Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... F...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la délibération du 7 mai 2015 par laquelle le conseil municipal de Prades-sur-Vernazobre a décidé d'intégrer au tableau des chemins ruraux, un chemin existant dont le départ est situé à l'intersection du chemin rural n° 11 desservant les parcelles AK 293 et AK 173 et qui permet de relier le chemin rural n° 37.
Par un jugement n° 1503674 du 3 novembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 23 décembre 2016 et le 1er août 2017, M. et Mme F..., représentés par Me G..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 novembre 2016 ;
2°) d'annuler la délibération du 7 mai 2015 du conseil municipal de Prades-sur-Vernazobre ;
3°) à titre subsidiaire, de prononcer un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure judiciaire introduite devant le tribunal de grande instance de Béziers ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que seul le juge judiciaire est compétent pour qualifier juridiquement un chemin rural ou un chemin d'exploitation ;
- le jugement attaqué est entaché d'erreur de fait et de droit dès lors que les premiers juges n'ont pas tenu compte de l'appellation du chemin mentionnée dans le cadastre, qu'il n'est pas affecté à l'usage public et que la qualification de chemin d'exploitation a été écartée au motif que les requérants n'avaient produit aucun titre de propriété ;
- la délibération contestée a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que pour justifier l'incorporation du chemin dans le tableau des chemins ruraux, la délibération se fonde sur l'avis du commissaire enquêteur émis dans le cadre de l'enquête publique relative au classement de ce chemin dans le domaine public communal ;
- le chemin concerné qui n'est pas une voie de passage, n'est pas affecté à l'usage du public et ne fait l'objet ni de surveillance ni d'entretien réalisé par la commune, ne peut être qualifié de chemin rural ;
- il s'agit d'un chemin d'exploitation qui en l'absence de titre de propriété est présumé appartenir aux propriétaires riverains en application des dispositions de l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime ;
- leur accord en qualité de propriétaires riverains était indispensable pour procéder au classement du chemin que ce soit dans le domaine public ou dans le domaine privé de la commune ;
- à défaut d'accord amiable, la commune devait engager une procédure d'expropriation afin d'acquérir la propriété de ce chemin.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 août 2017, la commune de Prades-sur-Vernazobre conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de la voirie routière ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- l'ordonnance n° 59-115 du 7 janvier 1959 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. B...,
- les observations de Me A... substituant Me E..., représentant la commune de Prades-sur-Vernazobre.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme F... sont propriétaires, sur le territoire de la commune de Prades--sur-Vernazobre, hameau de la Maurerie, des parcelles cadastrées section AK n° 171, 292 et 293 sur lesquelles sont édifiés leur maison d'habitation et un gîte. Leur propriété jouxte le chemin de la Maurerie. Dans le cadre de la procédure d'élaboration de sa carte communale visant à ouvrir le hameau de la Maurerie à l'urbanisation, la commune de Prades-sur-Vernazobre a souhaité classer ledit chemin dans le domaine public en vue de son élargissement et afin de permettre l'accès des véhicules de secours et d'intervention. Par une délibération du 4 mars 2013, le conseil municipal de Prades-sur-Vernazobre a reconnu l'utilité de lancer une procédure d'enquête publique pour le classement et l'élargissement du chemin depuis la parcelle AK 173 jusqu'à la parcelle AK 36. Par arrêté du 7 mai 2013, le maire a défini les modalités de l'enquête publique qui s'est déroulée du 3 au 17 juin 2013. Par délibération du 5 septembre 2013, le conseil municipal a " validé " le dossier d'enquête publique concernant le classement dans le domaine public communal et l 'élargissement du chemin au hameau de la Maurerie. Par délibération du 7 mai 2015, dont l'objet est l'" ouverture d'un chemin rural par incorporation d'un chemin existant ", le conseil municipal a finalement décidé le " classement " du chemin de service dont le départ est situé à l'intersection du chemin rural n° 11 desservant les parcelles AK 293 et AK 173 permettant par un autre chemin de service de relier le chemin rural n° 37 par incorporation aux propriétés communales. M. et Mme F... relèvent appel du jugement du 3 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette dernière délibération du 7 mai 2015.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. Aux termes de l'article L. 161-4 du code rural et de la pêche maritime : " Les contestations qui peuvent être élevées par toute partie intéressée sur la propriété ou sur la possession totale ou partielle des chemins ruraux sont jugées par les tribunaux de l'ordre judiciaire ".
3. Le présent litige porte sur la légalité d'une délibération par laquelle le conseil municipal classe un chemin existant dans la catégorie des chemins ruraux. La juridiction administrative est donc compétente pour connaître d'un tel litige, sous réserve d'adresser une question préjudicielle à la juridiction judiciaire en présence, le cas échéant, d'une difficulté sérieuse en ce qui concerne la propriété dudit chemin, inexistante en l'espèce. Il suit de là que l'exception d'incompétence opposée par les requérants doit être écartée.
