La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/04/2019 | FRANCE | N°16MA04686

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 26 avril 2019, 16MA04686


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E...a demandé au tribunal administratif de Nice, en premier lieu, d'annuler, d'une part, la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande indemnitaire du 10 mars 2014 en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis et, d'autre part, les tableaux d'avancement au grade de major de 2012 et 2013, en second lieu, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 86 098,66 euros, majorée des intérêts légaux avec capitalisation à compter de la date de présentation de

la demande préalable, en troisième lieu, de lui allouer, en réparation du p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E...a demandé au tribunal administratif de Nice, en premier lieu, d'annuler, d'une part, la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande indemnitaire du 10 mars 2014 en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis et, d'autre part, les tableaux d'avancement au grade de major de 2012 et 2013, en second lieu, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 86 098,66 euros, majorée des intérêts légaux avec capitalisation à compter de la date de présentation de la demande préalable, en troisième lieu, de lui allouer, en réparation du préjudice moral et pécuniaire, une indemnité équivalente à la durée de perte de chance de postuler à faire partie de la réserve volontaire, majorée des intérêts légaux avec capitalisation, en quatrième lieu, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui faire bénéficier de l'avancement de grade avec toutes les conséquences sur ses droits à pension et salaires.

Par un jugement n° 1403030 en date du 18 novembre 2016, le tribunal administratif de Nice a condamné l'Etat à verser à M. E... la somme de 25 000 euros assortie des intérêts au taux légal nés à compter du 10 mars 2014, date de la demande préalable, et de leur capitalisation à compter du 10 mars 2015, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 décembre 2016, M. E..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 18 novembre 2016 en tant qu'il n'a pas fait droit à la totalité de sa demande indemnitaire ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 73 638 euros majorée des intérêts légaux avec capitalisation à compter de la date de présentation de la demande préalable en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu aux moyens tirés d'une part de ce qu'il a été privé du dispositif de protection médicale et d'autre part de ce qu'il a été écarté de la possibilité d'intégrer la réserve civile de la police nationale ;

- l'illégalité fautive des notations de 2010 et 2011 a eu pour effet de l'exclure des tableaux d'avancement au grade de major de police au titre des années 2010 et 2011 mais également de ceux établis au titre des années 2012 et 2013 ;

- il a subi depuis 2005 des agissements constitutifs de harcèlement moral en raison de son état de santé et de son mandat syndical, matérialisés par des voies de fait, des dénigrements systématiques de ses capacités professionnelles, des baisses soudaines et réitérées de notations avec privation systématique du droit à l'avancement de grade ainsi que des discriminations ;

- le refus implicite de l'administration opposé à sa demande de protection fonctionnelle formée le 24 mars 2014 simultanément avec la demande d'indemnisation préalable est fautif ;

- le délai d'instruction de sa demande de maintien en activité et la notification tardive de la réponse favorable de l'administration sont constitutifs de harcèlement moral ;

- l'anomalie des agissements hiérarchiques à son encontre constitue un détournement de pouvoir et de procédure ;

- il a été victime de discrimination en matière de protection de la santé ;

- il a été écarté du dispositif de la réserve civile.

La requête a été transmise au ministre de l'intérieur qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale ;

- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;

- l'arrêté du 8 octobre 2009 instituant les commissions administratives paritaires compétentes à l'égard des fonctionnaires du corps d'encadrement et d'application de la police nationale ;

- l'arrêté du 15 janvier 2010 fixant le contenu et les modalités de l'examen des capacités professionnelles pour l'accès au grade de major de police ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., brigadier-chef affecté à la circonscription de sécurité publique de Cannes a contesté le 10 novembre 2010 devant la juridiction administrative les notations ainsi que les tableaux d'avancement établis au titre des exercices 2010 et 2011 et demandé à être indemnisé du préjudice qu'il estimait avoir subi à la suite de la discrimination et du harcèlement dont il aurait été victime. Par un jugement n° 1004416 du 4 avril 2012, le tribunal administratif de Nice a annulé la notation de M. E... établie au titre de l'année 2011 faute de l'entretien d'évaluation préalable obligatoire et rejeté le reste des conclusions de la requête. Par deux arrêts n° 12MA02071 du 4 février 2014 et n° 12MA02071 du 24 juin 2014, la cour de céans a annulé la notation établie le 13 octobre 2010 ainsi que les arrêtés portant établissement des tableaux d'avancement au grade de major de police en 2010 et 2011. M. E... a alors demandé au tribunal administratif de Nice la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 86 098,66 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Par un jugement du 18 novembre 2016, le tribunal administratif de Nice a prononcé la condamnation de l'Etat à verser à M. E... la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice moral dont il a été victime résultant de la discrimination en 2010 liée tant à son activité syndicale qu'à son état de santé, et de ce que la situation professionnelle de l'intéressé n'avait pas été examinée ni même évoquée lors de la commission administrative paritaire interdépartementale du 29 avril 2010. M. E... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à la totalité de sa demande indemnitaire.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué, que le tribunal a répondu, en particulier aux points 5 et 8, aux moyens tirés respectivement de ce que M. E... aurait été privé du dispositif de protection médicale et de la possibilité d'intégrer la réserve civile de la police nationale. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier au motif qu'il serait entaché d'une omission à statuer sur ces points.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la discrimination résultant des notations de 2010 et 2011 :

3. Les notations prises en considération par la commission administrative paritaire interdépartementale en vue de la confection du tableau d'avancement au grade de major sont celles obtenues les trois dernières années d'exercice des fonctions soit, au titre de 2012, celles de 2009, 2010 et 2011 et au titre de l'année 2013, celles de 2010, 2011 et 2012.

