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23/04/2019 | FRANCE | N°18MA02185

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 23 avril 2019, 18MA02185


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler le courrier du 3 mars 2014 du commissaire en chef commandant le centre expert des ressources humaines et de la solde, le titre de perception émis à son encontre le 27 mars 2014, la décision implicite par laquelle le ministre de la défense a rejeté son recours gracieux présenté le 10 avril 2014, la mise en demeure du 10 juin 2014 ainsi que la décision du directeur du service exécutant de la solde unique du commissariat des armées du 25 j

uin 2015 rejetant son recours du 7 août 2014.

Par un jugement n° 1501946...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler le courrier du 3 mars 2014 du commissaire en chef commandant le centre expert des ressources humaines et de la solde, le titre de perception émis à son encontre le 27 mars 2014, la décision implicite par laquelle le ministre de la défense a rejeté son recours gracieux présenté le 10 avril 2014, la mise en demeure du 10 juin 2014 ainsi que la décision du directeur du service exécutant de la solde unique du commissariat des armées du 25 juin 2015 rejetant son recours du 7 août 2014.

Par un jugement n° 1501946, 1503043 du 12 mars 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mai 2018, M. A... représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 12 mars 2018 ;

2°) d'annuler le courrier du 3 mars 2014 du commissaire en chef commandant le centre expert des ressources humaines et de la solde, le titre de perception émis à son encontre le 27 mars 2014 ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre de la défense a rejeté son recours gracieux présenté le 10 avril 2014 ;

3°) d'annuler la mise en demeure du 10 juin 2014 ;

4°) d'annuler la décision du directeur du service exécutant de la solde unique du commissariat des armées du 25 juin 2015 rejetant son recours du 7 août 2014 ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

* en ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision du 3 mars 2014 et la décision implicite rejetant son recours gracieux présenté le 10 avril 2014, elles étaient recevables puisqu'il ne disposait plus de la qualité de militaire depuis le 6 mars 2012 à la suite de sa radiation des contrôles de l'armée active ; en tout état de cause, en application de l'article 20 de la loi du 12 avril 2000, il appartenait au ministre de la défense de transmettre à la commission des recours des militaires son recours gracieux du 10 avril 2014 ;

* ces décisions méconnaissent l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, celle du 3 mars 2014 ne permettant pas de connaître les nom, prénom et qualité de la personne ayant traité son dossier ;

* elles méconnaissent également l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

* elles ne sont pas fondées, la réalité du trop-perçu n'étant pas établie ;

* elles procèdent illégalement au retrait de décisions créatrices de droit ;

* la créance relative à l'indemnité de départ est prescrite, ayant été perçue le 5 mars 2012 alors que la lettre lui réclamant cette somme n'a été reçue que le 13 mars 2014 ;

* en ce qui concerne les conclusions dirigées contre le titre de perception, elles étaient recevables au regard de la procédure organisée par le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 puisque ce titre était joint à son recours gracieux du 10 avril 2014 et qu'en application de l'article 20 de la loi du 12 avril 2000, il appartenait au ministre de la défense de transmettre ce recours au comptable ; en outre, il a contesté auprès de la direction départementale des finances publiques du Var la mise en demeure qui lui a été adressée le 10 juin 2014 ;

* le titre de perception du 27 mars 2014, la mise en demeure du 10 juin 2014 et la décision du 25 juin 2015 rejetant son recours sont illégales, par voie de conséquence de l'illégalité de la décision du 3 mars 2014 ;

* s'agissant de la décision du 25 juin 2015, la compétence de son signataire n'est pas établie ;

* elle méconnaît l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, ne permettant pas de connaître les nom, prénom et qualité de la personne ayant traité son dossier ;

* elles n'est pas fondée, la réalité du trop-perçu n'étant pas établie ;

* elle procède illégalement au retrait de décisions créatrices de droit ;

* la créance relative à l'indemnité de départ est prescrite, ayant été perçue le 5 mars 2012 alors que la lettre lui réclamant cette somme n'a été reçue que le 13 mars 2014 ;

Par un mémoire, enregistré le 27 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... relèvent de la compétence de l'ordonnateur ; la réclamation adressée par M. A... au comptable public a été reçue le 7 août 2014.

