Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'exploitation de l'Hôtel Saint Christophe a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 15 novembre 2012 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a prononcé le transfert d'une licence de catégorie IV du débit de boissons " Bar des amis " situé à Marseille au bénéfice de la SARL " La Voile " située à Aix en-Provence.
Par un jugement n° 1301275 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision.
Par un jugement n° 1505870 du 16 mai 2018, le tribunal administratif de Marseille a admis la tierce opposition de la SARL " La Voile " et de son gérant M. A...B..., a annulé le jugement du 25 juin 2015 et a rejeté la requête de la société d'exploitation de l'Hôtel Saint-Christophe.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 juin 2018 sous le numéro 18MA02619, la société d'exploitation de l'Hôtel Saint Christophe, représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a, à la demande de la SARL " La Voile " et de M.B..., déclaré non avenu son jugement du 25 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille avait annulé la décision du 15 novembre 2012 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
2°) de rejeter la demande en tierce opposition présentée par la SARL " La Voile " et M. B...devant le tribunal administratif de Marseille ;
3°) de mettre à la charge de M. B...et de la SARL " La Voile ", la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête de la SARL " La Voile " et de M. B... est irrecevable car son objet a disparu compte tenu du fait que par une déclaration du 17 septembre 2015, M. B...a procédé à la translation de la licence IV de son débit de boissons " Le Mansard " à Aix-en-Provence vers la SARL " La Voile " ;
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il ajoute une condition à la loi en considérant seulement les entrées principales des établissements pour le calcul du périmètre de protection sans tenir compte de l'entrée du garage de l'Hôtel Saint-Christophe et de la Brasserie Léopold.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 décembre 2018, le préfet de police des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la fin de non-recevoir et de la requête en ce que ses moyens sont infondés. Il soutient qu'au jour de la décision attaquée, l'issue de secours de l'établissement " La Voile " se situant sur le boulevard Victor-Hugo était murée et que le garage de l'Hôtel n'était pas un accès libre, d'autant que seule la Brasserie Léopold est détentrice de la licence de catégorie IV en tant que débits de boissons.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la circulaire du ministère de l'intérieur et des collectivités territoriales du 22 janvier 2009 ;
- l'arrêté n°20/2011/DAG/BAPR/DDB du préfet des Bouches-du-Rhône du 28 mars 2011 ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marcovici,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public.
- et les observations de MeC..., représentant la société d'exploitation de l'Hôtel Saint-Christophe.
Considérant ce qui suit :
1. Monsieur B...est le gérant de l'établissement SARL " La Voile " situé 34 rue Gontard à Aix-en-Provence, à proximité de l'Hôtel Saint-Christophe et de la Brasserie Léopold gérés par la société d'exploitation de l'Hôtel Saint-Christophe sis 2 boulevard Victor Hugo et détentrice d'une licence de catégorie IV. Par une décision du 15 novembre 2012, le préfet des Bouches-du-Rhône a prononcé le transfert de la licence de catégorie IV rattachée au débit de boissons " Bar des Amis " à Marseille vers l'établissement " La Voile ". Par un jugement n° 1301275 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision sur la demande de la société d'exploitation de l'Hôtel Saint-Christophe. Elle fait appel du jugement n° 1505870 du 16 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a admis la tierce opposition de la SARL " La Voile " et de M.B..., a déclaré son précèdent jugement non avenu et a rejeté sa requête.
Sur les motifs d'annulation retenus par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article L. 3331-1 du code de la santé publique : " 4° La licence de 4e catégorie dite " grande licence " ou " licence de plein exercice ", comporte l'autorisation de vendre pour consommer sur place toutes les boissons dont la consommation à l'intérieur demeure autorisée, y compris celles du quatrième et du cinquième groupe. ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 28 mars 2011 : " A compter de la publication du présent arrêté, aucun débit de boissons à consommer sur place des 2e, 3e et 4e catégories ne pourra être ouvert ou transféré, que ce soit à l'intérieur ou lors de la commune d'implantation, sur le territoire des communes d'Aix-en-Provence, d'Arles et de Marseille à proximité des débits de mêmes catégories déjà existants, dans un périmètre de protection de 50 mètres. " et son article 2 dispose que : " Cette distance est calculée selon la ligne droite au sol reliant les accès les plus rapprochés de l'établissement existant et du débit de boissons à installer. (...) ". Enfin, la circulaire INTA0900010C du ministère de l'intérieur et des collectivités territoriales du 22 janvier 2009 prévoit que le mode de calcul du périmètre de protection " se fait, comme précédemment, sur les voies de circulation ouvertes au public, suivant l'axe de ces dernières, entre et à l'aplomb des portes d'accès et de sortie les plus rapprochées de l'établissement protégé et du débit de boissons, mesure augmentée de la distance de la ligne droite au sol entre les portes d'accès mentionnées et l'axe de la voie de circulation. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la société d'exploitation de l'Hôtel Saint-Christophe est détentrice d'une licence de catégorie IV et que cet établissement dispose d'un accès situé rue Gontard à Aix-en-Provence à une distance inférieure à 50 mètres de l'établissement " La Voile ". Or, au regard des dispositions précitées, il n'est établi aucune distinction en fonction des modes d'utilisation des accès dans le calcul du périmètre de la zone de protection. Il en résulte que la SARL " La Voile " est située au sein de la zone de protection dont bénéficie la société d'exploitation de l'Hôtel Saint-Christophe détentrice d'une licence de catégorie IV.
