Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Coti-Chiavari a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 par laquelle l'assemblée de Corse a approuvé le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) et de mettre à la charge de la collectivité de Corse une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1600645 du 1er mars 2018, le tribunal administratif de Bastia a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 mars 2018 et 30 janvier 2019, la commune de Coti-Chiavari, représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 1er mars 2018 ;
2°) d'annuler la délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 par laquelle l'assemblée de Corse a approuvé le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) ;
3°) de mettre à la charge de la collectivité de Corse la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que le PADDUC impose un rapport de conformité et non de compatibilité ;
- des modifications ont eu lieu entre le projet soumis à enquête et le projet adopté ;
- la collectivité de Corse contraint irrégulièrement les communes de réaliser un document d'objectif agricole et sylvicole ;
- le PADDUC contient des précisions excessives qui instituent donc un rapport de conformité là où il devrait y avoir un rapport de compatibilité ;
- la collectivité de Corse a méconnu l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales ;
- l'échelle des cartes est trop grande ;
- le PADDUC instaure une obligation de conformité quantitative par commune en matière de préservation des espaces stratégiques agricoles.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2019, la collectivité de Corse, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Coti-Chiavari une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Coti-Chiavari ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que " Par un jugement du 1er mars 2018, n° 1600464, le tribunal administratif de Bastia a annulé " La délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 ... en tant qu'elle arrête la carte des espaces stratégiques agricoles ". Aucun autre document du padduc que les cartes des espaces stratégiques agricoles ne permet de délimiter les espaces stratégiques agricoles. La commune de Coti-Chiavari demande l'annulation totale de la délibération du 2 octobre 2015. Dans la mesure où le jugement n° 1600464 du 1er mars 2018 est devenu définitif, tout comme l'annulation qu'il prononce, les conclusions de la commune de Coti-Chiavari en tant qu'elles concernent la carte des espaces stratégiques agricoles sont devenues sans objet. ".
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marcovici,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- les observations de MeB..., représentant la commune de Coti-Chiavari, et celles de Me A..., représentant la collectivité de Corse.
Une note en délibéré présentée par MeA..., pour la collectivité de Corse, a été enregistrée le 7 mai 2019.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Coti-Chiavari relève appel du jugement du 1er mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande d'annulation de la délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 par laquelle l'assemblée de Corse a approuvé le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC).
Sur l'étendue du litige :
2. Par un jugement du 1er mars 2018, n° 1600464, le tribunal administratif de Bastia a annulé " La délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 ... en tant qu'elle arrête la carte des espaces stratégiques agricoles ". Aucun autre document du PADDUC ne permet de délimiter les espaces stratégiques agricoles que les cartes des espaces stratégiques agricoles. En effet, les critères figurant tant dans le règlement que dans les livrets, s'ils désignent les critères d'éligibilité aux ESA ne permettent pas de déterminer ou d'identifier lesdits espaces avec certitude. Ce jugement du 1er mars 2018 est devenu définitif, tout comme l'annulation qu'il prononce. Dans ces conditions, les conclusions de la commune de Coti-Chiavari tendant à l'annulation de la délibération du 2 octobre 2015 sont, dans cette mesure, devenues sans objet, en tant qu'elle arrête la carte des espaces stratégiques agricoles.
Sur la régularité du jugement :
3. Contrairement aux affirmations de la commune, le Tribunal a répondu, aux points 6 et 7 de son jugement, au moyen tiré de ce que le PADDUC exigerait un rapport de conformité et non de compatibilité avec les documents subséquents des autres collectivités territoriales ou établissements publics de coopération intercommunale.
En ce qui concerne la légalité externe :
4. L'ajout de la phrase " Ils sont régis par un principe général d'inconstructibilité " après la phrase " Les espaces stratégiques agricoles sont préservés " au livret IV " Orientations règlementaires " du PADDUC ne fait que préciser la préservation des espaces déjà prévus. Au demeurant, et comme l'a jugé le Tribunal, cet ajout résulte des observations n° 996 et n° 671 présentées au cours de l'enquête publique et il n'en modifie pas la portée. Le régime juridique des espaces stratégiques agricoles n'a donc pas été irrégulièrement modifié après l'enquête publique.
