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11/04/2019 | FRANCE | N°18MA00746

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 11 avril 2019, 18MA00746


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...B..., en son nom propre et en sa qualité de représentant légal de ses trois enfants mineurs, D..., C...etA..., a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 889 734 euros en réparation des préjudices résultant de l'infection nosocomiale dont il a été victime.

La caisse prim

aire centrale d'assurance maladie (CPCAM) des Bouches-du-Rhône a demandé au tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...B..., en son nom propre et en sa qualité de représentant légal de ses trois enfants mineurs, D..., C...etA..., a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 889 734 euros en réparation des préjudices résultant de l'infection nosocomiale dont il a été victime.

La caisse primaire centrale d'assurance maladie (CPCAM) des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal de mettre à la charge solidaire de l'AP-HM et de l'ONIAM le versement de la somme de 1 407 298,85 euros au titre des débours et de la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1510099 du 18 décembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a mis à la charge de l'ONIAM le versement à M. B... d'une somme de 97 207 euros et d'une rente trimestrielle d'un montant de 754 euros à compter du 1er janvier 2018, et à ses trois enfants d'une somme de 6 000 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2018, l'ONIAM, représenté par la SCP UGGC Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 décembre 2017 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. B...et la CPCAM des Bouches-du-Rhône devant le tribunal administratif de Marseille.

Il soutient que :

- les conditions de mise en jeu de la solidarité nationale ne sont pas réunies ;

- le greffon était infecté avant l'intervention de la transplantation par le liquide de conservation ;

- le régime d'indemnisation en matière d'infection nosocomiale ne s'applique pas en matière de transplantation de greffons infectés ;

- le dommage ne revêt pas un caractère anormal au sens de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique ;

- l'AP-HM est responsable de l'ensemble des conséquences dommageables en raison du défaut du greffon et du retard dans la mise en place d'un traitement antifongique ;

- la responsabilité sans faute du centre hospitalier d'Avignon en sa qualité de producteur ou de fournisseur du produit défectueux est engagée ;

- la responsabilité pour faute du centre hospitalier d'Avignon en sa qualité d'établissement préleveur est engagée ;

- à défaut, sa propre responsabilité ne peut pas être engagée in solidum avec celle de l'AP-HM.

Par des mémoires, enregistrés le 15 octobre 2018 et le 12 janvier 2019, M. B..., en son nom propre et en sa qualité de représentant légal de C...et A...B..., et M. D... B..., représentés par MeH..., demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident,

- de réformer le jugement du 18 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a limité aux sommes de 97 207 et 6 000 euros l'indemnité mise à la charge de l'ONIAM en réparation des préjudices subis respectivement par M. B...et par ses enfants ;

- de porter à la somme de 412 144 euros le montant de l'indemnité due à M. B... et à la somme de 10 000 euros chacun celles dues àD..., C...et A...B...assorties des intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2015 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 12 décembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le taux d'incapacité permanente de M. B...induit par l'infection nosocomiale étant supérieur à 25 %, l'ONIAM est tenu d'assurer la réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale ;

- l'indemnisation par l'ONIAM n'a pas un caractère subsidiaire par rapport à la responsabilité de l'AP-HM ;

- la décision du Conseil d'Etat du 30 juin 2017 considère que l'infection nosocomiale a été contractée au cours ou au décours de la transplantation sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur le point de savoir si le greffon ou le liquide de conservation était infecté ;

- la responsabilité de l'AP-HM est engagée pour retard fautif dans le traitement de l'information reçue de l'Agence de Biomédecine et dans l'administration d'un traitement antifongique ;

- le greffon n'étant pas un produit de santé, il n'y a pas lieu de rechercher la responsabilité sans faute du centre hospitalier d'Avignon ;

- le patient a subi une seconde greffe le 1er janvier 2016 et ne suit plus de séances de dialyse ;

- les sommes allouées au titre des préjudices subis sont insuffisantes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2018, l'AP-HM et le centre hospitalier d'Avignon, représentés par MeE..., concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que :

- les conditions de mise en jeu de la solidarité nationale sont remplies dès lors que le taux de l'incapacité permanente partielle de M. B... imputable à l'infection nosocomiale est supérieur à 25 % ;

- l'ONIAM, qui ne présente pas de conclusion à l'encontre de l'AP-HM ou du centre hospitalier d'Avignon, n'est pas fondé à invoquer la responsabilité pour faute des établissements de soins ;

- le régime de responsabilité sans faute n'est pas applicable aux produits issus du corps humain dès lors qu'ils ne constituent pas des produits de santé ;

- aucun retard fautif dans l'administration d'un traitement antifongique ne peut être imputé à l'AP-HM ;

- le moyen tiré de la responsabilité pour faute du centre hospitalier d'Avignon en qualité d'établissement préleveur n'est pas assorti de précision suffisante.

Par ordonnance du 20 décembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 25 janvier 2019.

Un mémoire présenté pour MM. B...a été enregistré le 14 mars 2019.

La requête a été communiquée à la CPCAM des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la Cour a désigné Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de MeH..., représentant MM.B..., etG..., représentant l'AP-HM, la SHAM et le centre hospitalier d'Avignon.

