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21/05/2019 | FRANCE | N°18MA02413

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 21 mai 2019, 18MA02413


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les décisions de l'arrêté du 16 juin 2017 par lesquelles le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé l'Etat de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1708603 du 24 janvier 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour

:

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2018, M. C..., représenté par Me B..., demande à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les décisions de l'arrêté du 16 juin 2017 par lesquelles le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé l'Etat de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1708603 du 24 janvier 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2018, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 16 juin 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou, à défaut, " étudiant " et, à titre très subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation avec délivrance dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de

1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier pour avoir omis de répondre au moyen tiré de l'incompétence négative du préfet ;

- le refus de séjour est entaché d'une incompétence négative, n'a pas fait l'objet d'un examen particulier de sa situation et s'avère insuffisamment motivé ;

- la décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du 5 mai 2017 ;

- l'appréciation de l'administration traduit une violation directe de la loi et s'avère entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation à l'égard tant de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que de son pouvoir général de régularisation ;

- le préfet aurait dû renouveler son titre de séjour portant la mention " étudiant " ;

- la délivrance de plein droit d'un tel titre faisait obstacle à la mesure d'éloignement ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée le 12 juin 2018 au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Une mise en demeure a été adressée le 12 novembre 2018 au préfet des Bouches-du-Rhône, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 26 février 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 13 mars 2019 à 12 heures.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jorda,

- et les observations de Me B..., représentant M. C....

Une note en délibéré présentée par Me B..., pour M. C..., a été enregistrée le 7 mai 2019.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant marocain, fait appel du jugement du 24 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 16 juin 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône refusant de faire à droit à sa demande de changement de titre de séjour " étudiant " pour la mention " salarié ", lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant l'Etat de destination de la mesure d'éloignement.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté attaqué :

2. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 dudit code,

" sous réserve des conventions internationales ". L'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 stipule que " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié " (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : (...) / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Aux termes de l'article L. 5221-5 du code du travail : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2 ". Enfin, aux termes de l'article R. 5221-20 du même code : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; (...) ".

3. M. C... soulève, à l'encontre de la décision préfectorale de refus de titre de séjour attaquée, l'exception d'illégalité du refus d'autorisation de travail qui lui a été opposé le 5 mai 2017 par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), sur lequel le préfet des Bouches-du-Rhône s'est notamment fondé. Le requérant est recevable à soulever une telle exception d'illégalité dès lors que la décision de refus d'autorisation de travail qui fait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir pendant devant le tribunal administratif de Marseille sous le n° 1707539, n'est pas devenue définitive. M. C... fait, à cet égard, valoir que l'appréciation ainsi portée sur la situation de l'emploi dans la profession qu'il se propose d'exercer a été faussée par une erreur dans le classement de son activité qui relève, non pas, ainsi que le mentionne le refus d'autorisation de travail, d'un emploi de direction administrative et financière, classé M 1205 au code du répertoire opérationnel des métiers et des emplois, dit code Rome, accessible aux titulaires d'un master, mais d'un emploi d'adjoint de direction d'hôtel-restaurant, classée G 1401 au code Rome, accessible aux titulaires d'un bac+2. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du contrat de travail produit, que le requérant qui avait été précédemment employé en sa qualité de stagiaire, s'est vu proposer par l'hôtel Formule 1 de Gémenos un emploi d'adjoint de direction, à la suite du départ inopiné du titulaire du poste, dont les missions consistaient à superviser et coordonner l'activité des équipes (employés du hall, employés d'étage ...) de l'établissement hôtelier, de veiller à l'application des normes d'hygiène et de sécurité et d'effectuer le suivi commercial et financier de la structure, selon les objectifs définis par la direction et enfin, de participer à l'accueil et au service des clients. Ce poste était explicitement défini par référence au code Rome G1401, aux termes du contrat de travail. Dès lors, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a effectivement commis une erreur de fait sur la profession que M. C... entendait exercer, en lui opposant la situation qui prévaut pour les emplois de direction administrative et financière, identifiés sous le code Rome M 1205. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que la décision de refus de séjour prise à son encontre par le préfet des Bouches-du-Rhône, fondée sur un refus d'autorisation de travail ainsi erronée, est entachée d'illégalité.

4. Il résulte de ce qui précède, et alors qu'aucun des autres moyens invoqués ne serait également de nature à justifier l'annulation de l'arrêté attaqué, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en annulation de la décision de refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, des décisions contenues dans l'arrêté du 16 juin 2017 par lesquelles le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé l'Etat de destination de la mesure d'éloignement.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Les motifs qui s'attachent à l'annulation, par le présent arrêt, de l'arrêté du 16 juin 2017 par lequel le préfet a refusé à M. C... la délivrance d'un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ainsi que d'une décision fixant l'Etat de renvoi impliquent seulement que l'administration réexamine la situation du requérant. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la situation de M. C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

6. L'avocat du requérant, Me B..., demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés et non compris dans les dépens qu'il aurait réclamés à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à cette demande et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

D É C I D E

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1708603 du 24 janvier 2018 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 16 juin 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la situation de

M. C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au préfet des Bouches-du-Rhône, au ministre de l'intérieur et à Me B....

Délibéré après l'audience du 7 mai 2019, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Jorda, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 mai 2019.

N° 18MA02413 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA02413
Date de la décision : 21/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Julien JORDA
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : CARMIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-05-21;18ma02413 ?
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