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21/03/2019 | FRANCE | N°17MA04873

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 21 mars 2019, 17MA04873


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...C..., la SARL et la SCI " Hôtel du Lion d'Or " ont demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, de condamner la commune de Saint-Chély-d'Apcher à leur verser la somme de 1 392 514 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la construction d'un centre culturel, et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de démolir le mur nord de l'édifice.

Par un jugement n° 1301350 du 20 octobre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande

. Le tribunal a en outre mis les frais d'expertise pour moitié à la charge solida...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...C..., la SARL et la SCI " Hôtel du Lion d'Or " ont demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, de condamner la commune de Saint-Chély-d'Apcher à leur verser la somme de 1 392 514 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la construction d'un centre culturel, et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de démolir le mur nord de l'édifice.

Par un jugement n° 1301350 du 20 octobre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande. Le tribunal a en outre mis les frais d'expertise pour moitié à la charge solidaire des demandeurs et pour moitié à la charge de la commune.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 21 décembre 2017, le 17 janvier 2018 et le 14 février 2019, M. et Mme D...C..., la SARL et la SCI " Hôtel du Lion d'Or ", représentés par la SCP Garreau Bauer - Violas Feschotte - Desbois, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 octobre 2017 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de condamner la commune de Saint-Chély-d'Apcher à leur verser la somme de 1 392 514 euros ;

3°) d'enjoindre à la commune de démolir le mur nord du centre culturel, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité, dès lors que la minute n'est pas signée ;

- la responsabilité sans faute de la commune est engagée du fait de l'apparition de fissures sur la façade sud de leur hôtel, de l'écrasement et de l'encombrement du chéneau, et de la destruction et du bouchage d'une cave voûtée ;

- l'ouvrage public leur cause un dommage anormal et spécial ;

- les préjudices dont ils demandent l'indemnisation sont établis et en lien direct avec les faits générateurs de responsabilité ;

- le mur nord du centre culturel a été illégalement construit.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 17 octobre 2018 et le 25 février 2019, la commune de Saint-Chély-d'Apcher, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête présentée par M. C... et autres ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner les sociétés Elan Développement, atelier Triade, Raffy et Associés, Commins Acoustics Workshop, Puechpoultres et Fils, Mathieu, le bureau d'études techniques INSE et la compagnie Axa France IARD à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;

3°) par la voie de l'appel incident, de mettre l'intégralité des frais d'expertise à la charge de M. C... et autres ;

4°) de mettre à la charge de M. C... et autres la somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable faute de comporter des moyens d'appel ;

- la requête est également irrecevable en tant qu'elle émane d'une partie nouvelle en appel ;

- les conclusions à fin d'injonction sont irrecevables, dès lors qu'elles sont tardives ;

- les conclusions tendant à l'indemnisation de la perte de valeur vénale de l'immeuble sont irrecevables, dès lors qu'elles constituent une demande nouvelle en appel ;

- les moyens soulevés par M. C... et autres ne sont pas fondés ;

- les dommages sont imputables aux fautes commises par les constructeurs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2019, la société Axa France IARD, représentée par la SELARL MBA et associés, demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête présentée par M. C... et autres ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner les sociétés atelier Triade, le bureau d'études techniques INSE et la société Elan Développement à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;

3°) à titre subsidiaire, de rejeter l'appel en garantie de la commune dirigé contre elle ;

4°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions à fin d'injonction sont irrecevables, dès lors qu'elles sont tardives ;

- les dommages permanents ne sont pas couverts par la police d'assurance ;

- la police d'assurance comporte une franchise à hauteur de 1 500 euros pour les dommages accidentels ;

- elle doit être déchargée de sa responsabilité en application de l'article L. 121-12 du code des assurances ;

- les moyens soulevés par M. C... et autres sont infondés.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'impossibilité pour le maître d'ouvrage d'invoquer la responsabilité contractuelle des constructeurs après la réception des travaux.

Un mémoire a été enregistré pour la commune de Saint-Chély-d'Apcher en réponse à cette mesure d'information le 14 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Merenne,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la commune de Saint-Chély-d'Apcher, et de Me A..., représentant la société Axa France.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Saint-Chély-d'Apcher a fait procéder à la démolition d'un ancien bâtiment configuré en salle de cinéma au 130 rue Théophile Roussel pour construire un centre culturel. Après réception des travaux de démolition le 12 juillet 2011, le chantier de construction a été déclaré ouvert le 5 septembre 2011 et la réception a été prononcée le 4 avril 2013 pour les travaux relevant des autres lots.

