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29/03/2019 | FRANCE | N°18MA01646

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 29 mars 2019, 18MA01646


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision en date du 18 décembre 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé la société Foraco Management à procéder à son licenciement.

Par un jugement n° 1600914 du 13 février 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 avril 2018 Mme E...,

représentée par Me G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision en date du 18 décembre 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé la société Foraco Management à procéder à son licenciement.

Par un jugement n° 1600914 du 13 février 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 avril 2018 Mme E..., représentée par Me G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 13 février 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 18 décembre 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé son licenciement.

3°) de confirmer la décision du 5 mai 2015 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser son licenciement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit et d'appréciation en ayant retenu que l'employeur avait parfaitement respecté son obligation de reclassement ;

- la matérialité et le sérieux des démarches de reclassement n'est pas établi par l'unique extrait du registre du personnel de l'établissement de Lunel produit pour la première fois devant le tribunal administratif et sur lequel l'administration n'a pas exercé son contrôle ;

- l'employeur n'a pas procédé à une recherche loyale et individuelle de reclassement et aucune solution de reclassement personnelle ne lui a été proposée ;

- les possibilités de reclassement dans l'entreprise et au sein du groupe n'ont été envisagées que postérieurement à la date de convocation à l'entretien préalable de licenciement ainsi qu'après la consultation du comité d'entreprise ;

- l'absence de loyauté de la liste des sociétés étrangères l'a conduite à refuser l'offre de reclassement dans des établissements situés hors de France ;

- la société ne s'est pas acquittée de son obligation de formation et d'adaptation afin de permettre son reclassement sur un poste relevant de ses compétences et de sa catégorie professionnelle ;

- l'absence de représentation du personnel du collège non cadre auprès du comité d'entreprise constitue un motif d'intérêt général faisant obstacle à son licenciement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2018, la société Foraco Management conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

La ministre du travail a présenté le 30 novembre 2018 un mémoire en défense qui n'a pas été communiqué en application des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. C...,

- les observations de Me A... substituant Me D..., représentant la société Foraco management.

Considérant ce qui suit :

1. La société Foraco Management a sollicité le 6 mars 2015 auprès de l'inspection du travail l'autorisation de licencier pour motif économique Mme B...E..., employée en contrat à durée indéterminée depuis le 30 juillet 2001 aux fonctions de secrétaire-assistante et exerçant le mandat de déléguée du personnel. Par décision du 5 mai 2015, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser ledit licenciement. Par décision du 18 décembre 2015, le ministre du travail, saisi d'un recours hiérarchique de l'employeur a, par l'article 1er, retiré sa décision implicite de rejet, par l'article 2, annulé la décision de l'inspecteur du travail et, par l'article 3, autorisé le licenciement demandé. Mme E... relève appel du jugement du 13 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail du 18 décembre 2015 autorisant son employeur à procéder à son licenciement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Dans la limite de l'effet dévolutif de l'appel, le juge d'appel est saisi à nouveau de l'ensemble des questions posées par le litige. Il lui appartient dans ce cadre de donner à ces questions la réponse que le droit commande en substituant son appréciation à celle des premiers juges. Les moyens tirés de ce que le tribunal administratif aurait commis différentes erreurs de droit ou d'appréciation n'appellent pas de réponses distinctes de celles par lesquelles il est à nouveau statué sur le fond du litige et ne sont pas de nature à remettre en cause la régularité du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ". Pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation de moyen renforcée en matière de reclassement de salarié protégé, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié protégé, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la société Foraco Management a produit devant le tribunal administratif une copie intégrale du registre unique présentant les effectifs de son personnel. Il ressort des inscriptions des entrées chronologiques du personnel, qu'au moment où le licenciement de Mme E... a été envisagé, aucun poste disponible relevant de sa catégorie d'emploi ou d'un emploi équivalent ou à défaut d'un emploi d'une catégorie inférieure ne pouvait lui être proposé compte tenu notamment de son niveau de qualification et de la nature de son emploi. Si trois recrutements ont été effectués en 2015 par la société Foraco Management, à savoir un intérimaire au poste de comptable le 5 janvier 2015, un contrôleur financier suite à un licenciement le 23 mars 2015 et un assistant comptable le 27 avril 2015 suite à une démission, aucun de ces postes ne correspondaient aux qualifications, à l'expérience professionnelle et aux aptitudes de Mme E... qui a toujours exercé des emplois de secrétaire commerciale, d'employée de bureau ou encore de standardiste. Il ressort également des pièces du dossier que, conformément au cadre de recherche hiérarchique du reclassement, après avoir recherché prioritairement des postes de reclassement au sein de son entreprise, la société Foraco Management qui a produit l'intégralité des échanges de courrier et de mails de nature à écarter toute suspicion sur le sérieux et la loyauté des recherches qu'elle a effectuées, a recensé de façon extensive l'ensemble des postes disponibles existant dans le groupe dont elle relève. Elle a ainsi interrogé la société Foraco International dont le siège social est situé à Marseille ainsi que les filiales du groupe implantées en France, à savoir les sociétés Geode International, Foraco Ressources et Foraco SAS situées à Lunel, sur l'existence de postes vacants et a reçu de toutes ces dernières une réponse négative, cela même avant d'engager la procédure de licenciement, en particulier avant de procéder à la convocation de l'intéressée le 20 février 2015 à un entretien préalable ainsi qu'avant de consulter les représentants du personnel en réunion extraordinaire les 19 et 26 février 2015 sur le projet de licenciement. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'employeur n'a pas procédé à une recherche loyale et sérieuse des possibilités de reclassement, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises basées en France du groupe auquel elle appartient.