Sur la régularité du jugement :
4. Dans la limite de l'effet dévolutif de l'appel, le juge d'appel est saisi à nouveau de l'ensemble des questions posées par le litige. Il lui appartient dans ce cadre de donner à ces questions la réponse que le droit commande en substituant son appréciation à celle des premiers juges. Les moyens tirés de ce que le tribunal administratif aurait commis différentes erreurs de fait ou de droit n'appellent pas de réponses distinctes de celles par lesquelles il est à nouveau statué sur le fond du litige et ne sont pas de nature à remettre en cause la régularité du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Il ressort des pièces du dossier que la délibération du 7 mai 2015 par laquelle le conseil municipal de Prades-sur-Vernazobre a incorporé au tableau des chemins ruraux, le chemin dit de la Maurerie, vise notamment l'avis favorable du commissaire enquêteur émis à l'issue de l'enquête publique menée du 3 au 17 juin 2013 relative au projet de classement de ce même chemin dans le domaine public communal ainsi que son élargissement. Il résulte des termes mêmes de la délibération contestée que " la procédure de classement dans le domaine public a été suspendue par un recours contentieux qui a donné lieu à un jugement favorable à la commune le 20 mars 2015, et il convient, nonobstant toute intégration et élargissement ultérieur, de classer ce chemin comme un chemin rural ". La commune a ainsi choisi de qualifier le chemin de la Maurerie de chemin rural dans l'attente de l'intégrer ultérieurement dans son domaine public. Par suite, alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'organe délibérant de la commune de soumettre à une enquête publique la décision d'incorporation d'un chemin existant affecté à l'usage du public au domaine privé communal, la mention de cet avis dans les visas de la délibération n'est pas de nature à en affecter la légalité.
6. En vertu de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime, les chemins ruraux sont des " chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune ". Selon l'article L. 161-2 de ce code : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. ". Un seul des éléments indicatifs figurant à l'article L. 161-2 du code rural permet de retenir la présomption d'affectation à usage du public. Enfin, en vertu de l'article L. 161-3 du même code : " Tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé ".
7. Il ressort des pièces du dossier et notamment des attestations nombreuses et concordantes produites par la commune de Prades-sur-Vernazobre, que le chemin dit de la Maurerie est régulièrement utilisé comme une voie de passage par les habitants du hameau. Les circonstances qu'une haie de pyrancathas en limite de la propriété des époux F...empiète sur ce chemin et que le constat d'huissier établi à la demande des requérants indique qu'il est en très mauvais état et n'est pas carrossable, n'empêchent pas son utilisation de sorte qu'il ne peut être considéré comme désaffecté. Il ressort également des pièces du dossier que ce chemin n'a pas fait l'objet d'un classement parmi les voies communales. Dans ces conditions et en application des dispositions des articles L. 161-1 à L. 161-3 du code rural et de la pêche maritime, l'affectation au public de ce chemin, qui constitue une voie de passage, doit être présumée. La circonstance que la commune n'aurait jamais entretenue ce chemin, ou n'en aurait pas assuré la surveillance, est sans incidence sur l'appréciation de la présomption de l'affectation de ce chemin au public.
8. Aux termes de l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation ".
9. Si les requérants soutiennent que le chemin de la Maurerie est en réalité un chemin d'exploitation, il ressort des pièces du dossier qu'ils en n'ont ni la propriété ni n'en assument l'entretien, ni l'usage commun avec les seuls riverains, ou leur exploitation agricole. Il ressort en particulier du plan de situation que ce chemin relie de part et d'autre de son tracé le chemin rural n° 11 au chemin rural n° 37 permettant d'accéder par le sud au hameau de la Maurerie. Par suite, ce chemin ne peut être qualifié de chemin d'exploitation au sens des dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime.
10. Par ailleurs, la dénomination de " chemin de service " recouvre une acceptation large et notamment celle des chemins qui sont présumés appartenir à la commune au titre de l'article L. 161-2 du code rural. Par suite, l'utilisation de cette appellation dans différents extraits du cadastre, dans le dossier de l'enquête publique précédemment évoquée ainsi que dans la délibération en litige, n'est pas de nature à exercer une influence sur la qualification juridique du chemin concerné.
11. Enfin, s'agissant, comme il a été dit au point 7, d'un chemin affecté au public appartenant au domaine privé de la commune, les moyens tirés de ce que l'accord des requérants ou à défaut, l'engagement d'une procédure d'expropriation, auraient été nécessaires pour procéder à l'intégration dudit chemin aux chemins ruraux de la commune, sont inopérants.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer en l'attente d'une décision du juge judiciaire, que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 7 mai 2015 du conseil municipal de Prades-sur-Vernazobre.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Prades-sur-Vernazobre, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par les requérants au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme F... une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Prades-sur-Vernazobre au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme F... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme F... verseront à la commune de Prades-sur-Vernazobre la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... F...et à la commune de Prades-sur-Vernazobre.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2019, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 29 mars 2019.
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N° 16MA04842
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