2. M. et Mme C... gèrent un hôtel-restaurant dénommé " le Lion d'Or " situé sur la parcelle voisine. L'hôtel-restaurant est exploité par la SARL " Hôtel du Lion d'Or ", dont M. C... est devenu l'associé unique en 2002. La SCI " Hôtel du Lion d'Or ", dont M. C... est l'associé gérant, est en outre devenue propriétaire du bâtiment par un acte de vente du 22 mars 2012.

3. M. et Mme D...C..., la SARL et la SCI " Hôtel du Lion d'Or " font appel du jugement du 20 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant, d'une part, à l'indemnisation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la construction du centre culturel, et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à la commune de démolir le mur nord de l'édifice.

I. Sur la régularité du jugement :

4. Il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué que celle-ci comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

II. Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Saint-Chély-d'Apcher :

5. La requête de M. C... et autres ne se borne pas à reproduire la demande formulée devant les juges de première instance. Contrairement à ce que soutient la commune en défense, elle répond à l'exigence de motivation posée par l'article R. 411-1 du code de justice administrative.

6. La demande de première instance était notamment présentée par la société à responsabilité limitée (SARL) intitulée " Hôtel du Lion d'Or " et comportant un associé unique, M. D... C.... La requête d'appel est présentée entre autres pour le compte de l'" EURL du Lion d'Or ", ce qui désigne la même personne morale. La commune n'est en conséquence pas fondée à soutenir que cette requête serait irrecevable en tant qu'elle émane d'une partie nouvelle en appel.

7. Enfin, M. C... et autres peuvent invoquer en appel des chefs de préjudice dont ils n'avaient pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur.

III. Sur l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif :

8. La circonstance que le rapport de l'expert nommé par le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes du 30 septembre 2015 ne mentionne pas deux ordonnances du même juge des référés et qu'il ne comporte pas en annexe certains des nombreux documents adressés par les parties aux opérations d'expertise est sans incidence sur la régularité de l'expertise.

9. Il en va de même des critiques du bien-fondé des conclusions de l'expert, du fait qu'il se soit notamment fondé sur un rapport établi par le conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) de la Lozère, sur lequel la commune a été mise à même de présenter ses observations au cours des opérations d'expertise, du recours à une sapitrice ou encore de la remise par l'expert aux requérants de certaines photographies prises par ses soins.

10. L'expert, en faisant état au cours des opérations d'expertise de certaines pré-conclusions interprétées par la commune comme favorables aux demandeurs, n'a pas méconnu le principe d'impartialité, dès lors que sa mission lui imposait de prendre position sur les points en question et que le caractère contradictoire de l'expertise lui permettait d'en débattre avec les parties.

11. Contrairement à ce que soutient la commune, le rapport d'expertise, en se prononçant sur l'étendue de la perte d'ensoleillement provoquée par la nouvelle construction et sur son incidence sur l'activité commerciale de l'hôtel-restaurant, répond à la mission fixée par le juge des référés, quand bien même le rapport emploie le terme juridiquement inadéquat de " trouble anormal de voisinage ".

12. En revanche, en procédant à la pose et au relevé de jauges sur les fissures de la façade sud de l'hôtel-restaurant en présence de M. C... sans avoir convoqué les autres parties, l'expert a méconnu sur ce point le caractère contradictoire des opérations d'expertise. Cette circonstance ne fait cependant pas obstacle à ce que les résultats des relevés de jauge et leur interprétation par l'expert, qui ne sont pas contestés et qui ne sont d'ailleurs pas défavorables à la commune, soient retenus à titre d'éléments d'information.

13. Enfin, l'expert a excédé les termes de la mission confiée par le juge des référés en se prononçant sur la pertinence des caractéristiques architecturales du mur nord du centre culturel. Cette irrégularité est cependant sans incidence sur l'issue du présent litige.

IV. Sur les dommages accidentels :

En ce qui concerne les fissures apparues sur la façade sud de l'hôtel-restaurant :

14. Il résulte de l'instruction, notamment des constats d'huissier et des différents rapports d'expertise, qui, contrairement à ce que soutient la commune, ne sont pas contradictoires entre eux, et dont les conclusions ne sont pas remises en cause par l'existence de différences entre le pré-rapport adressé pour observations aux parties et le rapport définitif, que les travaux publics en question ont provoqué l'apparition de fissures verticales sur la partie inférieure du mur sud de l'hôtel-restaurant, qui ne préexistaient pas aux travaux en ce qui concerne cette façade. Le relevé des jauges installées par l'expert après l'apparition des fissures permet de conclure à l'absence de mouvement dans l'assise du bâtiment au cours de la période de mesures. Les résultats s'expliquent par un mouvement de dilatation-rétractation vraisemblablement lié aux chocs thermiques saisonniers associés aux caractéristiques propres de l'immeuble, construit en plusieurs parties avec des matériaux différents. Les fissures ne sont donc pas évolutives. Ces dommages causés à un tiers à l'occasion d'une opération de travaux publics sont de nature à engager à la responsabilité sans faute de la commune.