4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la fréquence et le mode d'utilisation de l'accès de l'Hôtel Saint Christophe pour déclarer non avenu le jugement n° 1301275 du 25 juin 2015.
5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL " La Voile " et son gérant M. B...devant le tribunal administratif de Marseille.
Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer :
6. Les conclusions à fin de non-lieu à statuer formulées par la SARL de l'hôtel Saint-Christophe doivent être rejetées dès lors que le transfert vers un autre établissement, à le supposer même établi, de la licence de 4ème catégorie dont le transfert a été autorisé par la décision du 15 novembre 2012 en litige, n'est pas par lui-même de nature à priver d'objet la requête en tierce opposition.
Sur la recevabilité de la demande de la société d'exploitation de l'Hôtel Saint Christophe d'annulation de l'arrêté du 15 novembre 2012 :
7. Il ressort des pièces du dossier que la société d'exploitation de l'Hôtel Saint-Christophe a eu connaissance de la décision du 15 novembre 212 par un courrier du préfet des Bouches-du-Rhône du 11 janvier 2013 qu'elle a reçu le 15 janvier 2013. Ainsi sa requête, qu'elle a introduite le 25 janvier 2013 auprès du tribunal administratif de Marseille n'est pas tardive. D'autre part, la société d'exploitation de l'Hôtel Saint-Christophe dispose d'un intérêt à agir contre la décision attaquée dès lors qu'elle exploite un établissement détenteur d'une licence de catégorie IV sur la commune d'Aix-en-Provence à proximité de la SARL " La Voile ".
Sur le bien-fondé du jugement n° 1301275 du 25 juin 2015 du tribunal administratif de Marseille :
8. L'arrêté du 23 décembre 2008 a été abrogé par l'arrêté n° 20/2011 du 28 mars 2011. C'est donc à tort que le jugement du 25 juin 2015 du tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur ces dispositions. Toutefois, cette erreur de plume n'a exercé aucune influence sur le jugement dès lors que l'article 1er de l'arrêté du 23 décembre 2008 est en tout point identique à l'article 1er de l'arrêté du 28 mars 2011. Cette seule erreur matérielle n'entache donc pas le jugement d'irrégularité.
Sur l'exception d'illégalité de l'arrêté n° 20/2011 du 28 mars 2011 du préfet des Bouches-du-Rhône :
9. En raison de la permanence de l'acte réglementaire, la légalité des règles qu'il fixe, comme la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir doivent pouvoir être mises en cause à tout moment, de telle sorte que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales que cet acte est susceptible de porter à l'ordre juridique. Après l'expiration du délai de recours contentieux, une telle contestation peut être formée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour l'application de l'acte réglementaire ou dont ce dernier constitue la base légale. Si, dans le cadre de ces deux contestations, la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.
10. La Sarl " La Voile " et M. B...font valoir que l'arrêté n° 20/2011 du 28 mars 2011 du préfet des Bouches-du-Rhône méconnaît les dispositions de l'article R. 3335-15 du code de la santé publique, qui prévoit que le préfet ne peut prendre un tel arrêté qu'au terme d'une procédure qui implique un avis de la commission mentionnée à l'article L. 3332-11 du même code, et qu'il est insuffisamment motivé. Toutefois, à la date de leur recours, les requérants n'étaient plus susceptibles d'invoquer utilement de telles illégalités par la voie de l'exception de l'illégalité à l'encontre de cet arrêté. Au demeurant, il ressort des visas de l'acte attaqué, qui ne sont pas sérieusement contestés, que la commission des transferts touristiques a été consultée le 3 juillet 2007. Pa ailleurs aucune disposition légale ou réglementaire n'imposait à cet arrêté, qui est réglementaire et par ailleurs suffisamment motivé, une obligation de motivation. Ces moyens ne peuvent donc qu'être écartés.