Par lettre du 22 novembre 2018, la Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre la " décision " du 3 mars 2014 dès lors que la lettre par laquelle l'administration informe un militaire qu'il doit rembourser une somme indûment payée et qu'en l'absence de paiement spontané de sa part, un titre de perception lui sera notifié, est une mesure préparatoire de ce titre, qui n'est pas susceptible de recours.

Par un mémoire, enregistré le 13 décembre 2018, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

* la requête est irrecevable dès lors qu'elle se borne à reproduire les écritures de première instance ;

* les conclusions dirigées contre la lettre du 3 mars 2014 sont irrecevables ;

* les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés

Par ordonnance du 15 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 5 février 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

* la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

* le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

* le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

* le rapport de Mme Tahiri,

* et les conclusions de M. Coutel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., sergent dans l'armée de terre radié des contrôles de l'armée le 6 mars 2012 après avoir bénéficié d'une indemnité de départ volontaire, a été informé par courrier du 3 mars 2014, d'un trop-perçu de rémunération d'un montant de 29 337,91 euros versé au cours de la période courant de mars à juin 2012. Un titre de perception a été émis le 27 mars 2014 en vue du recouvrement de cette somme. M. A... a présenté le 10 avril 2014 auprès du commissaire en chef commandant le centre expert des ressources humaines et de la solde un recours gracieux le 10 avril 2014, rejeté implicitement. Une mise en demeure de payer lui a été adressée le 10 juin 2014. Le 25 juin 2015, le directeur du service exécutant de la solde unique a rejeté la réclamation formée le 7 août 2014 par le conseil de M. A... à l'encontre du titre de perception. M. A... fait appel du jugement du 12 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes d'annulation formulées à l'encontre de l'ensemble des actes précédemment mentionnés.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la lettre du 3 mars 2014 et contre la décision implicite rejetant le recours gracieux formé par M. A... le 10 avril 2014 à l'encontre de cette lettre :

2. La lettre par laquelle l'administration informe un militaire qu'il doit rembourser une somme indûment payée et qu'en l'absence de paiement spontané de sa part, un titre de perception lui sera notifié, est une mesure préparatoire de ce titre, qui n'est pas susceptible de recours.

3. Il ressort des pièces du dossier que la lettre du 3 mars 2014 du commissaire en chef commandant le centre expert des ressources humaines et de la solde informait M. A... qu'il avait bénéficié d'un trop perçu de rémunération au cours de l'année 2012, pour un montant de 29 337,91 euros, et que la direction régionale ou départementale des finances publiques la plus proche de son domicile, compétente pour procéder au recouvrement de ce trop perçu, allait émettre à son encontre un " ordre de recouvrement " adressé à son domicile. Aussi, et en dépit des mentions portées sur cette lettre qui invitent le militaire à former un recours préalable devant la commission de recours des militaires avant tout recours contentieux, elle est insusceptible de recours. Il en va de même, par voie de conséquence, de la décision implicite de rejet du recours que M. A... a formé à l'encontre de cette lettre.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre le titre de perception émis le 27 mars 2014 :

4. D'une part, aux termes de l'article 117 du décret du 7 novembre 2012 susvisé : " Les titres de perception émis en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales peuvent faire l'objet de la part des redevables : 1° Soit d'une opposition à l'exécution en cas de contestation de l'existence de la créance, de son montant ou de son exigibilité ; /