15. Le préjudice doit être évalué au coût des travaux destinés à la réparation des désordres. Si le mur en pierres dont il s'agit est ancien, à l'appareillage irrégulier et non crépi, il est possible de remédier aux désordres par un rejointement à la chaux pour un coût évalué par l'expert au montant non contesté de 5 460 euros toutes taxes comprises. La SCI " Hôtel du Lion d'Or " est en conséquence fondée à demander la condamnation de la commune à lui verser cette somme.

En ce qui concerne l'écrasement et l'encombrement d'un chéneau :

16. Il ressort du rapport du 30 septembre 2015 de l'expert nommé par le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, qui ne s'est pas fondé sur les seules allégations de M. C... mais a constaté de lui-même les désordres, qu'au cours de l'exécution des travaux, l'entreprise Mathieu, chargée du terrassement et des crépis extérieurs, a abîmé le couronnement d'une cheminée et endommagé un chéneau à l'angle sud-ouest de la toiture de l'hôtel-restaurant, qu'elle a en outre bouché en partie avec des gravats. L'entreprise Mathieu a procédé à une reprise du couronnement de la cheminée mais pas du chéneau abîmé. La SCI " Hôtel du Lion d'Or " est en conséquence fondée à être indemnisée par la commune à hauteur de la somme de 360 euros fixée par l'expert pour le remplacement de ce chéneau.

En ce qui concerne la destruction et le bouchage d'une cave voûtée :

17. Il résulte de l'instruction qu'un espace vide souterrain, dont l'existence antérieure ressort des photographies versées au dossier, était situé sous l'escalier de la ruelle séparant l'hôtel-restaurant du centre culturel nouvellement construit. Par un arrêt du 1er juin 2017, la cour d'appel de Nîmes a jugé que la SCI " Hôtel du Lion d'Or " est propriétaire de cette ruelle sur une surface de 3,5 mètres carrés du côté de la place du Foirail à prendre sur toute la largeur de la ruelle, et, en longueur, à partir du débouché de ladite ruelle sur la rue du Baruel, et que la SCI et la commune de Saint-Chely-d'Apcher sont propriétaires indivises du reste de la ruelle. Cet espace a été bouché lors des travaux, ce qui est de nature à engager la responsabilité sans faute de la commune en sa qualité de maître d'ouvrage de l'opération. Il ne résulte de l'instruction ni que l'hôtel du Lion d'Or ait disposé d'un accès à celui-ci par les caves, ni qu'il ait été exploité pour les besoins de l'hôtel. Il sera fait une juste indemnisation du préjudice qui en résulte en retenant la somme de 500 euros.

V. Sur les dommages permanents :

En ce qui concerne la responsabilité de la commune :

18. Il résulte de l'instruction que le centre culturel, en comparaison avec l'ancien bâtiment, obstrue complètement la vue depuis les cinq chambres orientées au sud du premier étage de l'hôtel par un mur mitoyen situé à environ un mètre, l'hôtel comportant en tout vingt-cinq chambres. Le préjudice qui en résulte excède celui auquel peut s'attendre l'hôtelier riverain d'un ouvrage public et revêt dès lors un caractère anormal et spécial.

En ce qui concerne le préjudice économique :

19. Il ressort du rapport de l'experte-comptable adjointe à l'expert en tant que sapitrice que la baisse de la fréquentation de l'hôtel n'est pas due à la construction du centre culturel voisin. S'appuyant sur ce dernier rapport, la SARL " Hôtel du Lion d'Or " fait cependant valoir que la présence de l'ouvrage a fait obstacle à l'augmentation du prix des nuitées pour les cinq chambres concernées suite à l'obtention par l'hôtel d'une troisième étoile le 31 août 2012. Les tarifs des autres chambres de l'hôtel n'ont cependant pas été revalorisés après cette date. Si les requérants font valoir qu'un hôtelier ne peut de façon crédible appliquer un tarif différencié selon les chambres, il ressort du même rapport que l'hôtel du Lion d'Or affichait déjà des tarifs différenciés. Ce préjudice revêt dès lors un caractère hypothétique et ne peut être indemnisé.