4. D'une part, il résulte de l'instruction, que le tribunal administratif de Nice a annulé la notation de M. E... établie au titre de l'année 2011 faute de l'entretien d'évaluation préalable obligatoire. Au regard de la faute ainsi commise par l'administration, le requérant ne peut utilement rechercher à engager sa responsabilité à raison de son exclusion du tableau d'avancement de grade établis en 2012 et 2013, laquelle ne peut être regardée comme étant en lien direct avec cette illégalité procédurale.

5. D'autre part, il résulte également de l'instruction, que la cour de céans a annulé la notation établie au titre de l'année de 2010 au motif tiré d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la baisse de l'évaluation de l'intéressé a été motivée, d'une part, par son activité syndicale, laquelle implique des absences et, d'autre part, par la circonstance que, depuis un accident de service survenu en 2005, M. E... est inapte à exercer des fonctions sur la voie publique. Si cette évaluation révèle ainsi une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration, elle ne peut toutefois être regardée comme étant en lien direct avec le refus de son inscription sur le tableau d'avancement de grade établi au titre des années 2012 et 2013, le requérant ne produisant au dossier ni les notes et appréciations de 2012, ni les compte rendus de la tenue des commissions administratives paritaires interdépartementales de 2012 et 2013, ni les justificatifs des mérites professionnels des agents promus, permettant d'apprécier globalement la situation de l'intéressé au regard de sa valeur professionnelle et par conséquent de son ordre de mérite.

6. Si le requérant soutient également que l'annulation juridictionnelle des notations de 2010 et 2011 ainsi que des tableaux d'avancement de grade révèlerait l'anormalité des agissements hiérarchiques à son encontre, il n'établit pas que l'administration aurait utilisé ses pouvoirs à des fins autres que celles pour lesquelles ils lui ont été confiés.

En ce qui concerne le harcèlement moral et discriminatoire :

7. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ".

8. D'une part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser l'existence de tels agissements. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au regard de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte de l'ensemble des faits qui lui sont soumis.

9. Si le requérant soutient que depuis 2005, date de son accident de trajet, il a subi des agissements constitutifs de harcèlement moral, en raison de son état de santé et de son mandat syndical, il ne précise aucun élément de fait susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

En ce qui concerne le refus de protection fonctionnelle :

10. Compte tenu de ce qui précède, en l'absence de toute présomption d'agissements constitutifs de harcèlement moral, M. E... ne peut valablement alléguer que l'administration aurait commis une faute résultant du refus de lui accorder la protection fonctionnelle.

En ce qui concerne le délai d'instruction de sa demande de maintien en activité et la notification tardive de la réponse favorable de l'administration :

11. La seule circonstance, à la supposer établie, que l'administration aurait tardé à instruire sa demande de maintien en position d'activité et n'aurait pas notifié l'arrêté de maintien trois mois au moins avant la date à laquelle il a atteint la limite d'âge applicable à son grade, ne caractérise pas un comportement fautif de l'administration. En tout état de cause, le requérant ne justifie en l'espèce, d'aucun préjudice.

En ce qui concerne la discrimination en matière de protection de la santé :

12. Aux termes de l'article 2-1 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique : " Les chefs de service sont chargés, dans la limite de leurs attributions et dans le cadre des délégations qui leur sont consenties, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. ".

13. Si le requérant soutient avoir été privé d'une visite médicale renforcée relative à son handicap durant deux ans et demi ainsi que d'une protection médicale alors qu'il avait dénoncé les agissements de harcèlement moral dont il estime avoir été victime, il n'apporte aucun élément permettant d'apprécier le bien-fondé de son allégation.

En ce qui concerne le refus de l'administration de l'intégrer au sein de la réserve civile de la police nationale :

14. Si le requérant soutient que l'administration l'a sciemment écarté du dispositif de la réserve civile de la police nationale dès lors qu'elle n'a effectué aucune des diligences prévues par la circulaire du 16 juin 2004 relative à la mise en oeuvre de la réserve civile de la police nationale, il ne produit aucune pièce permettant d'apprécier le bien-fondé de son argumentation.

15. Il résulte de tout ce qui précède que, dans les circonstances de l'espèce, l'ensemble des éléments de fait dénoncés par M. E... ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements fautifs.

16. Dans ces conditions, en l'absence de faute commise par l'Etat, de nature à engager sa responsabilité, M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus de sa demande indemnitaire en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. E... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : la requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2019, où siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222 - 26 du code de justice administrative,

- Mme D..., première conseillère,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 avril 2019.

2

N° 16MA04686

ia


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA04686
Date de la décision : 26/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-06-02-01-01 Fonctionnaires et agents publics. Notation et avancement. Avancement. Avancement de grade. Tableaux d'avancement.


Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : GYUCHA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-04-26;16ma04686 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award