Considérant ce qui suit :

1. M. F...B...a bénéficié le 21 novembre 2012 d'une transplantation du rein droit à l'hôpital de la Conception à Marseille dépendant de l'AP-HM. Le tribunal administratif de Marseille a mis à la charge de l'ONIAM le versement à M. B...d'une somme de 97 207 euros et d'une rente trimestrielle d'un montant de 754 euros à compter du 1er janvier 2018, et à ses trois enfants d'une somme de 6 000 euros. L'ONIAM relève appel de ce jugement dont il demande l'annulation. M. F...B..., agissant en son nom propre et en celui de ses deux enfants mineurs, et M. D...B...demandent par la voie de l'appel incident l'augmentation du montant de l'indemnité. L'AP-HM conclut au rejet de la requête.

2. Doit être regardée comme présentant un caractère nosocomial au sens du second alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.

3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du collège d'experts désigné par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, que les graves complications dont le patient a été victime à la suite de la transplantation, et qui ont nécessité l'explantation du rein, ont été causées par la contamination du greffon par un germe infectieux qui soit était déjà présent dans l'organisme du donneur avant le prélèvement, soit s'est développé, en raison d'un défaut d'asepsie, dans le liquide de conservation de l'organe prélevé. L'infection dont M. B...a été victime présente ainsi un caractère nosocomial.

4. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que depuis le dépôt du rapport d'expertise, M. B...a bénéficié avec succès d'une transplantation rénale le 1er janvier 2016. Cette nouvelle intervention chirurgicale est de nature à remettre en cause la date de consolidation de l'état de santé du patient fixé par le collège d'expert au 29 octobre 2013 ainsi que le taux du déficit fonctionnel permanent évalué par ce même collège à 30 %. L'état du dossier ne permet à la Cour ni de déterminer la date de consolidation de l'état de santé de M. B...ni d'évaluer les préjudices subis pendant la période[0] allant du 21 novembre 2012 au 1er janvier 2016 et ceux subsistant après la seconde transplantation qui seraient en lien avec l'infection nosocomiale. Par suite, il y a lieu, avant de statuer sur la requête de l'ONIAM, d'ordonner une expertise sur ces points dans les conditions précisées dans le dispositif du présent arrêt.

D É C I D E :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de l'ONIAM, procédé à une expertise médicale contradictoire avec les consortsB..., l'AP-HM et la caisse primaire centrale maladie des Bouches-du-Rhône, avec mission pour l'expert de :

1°) se faire communiquer tous documents relatifs à l'état de santé de M. B...et, notamment, tous documents relatifs au suivi médical, aux actes de soins et aux diagnostics pratiqués sur lui depuis le dépôt du précédent rapport ; convoquer et entendre les parties et tous sachants ; procéder à l'examen sur pièces du dossier médical de M. B...ainsi qu'éventuellement à son examen clinique ;

2°) donner un avis motivé sur le point de savoir si M. B...a conservé des séquelles de l'infection nosocomiale après la deuxième transplantation ;

3°) décrire l'ensemble des préjudices pouvant être regardés comme directement et exclusivement imputables à l'infection nosocomiale, à l'exclusion, d'une part, de ceux résultant de l'état antérieur à la première intervention et notamment de la pathologie rénale, et, d'autre part, de ceux ayant une cause extérieure ;

4°) dire si l'état de santé de M. B...a entraîné, entre le 21 novembre 2012 et le 1er janvier 2016, puis après, en particulier un déficit fonctionnel temporaire et en préciser les dates de début et de fin, ainsi que le ou les taux ;

5°) indiquer à quelle date l'état de M. B...peut être considéré comme consolidé ; préciser s'il subsiste une incapacité permanente partielle, après avoir pris en compte la capacité avant la première intervention, celle qui aurait dû être récupérée du fait de cette intervention en l'absence d'infection et celle qui a été récupérée à la suite de la seconde intervention, et, dans l'affirmative, en fixer le taux, en distinguant la part imputable aux conséquence de l'infection de celle ayant pour origine toute autre cause ou pathologie, eu égard notamment à l'état préexistant et aux antécédents médicaux de l'intéressé ;

6°) dire si l'état de M. B...est susceptible de modification en amélioration ou en aggravation ; dans l'affirmative, fournir toutes les précisions utiles sur cette évolution, sur son degré de probabilité et dans le cas où un nouvel examen serait nécessaire, en mentionner le délai ;

7°) préciser si l'état de santé de M. B...a justifié une assistance par une tierce personne et de préciser les dates de début et de fin de cette aide ainsi que sa nature et son importance en nombre d'heures par semaine ou par jour ;

8°) dire si l'état de santé de M. B...a entraîné des répercussions sur la vie professionnelle de l'intéressé et en préciser la nature et l'importance ;

9°) donner tous éléments utiles permettant d'évaluer les autres postes de préjudices tels que les souffrances endurées, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément et le préjudice d'impréparation ;

10°) de fournir toutes précisions complémentaires que l'expert jugera utile à la solution du litige et de nature à permettre d'apprécier l'étendue du préjudice.

Article 2 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la Cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par la présidente de la Cour dans sa décision le désignant.

Article 3 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 4 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à M. F...B..., à M. D...B..., à l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, au centre hospitalier d'Avignon, à la SHAM et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2019 où siégeaient :

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère,

- M. Merenne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 avril 2019.

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N° 18MA00746

kp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA00746
Date de la décision : 11/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Instruction - Moyens d'investigation - Expertise - Recours à l'expertise.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : Mme JORDA-LECROQ
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : SCP UGGC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-04-11;18ma00746 ?
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