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18/03/2019 | FRANCE | N°17MA04884

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 18 mars 2019, 17MA04884


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération Perpignan Méditerranée a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement M. H... et la société Pull Francis à lui verser une indemnité de 366 008,36 euros en réparation des conséquences dommageables des désordres affectant l'aire de lavage du centre technique communautaire de Saint-Hippolyte majorée des intérêts moratoires et du produit de leur capitalisation, ainsi que la somme de 14 387,95 euros en remboursement des frais et honoraires de l

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération Perpignan Méditerranée a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement M. H... et la société Pull Francis à lui verser une indemnité de 366 008,36 euros en réparation des conséquences dommageables des désordres affectant l'aire de lavage du centre technique communautaire de Saint-Hippolyte majorée des intérêts moratoires et du produit de leur capitalisation, ainsi que la somme de 14 387,95 euros en remboursement des frais et honoraires de l'expertise et de mettre les dépens de l'instance à leur charge solidaire.

Par un jugement n° 1506631 du 19 octobre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a condamné solidairement M. H... et la société Pull Francis à verser à la communauté d'agglomération Perpignan Méditerranée la somme de 84 765,67 euros majorée des intérêts moratoires à compter du 21 juin 2017, a mis les frais et honoraires de l'expertise à leur charge solidaire et a condamné la société Pull Francis à garantir M. H... à hauteur de 65 % de la condamnation prononcée à son encontre.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 décembre 2017 et le 10 septembre 2018, la société Pull Francis, représentée par Me G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande présentée par la communauté d'agglomération Perpignan Méditerranée devant le tribunal ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer une condamnation divise et de limiter sa garantie à l'égard de M. H... à 35 % de la condamnation prononcée à l'encontre de celui-ci ;

3°) de mettre à la charge de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole, venue aux droits de la communauté d'agglomération Perpignan Méditerranée, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car il a méconnu la règle de suspension des poursuites posées par l'article L. 622-21 du code de commerce ;

- le jugement est irrégulier faute pour le tribunal d'avoir mis en cause MmeD..., mandataire judiciaire chargé de son plan de redressement ;

- en l'absence de déclaration de créance, la demande de la communauté d'agglomération Perpignan Méditerranée était irrecevable ;

- cette demande contentieuse était frappée de forclusion dès lors que le délai de déclaration de créance était écoulé ;

- M. H... ne pouvant faire l'objet d'une condamnation, elle ne pouvait être solidairement condamnée avec lui.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 août 2018, la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole, venue aux droits de la communauté d'agglomération Perpignan Méditerranée, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Pull Francis en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Pull Francis ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2018, la société Frans Bonhomme, représentée par Me J..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Pull Francis ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. I... Grimaud, rapporteur,

- les conclusions de M. F... Thiele, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., substituant Me G..., représentant la société Pull Francis et celles de Me B..., représentant la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté d'agglomération Perpignan Méditerranée a confié la maîtrise d'oeuvre d'une opération de construction d'un centre technique communautaire situé à Saint-Hyppolite à un groupement constitué de M. H... et de la société Ballud, par un marché signé le 13 novembre 2009. Par un marché de travaux publics notifié le 6 octobre 2010, la communauté d'agglomération Perpignan Méditerranée a chargé un groupement composé de la société Pull Francis et de la société Eurovia des travaux du lot n° 14 " terrassement, voies et réseaux divers, espaces extérieurs " de l'opération, comprenant notamment la construction d'une aire de lavage des véhicules de collecte des ordures ménagères. A la suite de la réception des travaux, intervenue le 8 février 2012, le maître de l'ouvrage a constaté que le décanteur de l'aire de lavage était d'une capacité insuffisante et que les eaux de lavage étaient insuffisamment épurées par le système de dépollution. Saisi par la communauté d'agglomération Perpignan Méditerranée, le tribunal administratif de Montpellier a, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, condamné solidairement M. H... et la société Pull Francis à lui verser une indemnité de 84 765,67 euros puis condamné M. H... à garantir la société Pull Francis à hauteur de 65 % de la condamnation prononcée à son encontre.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 622-21 du code de commerce : " I. - Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant : / 1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; / 2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. / (...) ". Selon l'article L. 622-22 du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant ". Aux termes des dispositions de l'article L. 622-23 de ce code : " Les actions en justice et les procédures d'exécution autres que celles visées à l'article L. 622-21 sont poursuivies au cours de la période d'observation à l'encontre du débiteur, après mise en cause du mandataire judiciaire et de l'administrateur lorsqu'il a une mission d'assistance ou après une reprise d'instance à leur initiative ". L'article L. 622-24 de ce code dispose par ailleurs : " A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat. Lorsque le créancier a été relevé de forclusion conformément à l'article L. 622-26, les délais ne courent qu'à compter de la notification de cette décision ; ils sont alors réduits de moitié. Les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié sont avertis personnellement ou, s'il y a lieu, à domicile élu. Le délai de déclaration court à l'égard de ceux-ci à compter de la notification de cet avertissement. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 641-3 du code de commerce : " Le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire a les mêmes effets que ceux qui sont prévus en cas de sauvegarde par les premiers et troisièmes alinéas du I et par le III de l'article L. 622-7, par les articles L. 622-21 et L. 622-22, par la première phrase de l'article L. 622-28 et par l'article L. 622-30. / (...) Les créanciers déclarent leurs créances au liquidateur selon les modalités prévues aux articles L. 622-24 à L. 622-27 et L. 622-31 à L. 622-33 ". Enfin, aux termes des dispositions de l'article L. 641-9 de ce code : " I. Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur (...) ".

