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11/04/2019 | FRANCE | N°17MA04558

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 11 avril 2019, 17MA04558


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Société Nouvelle Le Flash a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droit et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 et de l'amende mise à sa charge en application de l'art

icle 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1402937 du 6 octobre 2017, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Société Nouvelle Le Flash a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droit et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 et de l'amende mise à sa charge en application de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1402937 du 6 octobre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 novembre 2017, la SARL Société Nouvelle Le Flash, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ou de réformer ce jugement du 6 octobre 2017 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharge demandée, en droits et pénalités, ou, à défaut, la réduction des compléments d'imposition auxquels elle a été assujettie ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en s'abstenant d'utiliser les moyens à sa disposition pour rencontrer les anciens gérants de la société et connaître les précédentes conditions d'exploitation du bar, l'administration a méconnu son devoir d'information, de loyauté, le principe de confiance légitime et méconnu les articles 8 et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH) ;

- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est radicalement viciée, dès lors que les conditions d'exploitation du bar ont été modifiées à l'occasion du changement de gérance, avec l'utilisation d'une caisse enregistreuse, d'une main-d'oeuvre salariale et la mise en place de doseurs, éléments de nature à diminuer les pertes en tous genres et le volume des prélèvements du personnel ;

- cette méthode est également viciée dans la mesure où elle n'est pas fondée sur les données propres de chacun des exercices vérifiés, le vérificateur ayant appliqué les tarifs constatés en 2012 aux exercices antérieurs, alors que ces tarifs ont évolué sur la période ;

- l'administration n'apporte pas la preuve du caractère délibéré des manquements justifiant l'application de la pénalité de 40 %.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

La SARL Société Nouvelle Le Flash a produit un nouveau mémoire le 9 mai 2018, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Paix, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de Mme Mosser, présidente de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon,

- et les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Société Nouvelle Le Flash a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration a procédé à des rectifications de ses bases imposables à l'impôt sur les sociétés, au titre des exercices clos en 2009 et 2010 et à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, assorties de pénalités. Elle relève appel du jugement du 6 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a refusé de prononcer la décharge des compléments d'imposition auxquels elle a ainsi été assujettie.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " I. - Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. ". Aux termes de l'article L. 47 de ce même livre : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. ".

3. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au vérificateur d'engager un débat avec les anciens représentants légaux d'une société faisant l'objet d'une vérification, même s'ils ont occupé cette fonction au cours de la période vérifiée. Par suite, il appartenait seulement au vérificateur de prendre contact officiellement avec la SARL Société Nouvelle Le Flash, en tant que personne morale, par l'intermédiaire de son représentant légal à la date de l'engagement de la vérification de comptabilité. Le changement de représentant légal de la société a eu lieu le 30 avril 2010 et la vérification s'est déroulée entre les mois de septembre et novembre 2012, et s'il résulte de l'instruction que les anciens gérants, prévenus du déroulement de la vérification de comptabilité, n'ont pas répondu aux sollicitations qui leur ont été adressées pour participer aux opérations, cette circonstance ne saurait constituer une irrégularité. Dans ces conditions, la société contribuable n'est pas fondée à soutenir que la procédure de vérification de comptabilité aurait été, en l'absence de débat entre le vérificateur et les anciens gérants, irrégulière.

4. Pour les mêmes raisons que celles exposées au point précédent, la SARL Société Nouvelle Le Flash n'est pas fondée à soutenir que l'administration fiscale aurait manqué à son devoir d'information et de loyauté en refusant d'engager des démarches officielles auprès des anciens gérants.

5. Le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique soumise au juge administratif national est régie par le droit communautaire. Tel n'est pas le cas en l'espèce, s'agissant des règles régissant le déroulement de la procédure de vérification de comptabilité, qui relèvent de l'ordre juridique interne. Par suite, la SARL Société Nouvelle Le Flash ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir de ce que l'administration fiscale aurait méconnu ce principe.

6. Les moyens tirés de la méconnaissance des articles 8 et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, soulevés à l'encontre de la procédure d'imposition en litige, ne sont pas assortis des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

7. Lors du contrôle de la SARL Société Nouvelle Le Flash, l'administration fiscale a constaté que celle-ci avait procédé à l'enregistrement global de ses recettes sur toute la période, soit du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, que les tickets journaliers présents à compter de septembre 2011 ne comportent pas la désignation ou la référence des produits vendus, que le mode de règlement n'est pas précisé jusqu'en août 2011 et que les doubles des notes clients, comme l'inventaire détaillé des stocks, n'ont pu être présentés. Ces irrégularités étaient suffisamment graves et nombreuses pour priver la comptabilité de la société de toute valeur probante sur l'ensemble des exercices contrôlés, ce que ne conteste pas la société requérante. Par suite, l'administration fiscale était fondée à écarter celle-ci et à procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires réalisé.

En ce qui concerne la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires :

8. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ". La SARL Société Nouvelle Le Flash n'ayant pas répondu à la proposition de rectification qui lui a été adressée le 18 décembre 2012 et dont elle a accusé réception le 19 décembre 2012, il lui appartient de démontrer le caractère exagéré des impositions en litige.

