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29/05/2019 | FRANCE | N°18MA01742

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 29 mai 2019, 18MA01742


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...D...a demandé au tribunal administratif de Marseille de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la somme de 410 487 euros en réparation des préjudices subis du fait de deux infections contractées par M. A...D...au centre hospitalier du pays d'Aix.

Par un jugement n° 1305264 du 18 mai 2015, le tribunal administratif de Marseille a ordonné avant dire droit une expertise médicale.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...D...a demandé au tribunal administratif de Marseille de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la somme de 410 487 euros en réparation des préjudices subis du fait de deux infections contractées par M. A...D...au centre hospitalier du pays d'Aix.

Par un jugement n° 1305264 du 18 mai 2015, le tribunal administratif de Marseille a ordonné avant dire droit une expertise médicale.

Par un jugement n° 1305264 du 19 février 2018, le tribunal administratif de Marseille a mis à la charge de l'ONIAM le versement à la succession de M. D...de la somme de 58 400 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 avril 2018 et le 9 mai 2019, l'ONIAM, représenté par la SCP UGGC Avocats, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal :

- d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 février 2018 ;

- de rejeter la demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Marseille.

2°) à titre subsidiaire :

- de réformer le jugement du 19 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a mis à sa charge une indemnité de 58 400 euros à verser à l'ayant droit de M. D... ;

- de ramener à la somme de 42 979 euros le montant de l'indemnité due.

Il soutient que :

- les conditions ouvrant droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas remplies ;

- le premier épisode infectieux n'est pas anormal au sens de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique ;

- il a pour origine l'état de santé antérieur du patient ;

- le second épisode infectieux a une origine nosocomiale mais ne remplit pas le critère de gravité de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique ;

- à défaut, les taux de déficit fonctionnel permanent relatifs aux deux infections nosocomiales ne se cumulent pas ;

- l'évaluation du déficit fonctionnel permanent et du préjudice esthétique doit être ramenée à de plus justes proportions ;

- le centre hospitalier d'Aix doit le garantir à hauteur de 75 % des condamnations prononcées à son encontre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2018, le centre hospitalier du pays d'Aix, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'ONIAM la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- aucune faute ni manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales ne peut lui être imputé ;

- aucune demande n'est dirigée par l'ayant droit du patient à son encontre ;

- les deux infections présentent un caractère nosocomial.

Par un mémoire, enregistré le 6 décembre 2018, MmeD..., représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'ONIAM la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les deux infections contractées par M. D...présentent un caractère nosocomial ;

- elles ont entraîné pour le patient des conséquences anormales ;

- le déficit fonctionnel permanent de M. D...est supérieur à 25 % ;

- les préjudices relatifs au déficit fonctionnel permanent et au préjudice esthétique permanent ont été justement évalués.

La requête a été communiquée aux caisses primaires d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes qui n'ont pas produit de mémoire.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de l'ONIAM appelant le centre hospitalier du pays d'Aix à le garantir des condamnations prononcées à son encontre, présentées pour la première fois en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., représentant le centre hospitalier du pays d'Aix.

Considérant ce qui suit :

Sur l'obligation de l'ONIAM :

1. Aux termes du second alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, les professionnels de santé et les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins " sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ". Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.

2. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le jugement avant dire droit du tribunal administratif de Marseille du 18 mai 2015, que M. D... a fait l'objet, au centre hospitalier du pays d'Aix, le 16 février 2009, d'une intervention pour ablation de la prothèse unicompartimentale du genou droit dont il était porteur à la suite de son descellement et pour la pose d'une prothèse totale du genou. Il a présenté à partir du 5 mars suivant une nécrose cutanée extensive qui a entraîné la découverte progressive de la prothèse et sa communication avec le milieu extérieur provoquant la nécrose osseuse de la rotule et de l'atteinte du bouton rotulien et qui a permis au germe du staphylocoque doré de pénétrer dans l'articulation. Si l'infection de la prothèse révélée par l'hémoculture réalisée le 6 septembre 2009 est apparue après la sortie d'hospitalisation du patient, elle a pour origine la nécrose cicatricielle consécutive aux actes de soins prodigués lors de son séjour dans l'établissement de soins. L'avis du médecin référent de l'ONIAM qui n'est pas documenté et auquel l'expert a répondu point par point dans son rapport n'est pas de nature à remettre en cause les conclusions de l'expertise sur l'origine nosocomiale de la complication infectieuse. L'infection est sans lien avec l'état de santé initial de M.D.... C'est, par suite, à juste titre que les premiers juges ont qualifié de nosocomiale la première infection dont a été victime M.D....