2° Soit d'une opposition à poursuites en cas de contestation de la régularité de la forme d'un acte de poursuite. / L'opposition à l'exécution et l'opposition à poursuites ont pour effet de suspendre le recouvrement de la créance. ". Aux termes de l'article 118 de ce même décret : " Avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser une réclamation appuyée de toutes justifications utiles au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer. / La réclamation doit être déposée, sous peine de nullité : 1° En cas d'opposition à l'exécution d'un titre de perception, dans les deux mois qui suivent la notification de ce titre ou du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause ; / 2° En cas d'opposition à poursuites, dans les deux mois qui suivent la notification de l'acte de poursuite. / L'autorité compétente délivre un reçu de la réclamation, précisant la date de réception de cette réclamation. Elle statue dans un délai de six mois dans le cas prévu au 1° et dans un délai de deux mois dans le cas prévu au 2°. À défaut d'une décision notifiée dans ces délais, la réclamation est considérée comme rejetée. ". Enfin l'article 119 dudit décret dispose que : " Le débiteur peut saisir la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision prise sur sa réclamation ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration des délais prévus à l'article 118. ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 20 la loi du 12 avril 2000 susvisée : " Lorsqu'une demande est adressée à une autorité administrative incompétente, cette dernière la transmet à l'autorité administrative compétente et en avise l'intéressé (...) ". L'article 18 de la même loi précise que les dispositions de l'article 20 " (...) ne s'appliquent pas aux relations entre les autorités administratives et leurs agents ".

6. Le titre de perception émis le 27 mars 2014 mentionne expressément les voies et délais de recours ouverts à son encontre et comporte à ce titre notamment la reproduction des articles 117 et 118 précités du décret du 7 novembre 2012 en ce qui concerne l'obligation de présenter une réclamation préalable devant l'agent comptable dans le délai de deux mois qui suit la notification du titre. Si M. A... se prévaut de la lettre adressée au commissaire en chef commandant le centre expert des ressources humaines et de la solde le 10 avril 2014, dans laquelle il sollicite des explications sur le montant des sommes réclamées ainsi qu'un échelonnement du remboursement des sommes éventuellement dues, ce courrier ne saurait être regardé comme la réclamation préalable obligatoire prévue par les dispositions citées dès lors qu'il n'a pas été adressé au comptable chargé du recouvrement et que son destinataire, le chef commandant le centre expert des ressources humaines et de la solde, n'était pas tenu de le transmettre à l'autorité compétente, les dispositions précitées de l'article 20 de la loi du 12 avril 2000 n'étant pas applicable à un litige intéressant les relations entre les administrations et leurs agents à l'instar du présent litige, relatif à un trop-perçu de rémunération versé à M. A... en tant que militaire et alors même que l'intéressé avait perdu cette qualité lors de la présentation de son recours gracieux. Si M. A... a adressé le 7 août 2014 une réclamation au comptable chargé du recouvrement, elle a été formée plus de deux mois après le 10 avril 2014, date à laquelle il est établi que M. A... avait connaissance du titre de perception en litige puisqu'il en avait joint une copie à son courrier adressé au commissaire en chef commandant le centre expert des ressources humaines et de la solde. Cette réclamation étant tardive, les conclusions dirigées contre le titre émis le 27 mars 2014 étaient irrecevables.

En ce qui concerne la mise en demeure de payer du 10 juin 2014 et la décision du 25 juin 2015 rejetant le recours gracieux formé contre cette mise en demeure :

7. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale.

8. La mise en demeure du 10 juin 2014 n'a pas été prise pour l'application de la lettre du 3 mars 2014 et cette dernière ne constitue pas non plus la base légale de la décision contestée. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ce courrier doit être écarté.

9. En tout état de cause, il résulte de ce qui vient d'être dit au point 6 que le bien-fondé de la créance réclamée ne pouvait plus être discuté après l'expiration des délais de recours. Par suite, la contestation du bien-fondé de la créance dont le paiement était recherché par la mise en demeure du 10 juin 2014 est tardive et, dès lors, irrecevable. Dans ces conditions, les conclusions dirigées par M. A... contre la décision du 25 juin 2015 doivent être regardées comme dirigées contre une décision purement confirmative de la mise en demeure du 10 juin 2014, insusceptible de lui faire grief.

10. Il en résulte que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la ministre des armées, au ministre de l'action et des comptes publics et au directeur départemental des finances publiques du Var.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2019, où siégeaient :

* M. Gonzales, président,

* M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

* Mme Tahiri, premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 avril 2019.

N° 18MA02185 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA02185
Date de la décision : 23/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

08-01-01-06 Armées et défense. Personnels militaires et civils de la défense. Questions communes à l'ensemble des personnels militaires. Soldes et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Samira TAHIRI
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : CARLHIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-04-23;18ma02185 ?
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