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17/05/2019 | FRANCE | N°17MA03858

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 17 mai 2019, 17MA03858


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 20 juillet 2016 par laquelle la directrice territoriale Rhône Saône de l'établissement public Voies navigables de France a décidé de ne pas renouveler la convention d'occupation temporaire d'une parcelle de terrain riveraine du canal du " Petit Rhône " au débouché du bassin de Thau à Frontignan, sur laquelle est édifié un local à usage d'habitation et lui a demandé de libérer les lieux.

Par un jugement n

1604583 du 13 juillet 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 20 juillet 2016 par laquelle la directrice territoriale Rhône Saône de l'établissement public Voies navigables de France a décidé de ne pas renouveler la convention d'occupation temporaire d'une parcelle de terrain riveraine du canal du " Petit Rhône " au débouché du bassin de Thau à Frontignan, sur laquelle est édifié un local à usage d'habitation et lui a demandé de libérer les lieux.

Par un jugement n° 1604583 du 13 juillet 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 septembre 2017, M. E..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 20 juillet 2016 de la directrice territoriale Rhône Saône de l'établissement public Voies navigables de France ;

3°) de mettre à la charge Voies navigables de France la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité en se fondant sur des dispositions du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) de la commune alors que ce document n'a jamais été produit à l'instance par Voies navigables de France ;

- la convention en litige ne constituant pas une autorisation d'urbanisme, Voies navigables de France ne pouvait légalement lui opposer le classement en zone rouge du secteur en cause opéré par le PPRI pour refuser son renouvellement ;

- la dangerosité de la zone n'est pas établie dès lors que Voies navigables de France ne justifie pas du classement du secteur en zone rouge du plan de prévention des risques d'inondation, que le plan local d'urbanisme autorise les constructions dans cette zone et que la parcelle en cause n'a jamais été inondée au cours des soixante-dix dernières années ;

- la décision de refus est entachée d'une contradiction de motifs ;

- l'urbanisation de la zone en cause et notamment l'aménagement d'un parc d'activité économique d'intérêt régional dans cette zone n'est prévue qu'à long terme et ne s'opposait donc pas au renouvellement de l'autorisation pour une durée de cinq ans.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2018, l'établissement public Voies navigables de France, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. E... la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure ;

- le code des transports ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990 portant loi de finances pour 1991, et notamment son article 124 ;

- le décret n° 91-796 du 20 août 1991 relatif au domaine confié à Voies navigables de France par l'article 124 de la loi de finances pour 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me D... substituant Me F..., représentant Voies navigables de France.

Considérant ce qui suit :

1. L'établissement public Voies navigables de France, d'une part, et M. E..., d'autre part, ont conclu une convention autorisant ce dernier à occuper sur le domaine public fluvial, pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2014, un terrain de 286,40 mètres carrés situé au lieu-dit " Voie d'eau Petit Rhône " en rive droite du canal du Rhône à Sète au débouché du bassin de Thau sur le territoire de la commune de Frontignan en vue du maintien d'une habitation. Par un courrier du 20 juillet 2016, l'établissement public Voies navigables de France a informé l'intéressé que cette convention, arrivée à échéance le 31 décembre 2014, ne serait pas renouvelée et l'a invité à libérer le domaine public à une date à fixer ultérieurement. M. E... relève appel du jugement du 13 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le caractère contradictoire de la procédure fait en principe obstacle à ce que le juge se fonde sur des pièces qui n'auraient pas été produites au cours de l'instance et qui n'auraient pas été préalablement communiquées à chacune des parties. Toutefois, le tribunal administratif a pu, pour écarter le moyen tiré de ce que le refus de renouvellement de la convention en litige n'était pas justifié par des considérations d'intérêt général, régulièrement se fonder sur les prescriptions de l'arrêté préfectoral du 25 janvier 2012 approuvant le plan de prévention des risques inondation (PPRI) du bassin versant de l'étang de Thau - commune de Frontignan, alors même que cet arrêté n'avait pas été versé au dossier, dès lors qu'il s'agit d'un acte réglementaire dont il n'est pas contesté qu'il a été régulièrement publié dans les conditions prévues à l'article L. 562-4 du code de l'environnement et qu'il était consultable sur le site internet de la commune de Frontignan.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Il ressort des pièces du dossier que l'article 11 de la convention en litige excluait expressément toute possibilité de tacite reconduction, et stipulait que " l'occupant qui souhaite voir la présente convention renouvelée devra en faire la demande par écrit " trois mois avant la date d'expiration de la convention.

4. Si le juge du contrat est compétent pour connaître de la contestation par le titulaire d'un contrat administratif de la validité d'une décision refusant son renouvellement, c'est à la condition que cette décision fasse suite à une demande de renouvellement présentée par son titulaire en application de l'une de ses clauses. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus en litige ferait suite à une demande présentée par M. E... dans les conditions prévues par les stipulations de l'article 11 de la convention en litige. Par suite M. E... est recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision refusant ce renouvellement.