En ce qui concerne la perte de valeur vénale du fonds de commerce :

20. Compte tenu de la valeur du fonds de commerce détenu par la SARL " Hôtel du Lion d'Or ", acquis pour un montant total de 121 959,22 euros par deux actes du 4 juillet 2001 et du 29 janvier 2002, et des parts respectives de la restauration et de l'activité hôtelière dans son activité, s'élevant respectivement à 65 % et 35 %, il sera fait une juste appréciation de la perte de valeur vénale du fonds de commerce résultant des difficultés à exploiter les cinq chambres concernées en retenant la somme de 5 000 euros.

En ce qui concerne la perte de valeur vénale de l'immeuble :

21. La SCI " Hôtel du Lion d'Or " a acquis l'immeuble de l'hôtel-restaurant par un acte de vente du 22 mars 2012 faisant suite à une promesse de vente conclue le 14 décembre 2011. Le permis de construire initial, délivré le 21 avril 2011, prévoyait par un plan de masse la présence d'un mur nord mitoyen en pente, d'une altimétrie comprise entre 1 011,55 et 1014,75 mètres. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 1, les travaux de démolition ont été achevés le 12 juillet 2011 et le chantier de construction a été déclaré ouvert le 5 septembre 2011. L'altimétrie du mur nord mitoyen n'a pas été augmentée par le permis de construire modificatif délivré le 27 avril 2012 et la hauteur du mur de 5,06 mètres mesurée par un huissier le 22 janvier 2013, pour une altimétrie au sol de 1 006,25 mètres, reste inférieure à celle prévue par le permis de construire initial. Il résulte ainsi de l'instruction qu'à la date de signature de la promesse de vente, la SCI " Hôtel du Lion d'Or " avait connaissance du projet et était en mesure d'en anticiper les conséquences, quelle qu'ait été la pertinence architecturale du projet. Cette circonstance est de nature à faire obstacle à l'indemnisation de ce préjudice, alors même qu'il revêtirait par ailleurs un caractère anormal et spécial.

En ce qui concerne le préjudice de jouissance et le préjudice moral de M. et Mme C... :

22. Ainsi qu'il a été dit, le bâtiment de l'hôtel-restaurant est la propriété de la SCI " Hôtel du Lion d'Or " et le fonds de commerce est exploité par la SARL " Hôtel du Lion d'Or ". Il ne résulte pas de l'instruction que la construction d'un centre culturel sur la parcelle voisine ait été à l'origine pour M. et Mme C..., qui résident certes dans le même hôtel, d'un préjudice distinct de ceux examinés plus haut, même moral.

VI. Sur les conclusions à fin d'injonction :

23. D'une part, la responsabilité sans faute de la commune ne justifie pas qu'il lui soit enjoint de démolir le mur nord de l'ouvrage public. D'autre part, en se bornant à faire valoir que celui-ci a été illégalement construit et en renvoyant sans autre précision à leurs écritures de première instance, les appelants n'assortissent pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Leurs conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de procéder à la démolition de ce mur doivent en conséquence être rejetées.

24. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SCI et la SARL " Hôtel du Lion d'Or " sont seulement fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leurs demandes par le jugement attaqué et à demander la condamnation de la commune de Saint-Chély-d'Apcher à leur verser respectivement les sommes de 6 320 et 5 000 euros.

VII. Sur les appels en garantie formés par la commune :

En ce qui concerne les constructeurs :

25. La fin des rapports contractuels, consécutive à la réception sans réserve d'un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, les constructeurs soient ultérieurement appelés en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation, alors même que ces dommages ne seraient ni apparents ni connus à la date de la réception. Il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part. Toutefois, si le dommage subi par le tiers trouve directement son origine dans des désordres affectant l'ouvrage objet du marché, la responsabilité de l'entrepreneur envers le maître d'ouvrage peut être recherchée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs.

26. Il résulte de l'instruction que la commune de Saint-Chély-d'Apcher a prononcé la réception des travaux par des procès-verbaux datés du 12 juillet 2011 pour le lot démolition et du 4 avril 2013 pour les autres lots, soit sans réserve, soit en assortissant la réception de réserves qui ne portent pas sur les désordres mentionnés aux points 14, 16 et 17 ou sur les dommages causés aux tiers mentionnés au point 18. Il suit de là que la commune n'est pas fondée à invoquer la responsabilité contractuelle des constructeurs pour demander à être garantie.

27. Le devoir de conseil du maître d'oeuvre, au moment de la réception, ne concerne que l'état de l'ouvrage achevé. Il ne s'étend pas aux désordres causés à des tiers par l'exécution du marché.