En ce qui concerne la légalité interne :
5. Aux termes du I de l'article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales : " (...) La destination générale des différentes parties du territoire de l'île fait l'objet d'une carte, dont l'échelle est déterminée par délibération de l'Assemblée de Corse dans le respect de la libre administration des communes et du principe de non-tutelle d'une collectivité sur une autre, et que précisent, le cas échéant, les documents cartographiques prévus à l'article L. 4424-10 et au II de l'article L. 4424-11 (...) ". Aux termes du II de l'article L. 4424-11 du même code : " Le plan d'aménagement et de développement durable de Corse peut, compte tenu du caractère stratégique au regard des enjeux de préservation ou de développement présentés par certains espaces géographiques limités, définir leur périmètre, fixer leur vocation et comporter des dispositions relatives à l'occupation du sol propres auxdits espaces, assorties, le cas échéant, de documents cartographiques dont l'objet et l'échelle sont déterminés par délibération de l'Assemblée de Corse. / En l'absence de schéma de cohérence territoriale, de plan local d'urbanisme, de schéma de secteur, de carte communale ou de document en tenant lieu, les dispositions du plan relatives à ces espaces sont opposables aux tiers dans le cadre des procédures de déclaration et de demande d'autorisation prévues au code de l'urbanisme ". Aux termes du I de l'article L. 4424-12 du même code : " Le plan d'aménagement et de développement durable peut, par une délibération particulière et motivée de l'Assemblée de Corse, fixer, pour l'application du premier alinéa de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, une liste complémentaire à la liste des espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et des milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques à préserver. Cette délibération tient lieu du décret prévu au premier alinéa du même article L. 146-6. Elle définit également leur localisation ". Ces dispositions habilitent la collectivité de Corse à définir une stratégie ainsi que des objectifs, des orientations et des principes d'aménagement au sein des différents espaces qu'elle définit. En particulier, le PADDUC peut préciser les modalités d'application des dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral. Ces dispositions confient, par ailleurs, à l'assemblée de Corse le soin de déterminer l'échelle de la carte de destination générale des différentes parties du territoire et la carte des espaces géographiques limités présentant un caractère stratégique au regard des enjeux de préservation et de développement.
6. En l'espèce, l'échelle de 1/100 000 choisie pour la carte de destination générale des différentes parties du territoire est suffisamment précise pour avoir une portée utile sans toutefois permettre une identification des différentes parcelles. En tout état de cause, il en va de même de l'échelle de 1/50 000 de la carte des espaces stratégiques agricoles dès lors que le mode de représentation graphique de ces espaces par aplats de couleur sans contour n'autorise pas une identification des parcelles. Le choix de ces échelles ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 4424-11 du code de l'urbanisme pas davantage d'ailleurs que le principe de libre administration des collectivités territoriales ou le principe d'interdiction de toute tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre. La déclinaison par commune des surfaces agricoles est indicative, comme le précise le schéma d'aménagement territorial page 66 et suivantes et ne méconnait donc pas non plus les principes précités.
7. Le règlement du PADDUC prévoit que " Le principe de compatibilité du PADDUC avec les documents d'urbanisme d'échelon inférieur s'appréciera en contrepartie de la réalisation d'une démarche pour 1'agriculture au travers de la réalisation d'initiatives prévues par un document d'objectif agricole et sylvicole prioritairement de dimension intercommunale ou micro-régionale qui intègre le continuum plaine-montagne ". Le PADDUC prévoit donc la réalisation d'un document agricole et sylvicole. Toutefois, ce document n'est à la charge ni des communes ni des établissements de coopération intercommunaux, et la réalisation des plans locaux d'urbanisme ne saurait être conditionnée par la réalisation de ce document. Au demeurant, le PADDUC n'exige pas sa réalisation de manière impérative, et obligatoirement préalable à la réalisation des documents locaux d'urbanisme. Dans ces conditions, la commune de Coti-Chiavari n'est pas fondée à soutenir que le PADDUC imposerait irrégulièrement aux communes de réaliser un document en dehors des prévisions du code de l'urbanisme.
8. La commune de Coti-Chiavari soutient que le PADDUC méconnaît le II de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, au motif que les espaces stratégiques agricoles ne présentent pas un caractère limité.
9. Aux termes du II de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales : " Le plan d'aménagement et de développement durable de Corse peut, compte tenu du caractère stratégique au regard des enjeux de préservation ou de développement présentés par certains espaces géographiques limités, définir leur périmètre, fixer leur vocation et comporter des dispositions relatives à l'occupation du sol propres auxdits espaces, assorties, le cas échéant, de documents cartographiques dont l'objet et l'échelle sont déterminés par délibération de l'Assemblée de Corse. / En l'absence de schéma de cohérence territoriale, de plan local d'urbanisme, de schéma de secteur, de carte communale ou de document en tenant lieu, les dispositions du plan relatives à ces espaces sont opposables aux tiers dans le cadre des procédures de déclaration et de demande d'autorisation prévues au code de l'urbanisme ".
10. Le PADDUC détermine la surface des espaces stratégiques agricoles à hauteur de 105 119 hectares, soit 12 % seulement du territoire de l'île. S'agissant de la commune de Coti-Chiavari, son territoire est couvert par des espaces stratégiques agricoles à hauteur de 13,2 %. Cette proportion fixée par le PADDUC ne peut être regardée comme excédant la notion de limite au sens des dispositions du II de l'article L. 4424-11 introduites pour certains espaces géographiques. Par suite, la commune de Coti-Chiavari n'est pas fondée à soutenir que les espaces stratégiques agricoles ne présentent pas un caractère limité.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Coti-Chiavari n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la commune de Coti-Chiavari tendant à l'annulation de la délibération du 2 octobre 2015 en tant qu'elle arrête la carte des espaces stratégiques agricoles.
Article 2 : Le surplus de la requête de la commune de Coti-Chiavari est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de la collectivité de Corse fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Coti-Chiavari et à la collectivité de Corse.
Copie en sera délivrée à la préfète de Corse-du-Sud.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 mai 2019.
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N° 18MA01215