Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... épouse A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 11 décembre 2015 par laquelle le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande de regroupement familial, d'enjoindre au préfet d'admettre la mineure D...au bénéfice du regroupement familial ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement.
Par un jugement n° 1600474 du 19 avril 2018, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du préfet de Vaucluse du 11 décembre 2015, a enjoint à celui-ci de réexaminer la demande de regroupement familial de Mme A... concernant l'enfant Marie Eleniak dans le délai de deux mois à compter de sa notification et a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juin 2018, le préfet de Vaucluse demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 19 avril 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal ainsi que toute demande présentée en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les documents relatifs à la filiation de Mme A... avec l'enfant pour laquelle elle demande l'introduction au séjour par le regroupement familial ne sont pas authentiques.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 janvier 2019, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête du préfet de Vaucluse ;
2°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse d'admettre la mineure D...au bénéfice du regroupement familial ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen soulevé par le préfet de Vaucluse n'est pas fondé ;
- la compétence du signataire de la décision de refus de regroupement familial n'est pas établie ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de fait quant à l'absence de certitude sur le lien de filiation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 411-5 du code de justice administrative ;
- elle contrevient aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Jorda-Lecroq a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur le bien-fondé du jugement :
1. D'une part, aux termes de l'article L. 411-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial peut également être sollicité pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint dont, au jour de la demande, la filiation est établie à l'égard du demandeur ou de son conjoint ou dont l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux ".
2. D'autre part, le premier alinéa de l'article L. 111-6 de ce code prévoit que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Selon l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Enfin, aux termes de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. (...) ".
3. Il résulte de la combinaison des dispositions citées au point 2 qu'en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles ou y fait procéder auprès de l'autorité étrangère compétente. L'article 47 du code civil précité posant une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays, il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., de nationalité malgache, a produit à l'appui de sa demande de regroupement familial la reconstitution de l'acte de naissance de l'enfant Marie Eleniak Kosilahy établi le 11 mars 2014 et le jugement supplétif du 5 mars 2014 rendu par le tribunal de première instance d'Antalaha ayant permis cette reconstitution. Le préfet de Vaucluse soutient que ces documents ne sont pas authentiques. Pour rejeter, par la décision du 11 décembre 2015, la demande de regroupement familial formée par Mme A..., il avait retenu que selon les informations communiquées par le consulat général de France à Tananarive le 4 septembre 2015, il s'avérait qu'il n'avait pas été possible d'établir avec certitude son lien de filiation avec l'enfant Marie Eleniak Kosilahy. Toutefois, il ne ressort d'aucune des pièces produites par le préfet de Vaucluse en appel, en particulier ni du refus de délivrance de visa du 16 janvier 2014, antérieur aux documents d'état civil en cause, ni des échanges de courriels entre les services de la préfecture, l'Office français de l'immigration et de l'intégration et le consulat général de France à Tananarive, qui, s'ils mentionnent un second refus de visa, n'apportent aucun éclairage sur l'éventuelle irrégularité de ces documents, que ceux-ci seraient dépourvus de force probante. Dans ces conditions, le préfet de Vaucluse n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision du 11 décembre 2015 au motif de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 411-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme A... :
5. Les premiers juges ont enjoint au préfet de Vaucluse de procéder à un nouvel examen de la demande de regroupement familial de Mme A... concernant l'enfant Marie Eleniak dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Il appartient au préfet de Vaucluse d'exécuter cette injonction. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au profit de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de Vaucluse est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de Vaucluse, à Mme F... A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2019, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente assesseure,
- Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 29 mai 2019.
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N° 18MA02893