale/partielle par une décision du 22 janvier 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;

- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pecchioli a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par jugement du 19 septembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2017ETR-54 du 13 mars 2017. Mme B... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 13 mars 2017 portant refus d'admission au séjour et obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, la décision contestée a été signée par M. F... D..., sous-préfet de l'arrondissement de Béziers, lequel avait reçu, par arrêté n° 2016/I/1172 du 16 novembre 2016, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs du département le même jour, accessible tant au juge qu'aux parties, délégation du préfet de l'Hérault à l'effet de signer " tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault (...) ", à l'exception, d'une part, des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la nation pour temps de guerre et, d'autre part, de la réquisition des comptables publics régie par le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique. La circonstance que les dispositions du décret du 29 décembre 1962 ont été abrogées par le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique demeure sans incidence sur la régularité de la délégation accordée dès lors que la matière concernée, si elle est désormais régie par ce dernier décret, reste exclue de la délégation en litige. Par ailleurs, les décisions relatives aux attributions de l'Etat dans le département comprennent, sauf s'il en est disposé autrement par l'arrêté portant délégation de signature, les décisions préfectorales en matière de police des étrangers. Cette délégation n'étant pas trop générale, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, MmeB..., entrée pour la dernière fois sur le territoire français le 19 décembre 2015 sous couvert d'un visa à entrées multiples d'une durée de 90 jours, n'était pas titulaire du visa de long séjour prévu par l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle ne remplissait pas, de ce fait, les conditions de délivrance des titres de séjour pour lesquelles un tel visa est exigible, ainsi que l'a relevé le préfet de l'Hérault à bon droit dans la décision en litige. Il ne résulte pas des termes de l'arrêté que le préfet se serait estimé, à tort, lié par le défaut de visa de long séjour de Mme B...alors qu'il a effectivement examiné la situation personnelle et familiale de l'intéressé au regard des conditions de délivrance d'un titre de séjour de plein droit notamment sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de l'erreur de droit de l'administration sur ce point doit, par suite, être écarté.

4. En troisième lieu, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient que la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit " à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. " . Les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prescrivent que " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

5. En l'espèce MmeB..., séparée de son époux depuis 2013 et ayant vécu hors de France jusqu'à l'âge de cinquante et un ans, est venue séjourner récemment en France, en décembre 2015, avec ses deux filles âgées respectivement de 10 et 15 ans. Si l'intéressée démontre l'existence de certains liens familiaux sur le territoire français, où réside régulièrement notamment sa soeur de nationalité française avec laquelle elle a renoué des relations, la requérante n'établit toutefois pas avoir transféré à la date du 13 mars 2017 le centre de ses intérêts privés et familiaux en France. Si ses parents sont effectivement décédés, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que Mme B...serait dépourvue d'attaches personnelles et familiales au Maroc et en Algérie où elle a vécu jusqu'à une période très récente. Dans ces conditions, l'atteinte portée à la vie privée et familiale de l'appelante ne saurait être regardée comme disproportionnée au but poursuivi par le refus de titre de séjour en litige. Cet arrêté n'a, par suite, méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. En quatrième et dernier lieu, les stipulations de l'article 3 de la convention de New York du 26 janvier 1990 sur les droits de l'enfant prévoient que " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté préfectoral, Mme B... serait empêchée de retourner dans un pays où elle serait régulièrement admissible accompagné de ses enfants. Elle ne démontre pas non plus les obstacles à ce que ses filles poursuivent leur formation et leur scolarité hors de France, notamment en Algérie, pays dont elles ont la nationalité, où elles ont vécu la plus grande partie de leur vie et dans lequel Mme B... n'établit pas ne pas être admissible, ou bien au Maroc, pays dont la requérante a la nationalité. Dans ces conditions, la décision du préfet ne méconnaît pas les stipulations précitées de la convention internationale sur les droits de l'enfant.

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 13 mars 2017 portant refus fixation du pays de destination :

8. Si Mme B...soutient que la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, faisant valoir qu'elle n'a jamais vécu au Maroc, pays dont elle a la nationalité, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'elle ne serait pas admissible dans un autre pays, et notamment en Algérie, pays dans lequel elle a vécu la plus grande partie de sa vie et dont ses filles ont la nationalité. Par suite, le préfet, qui a bien précisé que Mme B...pourrait être reconduite d'office dans tout pays pour lequel elle établit être légalement admissible, n'a pas entaché sa décision fixant le pays de destination d'une erreur manifeste d'appréciation. Le moyen ainsi soulevé doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision litigieuse, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par, par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme B...ne peuvent être accueillies.

Sur les frais de l'instance :

11. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d' aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

12. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser une quelconque somme à Mme B...ou à son conseil, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...épouse A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2019, où siégeaient :

- M. Bocquet, président de chambre,

- M. Marcovici, président-assesseur,

- M. Pecchioli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juin 2019.

5

N° 18MA00952


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA00952
Date de la décision : 12/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Jean-Laurent PECCHIOLI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-06-12;18ma00952 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award