11. Aux termes de l'article R. 3335-15 du code de la santé publique : " Sur avis de la commission mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 3332-11, le préfet peut déterminer par arrêté, dans certaines communes et sans préjudice des droits acquis, les distances en deçà desquelles des débits de boissons à consommer sur place des 2e, 3e et 4e catégories ne peuvent être établis à proximité de débits des mêmes catégories déjà existants. " et aux termes de l'article L. 3335-1 du code de la santé publique : " Le représentant de l'Etat dans le département peut prendre des arrêtés pour déterminer sans préjudice des droits acquis, les distances auxquelles les débits de boissons à consommer sur place ne peuvent être établis autour des édifices et établissements suivants dont l'énumération est limitative : 1° Edifices consacrés à un culte quelconque ; 2° Cimetières ; 3° Etablissements de santé, maisons de retraite et tous établissements publics ou privés de prévention, de cure et de soins comportant hospitalisation ainsi que les dispensaires départementaux ; 4° Etablissements d'instruction publique et établissements scolaires privés ainsi que tous établissements de formation ou de loisirs de la jeunesse ; 5° Stades, piscines, terrains de sport publics ou privés ; 6° Etablissements pénitentiaires ; 7° Casernes, camps, arsenaux et tous bâtiments occupés par le personnel des armées de terre, de mer et de l'air ; 8° Bâtiments affectés au fonctionnement des entreprises publiques de transport. (....) ".
12. Il résulte de ces dispositions que l'article R. 335-15 du code de la santé publique prévoit la mise en place d'un périmètre de protection autour des débits de boissons de mêmes catégories dans le but de limiter leur densité au sein d'une même zone, tandis que l'article L. 3335-1 du même code régit les périmètres de protection autour de certains établissements protégés qui sont précisément énumérés afin de protéger une population déterminée qui fréquente ces établissements. Ces dispositions portent ainsi sur des champs d'application différents et ont des objets différents. Par suite, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ces dispositions réglementaires ne contreviennent pas aux dispositions législatives précitées.
13. L'arrêté n° 20/2011 du 28 mars 2011, qui se fonde sur les dispositions du code de la santé publique précitées, établit un périmètre de protection autour des débits de boissons à consommer sur place implantés sur les communes d'Aix-en-Provence, Arles et Marseille, notamment compte tenu des " risques de troubles à l'ordre public qui résulteraient d'une concentration excessive des débits de boissons " dans ces communes. Ce périmètre a vocation à limiter les cas d'ouverture ou de transfert, pour les débits de boissons d'une même catégorie, dans une zone délimitée de cinquante mètres. Aux termes de ses articles 3 et 4, cet arrêté prévoit des dispositions dérogatoires dans les zones franches urbaines, pour pallier aux handicaps économiques et sociaux, et pour les hôtels, terrains de camping ou caravanage. En conséquence, cet arrêté ne peut être regardé comme imposant une interdiction générale et absolue, n'a pas un caractère excessif au regard du but poursuivi et ne porte pas atteinte au principe de la liberté du commerce et de l'industrie.
14. Il s'ensuit que la société d'exploitation de l'Hôtel Saint-Christophe est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, le tribunal administratif de Marseille, a déclaré non avenu le jugement du 15 juin 2015 et a rejeté sa requête.
Sur les frais liés au litige :
15. Il y a lieu de mettre à la charge de la SARL " La Voile " et de M. B...la somme de 1 500 euros, à verser à la société d'exploitation de l'Hôtel Saint-Christophe, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1505870 du 16 mai 2018 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : Les conclusions de première instance et d'appel de la SARL " La Voile " et de M. B... sont rejetées.
Article 3 : La Sarl " La Voile " et M. B...verseront la somme totale de 1 500 € à la société d'exploitation de l'Hôtel Saint Christophe au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société d'exploitation de l'Hôtel SaintChristophe, à la SARL " La Voile ", à M. A...B...et au préfet de police des Bouches-du-Rhône.
Copie en sera adressée à la commune d'Aix-en-Provence.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président-assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 mai 2019.
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N° 18MA02619