3. L'ONIAM ne conteste pas le caractère nosocomial de la seconde infection par un staphylocoque doré résistant à la méticilline contractée par M. D...sur les broches supérieures du fixateur mis en place le 22 décembre 2009 après l'ablation de la prothèse totale.

4. A la suite de la complication infectieuse, M. D...est demeuré atteint d'un déficit fonctionnel permanent au taux de 15 % du fait d'une arthrodèse génératrice et d'un déficit fonctionnel permanent de 3 % en raison d'un flexum du genou. Il a aussi présenté un déficit fonctionnel permanent de 12 % lié à la paralysie des releveurs du pied appareillé. L'infection de la prothèse totale de genou par staphylocoque doré a rendu nécessaire son ablation et son remplacement par un fixateur externe dont les fiches supérieures ont été infectées par staphylocoque doré résistant à la méticilline. Il suit de là que c'est à juste titre que le tribunal a considéré que les taux de déficit fonctionnel permanent dont est resté atteint M.D..., bien que résultant de deux infections, par des germes de nature différente, contractées à l'occasion de deux interventions chirurgicales distinctes, devaient se cumuler. Le taux global, qui est supérieur à 25 %, satisfait ainsi au caractère de gravité mentionné à l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. L'ONIAM n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré que M. D... pouvait prétendre à une indemnisation au titre de la solidarité nationale.

Sur les préjudices :

5. M.D..., âgé de soixante-dix sept ans à la date de consolidation de son état de santé, le 26 janvier 2011, a conservé un déficit fonctionnel permanent au taux de 30 %. Il y a lieu, pour déterminer le montant de l'indemnité due à ce titre, de tenir compte de la survenue du décès de M.D..., plus de cinq ans après la date de consolidation de l'état de santé. En fixant à la somme de 35 000 euros le montant du préjudice subi à ce titre par l'intéressé, les premiers juges en ont fait une appréciation excessive. Il y a lieu de ramener à la somme de 28 000 euros le montant de l'indemnisation due au titre de ce préjudice.

6. En fixant à la somme de 3 600 euros le montant du préjudice subi par M. D... au titre du préjudice esthétique évalué à 3 sur une échelle de 1 à 7 par l'expert, les premiers juges en ont fait une estimation tenant compte de sa durée et qui n'est pas exagérée.

7. L'ONIAM ne conteste pas les sommes mises à sa charge par le jugement attaqué au titre des autres préjudices subis par M.D.... Mme D...ne présente pas de conclusions incidentes.

8. Il suit de là que le montant total de l'indemnité due en réparation des préjudices s'élève à la somme de 51 400 euros. Ainsi, l'ONIAM est fondé à soutenir que les premiers juges ont fait une évaluation excessive des préjudices subis par M. D...en la fixant à la somme de 58 400 euros.

9. Il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM est seulement fondé à demander la réduction de la somme de 58 400 euros dont le versement a été mis à sa charge par le jugement attaqué du tribunal administratif de Marseille.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme D...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme demandée par le centre hospitalier du pays d'Aix au titre de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 58 400 euros dont le versement à la succession de M. D...a été mise à la charge de l'ONIAM par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 février 2018, est ramenée à 51 400 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 février 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'ONIAM est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de Mme D...et du centre hospitalier du pays d'Aix présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales, à Mme C...D..., au centre hospitalier du pays d'Aix, à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2019 où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.

Lu en audience publique, le 29 mai 2019.

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N° 18MA01742


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA01742
Date de la décision : 29/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : SCP UGGC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-05-29;18ma01742 ?
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