28. Il suit de là que la commune n'est pas fondée à invoquer un manquement des entreprises du groupement de maîtrise d'oeuvre à leur obligation de conseil pour ne pas lui avoir recommandé d'émettre des réserves sur les désordres causés à la SCI " le Lion d'Or ". En outre, les mêmes entreprises n'ont pas commis de faute lors de l'établissement des décomptes, en l'absence de réserve émise sur ce point lors de la réception de l'ouvrage.

29. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que les dommages accidentels survenus au cours de l'exécution des travaux soient imputables à une faute de la société Elan Développement, titulaire d'une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage pour la réalisation et la gestion d'un équipement multiculturel. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que le choix architectural concernant la hauteur du mur nord de l'édifice lui soit imputable. En outre, en s'abstenant d'informer la commune de l'existence d'une réclamation d'un tiers portant sur les dommages nés de la construction de ce mur et à supposer que cette question ait fait partie de sa mission, cette société n'a en tout état de cause pas commis de manquement à son obligation de conseil, dès lors que la commune avait déjà connaissance de l'existence de cette réclamation.

30. En conséquence, les appels en garantie dirigés par la commune à l'encontre de ces sociétés doivent être rejetés.

En ce qui concerne l'assureur :

31. D'une part, la police d'assurance " tous risques chantiers " souscrite par la commune de Saint-Chély-d'Apcher ne couvre que les dommages accidentels survenus en cours d'exécution du chantier. Il suit de là que la commune n'est pas fondée à appeler en garantie la société Axa en ce qui concerne les dommages permanents causés par l'existence et les caractéristiques de l'ouvrage construit.

32. D'autre part, le deuxième alinéa de l'article L. 121-12 du code des assurances prévoit que : " L'assureur peut être déchargé, en tout ou en partie, de sa responsabilité envers l'assuré, quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l'assuré, s'opérer en faveur de l'assureur. "

33. La commune de Saint-Chély-d'Apcher a prononcé la réception des travaux sans se réserver la possibilité d'exercer à l'encontre des constructeurs une action récursoire lui permettant de leur faire supporter tout ou partie de la charge des préjudices qu'il lui incombe de réparer au titre de dommages de travaux publics causés à des tiers, alors même qu'elle en avait connaissance. La compagnie Axa France IARD est en conséquence fondée à invoquer les dispositions précitées de l'article L. 121-12 du code des assurances, dont l'application n'est pas subordonnée à l'exigence d'un comportement fautif de l'assuré, afin d'être intégralement déchargée de sa responsabilité au titre du contrat d'assurance " multirisque chantier " souscrit par la commune.

En conséquence, l'appel en garantie de celle-ci contre son assureur doit être rejeté.

VIII. Sur les frais liés au litige :

34. Le tribunal administratif, au point 12 du jugement attaqué, a mis la moitié des frais d'expertise à la charge solidaire de la SCI " le Lion d'Or ", de la SARL " le Lion d'Or " et de M. et Mme C..., et l'autre moitié à la charge de la commune de Saint-Chély-d'Apcher. Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de porter la part à la charge de la commune à hauteur des trois-quarts des frais d'expertise.

35. Il y a également lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour mettre à la charge de la commune de Saint-Chély-d'Apcher le versement de la somme de 2 000 euros à la SCI " le Lion d'Or " au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les autres parties sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La commune de Saint-Chély-d'Apcher est condamnée à verser la somme de 6 320 euros à la SCI " Hôtel du Lion d'Or " et celle de 5 000 euros à la SARL " Hôtel du Lion d'Or ".

Article 2 : Les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes sont mis à hauteur des trois-quarts à la charge de la commune de Saint-Chély-d'Apcher et à hauteur d'un quart à la charge solidaire de M. et Mme C..., de la SARL et de la SCI " Hôtel du Lion d'Or ".

Article 3 : Le jugement du 20 octobre 2017 du tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune de Saint-Chély-d'Apcher versera à la SCI " le Lion d'Or " la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... et autres est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de la commune de Saint-Chély-d'Apcher et de la société Axa France IARD sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D...C..., à la SARL et à la SCI " Hôtel du Lion d'Or ", à la commune de Saint-Chély-d'Apcher et à la compagnie Axa France IARD.

Copie en sera adressée pour information à l'expert judiciaire, aux sociétés Elan Développement, atelier Triade, Raffy et Associés, Commins Acoustics Workshop, Puechpoultres et Fils, Mathieu et au bureau d'études techniques INSE.

Délibéré après l'audience du 28 février 2019, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- M. Merenne, premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 mars 2019.

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N° 17MA04873


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA04873
Date de la décision : 21/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages créés par l'exécution des travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : SCP GARREAU BAUER-VIOLAS FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-03-21;17ma04873 ?
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