5. Aux termes de l'article L. 1233-4-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, en vigueur à la date de la décision en litige : " Lorsque l'entreprise ou le groupe dont l'entreprise fait partie comporte des établissements en dehors du territoire national, le salarié dont le licenciement est envisagé peut demander à l'employeur de recevoir des offres de reclassement dans ces établissements. Dans sa demande, il précise les restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. L'employeur transmet les offres correspondantes au salarié ayant manifesté son intérêt. Ces offres sont écrites et précises. ".

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme E..., qui n'a pas demandé à son employeur de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national, a précisément refusé de recevoir des telles offres. En outre et en tout état de cause, il n'est pas contesté que ce refus est intervenu le 3 mars 2015, au terme du délai expressément mentionné dont elle disposait pour retourner le questionnaire qui lui a été remis en mains propres le 20 février 2015 et dont il ne ressort aucunement que la liste des sociétés étrangères du groupe serait entachée d'erreur. Il ressort également des pièces du dossier qu'avant même l'engagement de la procédure de licenciement, par courrier du 12 janvier 2015, la société Foraco Management a interrogé les entreprises du groupe basées à l'étranger sur l'existence de postes vacants et a reçu de ces dernières, y compris de Foraco Mexico et Foraco Perou formalisées le 13 janvier 2015 par M. J.P Charmensat, directeur général du groupe et mandataire de ces deux sociétés, une réponse négative à l'exclusion des filiales du groupe Foraco Direction Afrique et Foraco Direction Pacifique qui ont respectivement recensé un poste de chef de chantier hydraulique au Tchad, deux postes de mécaniciens de chantier sur les chantiers du Tchad et du Niger et un poste de mécanicien à pourvoir en Nouvelle-Calédonie. Par suite, le moyen tiré du non-respect de l'obligation de reclassement doit être écarté dans toutes ses branches.

7. En troisième lieu, si la requérante fait valoir qu'en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 1233-4 du code du travail, son employeur n'a pas fourni tous les efforts de formation et d'adaptation afin de permettre son reclassement sur un poste relevant de ses compétences et de sa catégorie professionnelle, la circonstance, à la supposer établie que l'employeur n'a pas mis en mesure un salarié, au cours de sa carrière, d'accéder à des formations qui auraient facilité son reclassement, est sans incidence sur les obligations de recherche d'un reclassement qui incombaient à l'entreprise au moment de la procédure de licenciement et ne peut être utilement invoquée à l'encontre de la décision autorisant le licenciement.

8. En quatrième et dernier lieu, si Mme E... représentait, en sa qualité de déléguée du personnel, le collège non cadres, d'autres délégués du personnel représentant d'autres collèges étaient en activité au sein de la société Foraco Management au moment de son licenciement. Par suite, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que l'autorité administrative n'a pas fait usage de sa faculté discrétionnaire de retenir des motifs d'intérêt général pour refuser le licenciement en litige.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 décembre 2015 par laquelle la ministre du travail a autorisé son licenciement.

Sur les frais liés au litige :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Foraco Management, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme E... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E... la somme 2 000 euros au titre des frais engagés par la société Foraco Management en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Mme E... versera à la société Foraco Management la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E..., à la société Foraco Management et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2019, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président-assesseur,

- Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 29 mars 2019.

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N° 18MA01646

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA01646
Date de la décision : 29/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : DE RUDNICKI

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-03-29;18ma01646 ?
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