9. Pour reconstituer le chiffre d'affaires au cours de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, l'administration a appliqué la méthode dite des achats revendus. Cette méthode a consisté, à partir du dépouillement des factures d'achat de marchandises, et de stocks considérés comme constants sur la période en l'absence d'inventaire détaillé, à déterminer les achats revendus par catégorie de produit, après conversion des produits d'une même catégorie en unités de mesure identiques et application à ces unités des tarifs constatés lors du contrôle et des précisions apportées par les gérantes sur l'évolution de ces tarifs. Les quantités revendues ont été diminuées d'un taux de perte, offerts et consommation du personnel de 10 % pour le café, les bières pression, les anisés, le whisky, le coca, le Perrier et les limonades et de 5 % pour les autres boissons. Cette reconstitution de recettes a été opérée uniquement sur l'activité bar de l'établissement, dès lors que la comptabilisation globale des recettes ne permettait pas au vérificateur de déterminer la part des liquides vendus à l'intérieur du chiffre d'affaires réalisé pour la partie restaurant. L'activité bar représentant, selon les déclarations des gérantes, 80 % du chiffre d'affaires annuel total, le vérificateur a ajouté au chiffre d'affaires reconstitué du bar, un chiffre d'affaires " restaurant " correspondant à 20 % du précédent. Cette méthode a abouti à un rehaussement du résultat déclaré pour les exercices clos en 2009 et 2010, mais a permis de corroborer le résultat déclaré pour l'exercice clos en 2011.

10. La société requérante fait valoir que la méthode utilisée par l'administration fiscale ne prend pas suffisamment en compte les changements des conditions d'exploitation intervenus depuis que les nouvelles gérantes ont repris l'entreprise, en mai 2010 et n'est pas fondée sur des données propres à chaque exercice. A cet égard, elle soutient qu'à compter de l'arrivée des nouvelles gérantes, une gestion commerciale plus rigoureuse a été mise en place, avec l'installation d'une caisse enregistreuse dont l'établissement ne disposait pas antérieurement, la fin du recours à une main-d'oeuvre familiale, de nature à accroître le volume des prélèvements du personnel et la mise en place de doseurs pour éviter toute déperdition sur les boissons. Toutefois, la société requérante n'apporte aucun élément de preuve à l'appui de ses allégations, alors que, lors du contrôle, les gérantes ont indiqué qu'elles ignoraient tout des précédentes conditions d'exploitation. En particulier, elle ne démontre pas que l'établissement disposait d'une caisse " ouverte " avant mai 2010, ni que le coût de la main-d'oeuvre aurait sensiblement augmenté à compter du changement de gérance. Elle n'établit pas davantage que l'établissement n'utilisait pas de doseurs sous les précédentes gestions, ni que les dosages utilisés par le vérificateur, établis à partir des déclarations des gérantes consignées sur un état contradictoire du 9 octobre 2010, seraient différents de ceux existant auparavant. Par ailleurs, si la société requérante se plaint de ce que le vérificateur a appliqué aux exercices clos en 2009 et 2010 les tarifs constatés en 2012, supérieurs selon elle, il résulte de l'instruction que les gérantes ont déclaré, lors du contrôle, que les tarifs n'avaient pas augmenté entre le 1er mai 2010 et le 31 décembre 2011 sauf pour le café et la bière pression, évolution que le vérificateur a prise en compte et que les cartes des tarifs applicables du 1er janvier 2009 au 1er mai 2010 n'ont pu être présentées. De plus, le vérificateur a systématiquement appliqué le tarif " comptoir ", plus favorable à la société que le tarif " terrasse ". La société requérante, de son côté, n'apporte aucun élément de nature à démontrer que les tarifs appliqués par les précédents gérants auraient été inférieurs à ceux retenus par le vérificateur. Dans ces conditions, la SARL Société Nouvelle Le Flash, qui ne propose, au demeurant, aucune autre méthode, ne démontre pas que la méthode de reconstitution utilisée par l'administration serait radicalement viciée. Par suite, elle n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exagération de ses bases d'imposition au titre des exercices clos en 2009 et 2010.

Sur l'amende et les pénalités :

11. En premier lieu, si la société requérante sollicite la décharge de l'amende qui lui a été infligée en application de l'article 1759 du code général des impôts, elle ne développe aucun moyen à l'appui de ces conclusions.

12. En second lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".

13. L'administration, qui a mis à la charge de la SARL Société Nouvelle Le Flash la pénalité de 40 %, fait valoir, outre l'importance des droits éludés, les manquements dans la comptabilisation des recettes, l'absence de conservation des documents justificatifs des recettes et la nature des infractions commises. Ces éléments, qui vont au-delà de la simple négligence dans la tenue de la comptabilité, démontrent la volonté de la société d'empêcher tout contrôle et, par conséquent, son intention délibérée d'éluder l'impôt. Il en résulte que les pénalités pour manquement délibéré doivent être regardées comme justifiées.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Société Nouvelle Le Flash n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 et de l'amende mise à sa charge en application de l'article 1759 du code général des impôts. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des frais d'instance ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Société Nouvelle Le Flash est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Société Nouvelle Le Flash et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2019, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Haïli, premier conseiller,

- Mme Courbon, premier conseiller.

Lu en audience publique le 11 avril 2019.

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N° 17MA04558


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA04558
Date de la décision : 11/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : CABINET JOURDAN et CRUDO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-04-11;17ma04558 ?
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