5. D'une part, s'il résulte des principes généraux de la domanialité publique que les titulaires d'autorisations ou de conventions d'occupation temporaire du domaine public n'ont pas de droit acquis au renouvellement de leur titre, il appartient au gestionnaire du domaine d'examiner chaque demande de renouvellement en appréciant les garanties qu'elle présente pour la meilleure utilisation possible du domaine public. Il peut décider, sous le contrôle du juge, de rejeter une telle demande pour un motif d'intérêt général.

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " I.- L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles (...) / II. - Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : / 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; (...) ".

7. Au nombre des plans de prévention des risques naturels prévisibles figurent les plans de prévention des risques d'inondation. Alors même qu'une demande d'autorisation d'occupation du domaine public ne constitue pas une demande d'autorisation d'urbanisme, il résulte des dispositions précitées que le plan de zonage d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, en tant qu'il fixe les limites des zones exposées aux risques notamment pour les vies humaines, est susceptible de fonder le refus d'une autorisation domaniale. Par suite, l'établissement public Voies navigables de France était légalement fondé à opposer à M. E... le zonage du plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Frontignan approuvé par arrêté préfectoral du 25 janvier 2012 et notamment la circonstance que la parcelle sur laquelle portait le refus de renouvellement de la convention en litige était située en zone dite rouge, c'est-à-dire de danger fort.

8. Il ressort du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) du bassin versant de l'étang de Thau - commune de Frontignan approuvé le 25 janvier 2012 et de sa carte de zonage réglementaire, accessibles aux parties sur le site internet de la commune, que la parcelle en cause, située au bord du canal du Rhône à Sète, en rive droite, est située en zone de danger RN correspondant selon l'article 2.1 du règlement du plan à un " secteur inondable soumis à un aléa fort où les enjeux sont peu importants (zone naturelle) ". Selon l'article 2.3 du règlement du PPRI : " L'aléa de référence pour le risque de submersion marine correspond à une tempête marine centennale dont la cote de P.H.E. est estimée à 2,00mA.... Cette valeur a été déterminée à partir de niveaux historiques atteints sur le littoral du Languedoc-Roussillon en tenant compte d'effets locaux comme la houle et de différents processus physiques conduisant à l'élévation du niveau marin lors des tempêtes. En ce qui concerne l'aléa de référence pour le risque de déferlement, la cote de P.H.E. a été fixé à 3,00 mA.... En complément de cette hauteur d'eau, d'autres critères tels que la morphologie de la zone soumise à l'impact des vagues ou des données historiques de tempêtes passées entrent en ligne de compte. Ainsi, la délimitation de la zone d'action mécanique du déferlement qui intègre des données morphologiques et historiques est menée au cas par cas. ".

9. Les circonstances invoquées tenant à ce que cette parcelle n'aurait pas été inondée au cours des soixante-dix dernières années et que le plan local d'urbanisme autoriserait certaines constructions dans cette zone, ne sont pas de nature, à elles seules, à établir qu'elle ne serait pas soumise à un risque de submersion en cas de nouvelle tempête marine centennale, une marge d'incertitude s'attachant nécessairement aux prévisions quant aux risques d'inondation qui résulteraient d'événements de grande ampleur, eu égard en particulier aux changements climatiques intervenus depuis lors. Dans ces conditions, en opposant un refus au renouvellement de la convention d'occupation du domaine public dont était titulaire l'intéressé afin d'y maintenir une maison à usage d'habitation, dans le but de ne pas aggraver le risque pour la sécurité des personnes, Voies navigables de France s'est fondé sur un motif d'intérêt général de nature à justifier légalement cette décision.

10. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser le renouvellement de la convention en litige, l'établissement Voies navigables de France s'est également fondé sur un second motif tiré de ce que la parcelle en cause était située par le plan local d'urbanisme dans une zone AUE2 destinée à accueillir un parc d'activité économique, circonstance qui selon l'établissement rendait inadaptables les constructions aux impératifs de sécurité liés au classement en zone rouge du PPRI. Si le bien-fondé d'un tel motif n'est nullement établi, il résulte de l'instruction que l'établissement public aurait pris la même décision s'il s'était fondé uniquement sur le premier motif tiré de la sécurité des personnes.

11. Il s'ensuit que le moyen tiré de la contradiction de motifs qui affecterait la décision en litige est, en tout état de cause, inopérant.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. E... sur son fondement soit mise à la charge de Voies navigables de France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... la somme que Voies navigables de France demande au titre des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Voies navigables de France présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E...et à l'établissement public Voies navigables de France.

Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et solidaire.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président-assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 17 mai 2019.

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N° 17MA03858

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA03858
Date de la décision : 17/05/2019
Type d'affaire : Administrative

Analyses

24-01-02-01 Domaine. Domaine public. Régime. Occupation.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : GARREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-05-17;17ma03858 ?
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