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21/05/2019 | FRANCE | N°18MA04937

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 21 mai 2019, 18MA04937


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 16 avril 2018 par lequel le préfet du Gard a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant l'Etat de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1801524 du 17 juillet 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2018,

M. C..., représenté par

Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 16 avril 2018 par lequel le préfet du Gard a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant l'Etat de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1801524 du 17 juillet 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2018, M. C..., représenté par

Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté préfectoral ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer une carte de séjour temporaire et, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation avec délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable :

- le jugement est entaché d'erreurs de fait ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en violation des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par ordonnance du 26 février 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 13 mars 2019 à 12 heures.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2019, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 12 mars 2019, la clôture d'instruction a été reportée au 21 mars 2019 à 12 heures.

Par courrier du 1er avril 2019, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour est susceptible de substituer d'office à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le pouvoir général de régularisation du préfet.

Par un mémoire en réponse, enregistré le 5 avril 2019, le préfet du Gard maintient son rejet de la requête.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Jorda.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant marocain, fait appel du jugement du 17 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 16 avril 2018 du préfet du Gard refusant de faire droit à sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant l'Etat de destination de la mesure d'éloignement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, M. C... ne peut utilement se prévaloir des erreurs de fait que les premiers juges auraient commises sur sa présence en France.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord... ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié''... ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".

4. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Par suite, le préfet du Gard ne pouvait légalement rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée par M. C... en se fondant notamment sur la circonstance que ce dernier ne remplissait pas les conditions mentionnées par les dispositions de l'article L. 313-14 du code.

5. Pour autant, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié. Il appartient au juge de substituer à la base légale erronée de l'article L. 313-14 du code celle tirée du pouvoir, dont dispose le préfet, de régulariser ou non la situation d'un étranger, dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code.

6. En l'occurrence, le refus de titre attaqué trouve un fondement légal dans l'exercice par le préfet du pouvoir de régularisation discrétionnaire dont celui-ci dispose. Ce fondement légal peut être substitué au fondement erroné retenu.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a travaillé en qualité de saisonnier de janvier à juillet 2013 puis, jusqu'en 2017, de novembre à juillet de chaque année, sauf en 2016 jusqu'en juin et en 2017 de janvier à mars. Bien que M. C... ait déclaré ses revenus auprès de l'administration fiscale chaque année, qu'il dispose de son propre logement depuis le 1er décembre 2014, ou encore que son frère et sa soeur ainsi que leurs familles respectives résideraient en France, le préfet du Gard n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de régulariser sa situation.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Il appartient, en outre, au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., âgé de trente-six ans à la date de l'arrêté contesté, est célibataire et sans charge de famille. S'il peut être tenu pour établi qu'il est entré, pour la première fois, en France le 16 mars 2010 et qu'il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour dans le courant de cette année, les témoignages qu'il produit, au demeurant, non précisément circonstanciés, ne sauraient suffire à établir qu'il s'est maintenu continûment sur le territoire français depuis cette date alors que l'acte de mariage produit par le préfet, en première instance, en date du 1er septembre 2014, mentionne qu'il se trouvait alors à Meknés. S'il soutient que son frère et sa soeur résident en France, la production de diverses cartes nationales d'identité ou de titres de séjour, sans aucune justification, au demeurant, du lien familial qu'il entretient avec les personnes mentionnées sur ces documents, ne saurait suffire à établir la réalité, la stabilité et l'intensité des liens familiaux dont il cherche ainsi à se prévaloir. Enfin, les circonstances rappelées au point 6 selon lesquelles il a travaillé de manière saisonnière en France entre janvier 2013 et mars 2017, il y a déclaré ses revenus ou il dispose d'un logement ne suffisent pas à établir son intégration sur le territoire, alors qu'il a déjà fait l'objet d'un refus de titre assorti d'une mesure d'éloignement devenus définitifs. Les moyens tirés de ce que le préfet aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou aurait entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant doivent dès lors être écartés.

11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande en annulation de l'arrêté du 16 avril 2018. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il a présentées aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. En tout état de cause, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2019, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Jorda, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 mai 2019.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA04937
Date de la décision : 21/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Julien JORDA
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : RUIZ

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-05-21;18ma04937 ?
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