3. En premier lieu, les dispositions qui précèdent, d'où résultent, d'une part, le principe de la suspension des poursuites individuelles sur les meubles et les immeubles à compter du jugement portant règlement judiciaire, d'autre part, l'obligation qui s'impose à l'administration comme à tous autres créanciers, de produire ses créances dans les conditions et délais fixés, ne comportent aucune dérogation aux dispositions régissant les compétences respectives des juridictions administratives et judiciaires. Dès lors, la société Pull Francis n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Montpellier, saisi d'une demande tendant à fixer le montant de la créance du maître de l'ouvrage à l'encontre des constructeurs, aurait été tenu de surseoir à statuer en attendant l'issue de la procédure de liquidation ouverte à l'encontre de M. H... devant l'autorité judiciaire.

4. En second lieu, d'une part, il résulte de l'article L. 641-3 du code de commerce que les dispositions de l'article L. 622-23 du même code imposant dans certains cas la mise en cause du mandataire judicaire ne sont pas applicables en cas de liquidation judiciaire. D'autre part, les dispositions de l'article L. 641-9 du code de commerce prescrivant le dessaisissement pour le débiteur de l'administration de ses biens ne sont édictées que dans l'intérêt des créanciers. Dès lors, seul le liquidateur peut s'en prévaloir pour exciper de l'irrecevabilité du dirigeant de la société dont la liquidation judiciaire a été prononcée à se pourvoir en justice ou à poursuivre une instance en cours. Faute pour le liquidateur d'avoir contesté la capacité de M. H... à défendre ses intérêts dans le cadre de l'instance introduite à son encontre par la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole, la société Pull Francis n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier en raison de l'absence de mise en cause du liquidateur judiciaire, le tribunal n'ayant d'ailleurs et en tout état de cause eu connaissance de l'ouverture de la procédure de liquidation qu'après la clôture de l'instruction, alors que le jugement ouvrant la procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de M. H... a été rendu avant cette clôture et pouvait dès lors être porté à la connaissance du tribunal en temps utile.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, s'il appartient de façon exclusive à l'autorité judiciaire de statuer sur l'admission ou la non-admission des créances déclarées, la circonstance que la collectivité publique dont l'action devant le juge administratif tend à faire reconnaître et évaluer ses droits à la suite des désordres constatés dans un ouvrage construit pour elle par une entreprise admise ultérieurement à la procédure de redressement, puis de liquidation judiciaire, n'aurait pas déclaré sa créance éventuelle dans le délai fixé par les dispositions précitées et n'aurait pas demandé à être relevée de la forclusion dans les conditions prévues le livre VI du code de commerce est sans influence sur la compétence du juge administratif pour se prononcer sur ces conclusions dès lors qu'elles ne sont elles-mêmes entachées d'aucune irrecevabilité au regard des dispositions dont l'appréciation relève de la juridiction administrative, et ce, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur l'extinction de cette créance. Il résulte également de ce qui précède que si les dispositions législatives précitées réservent à l'autorité judiciaire la détermination des modalités de règlement des créances sur les entreprises en état de redressement puis de liquidation judiciaire, il appartient au juge administratif d'examiner si la collectivité publique a droit à réparation et de fixer le montant des indemnités qui lui sont dues à ce titre par l'entreprise défaillante ou son liquidateur, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur le recouvrement de cette créance.

6. Il résulte de ce qui précède que la circonstance que la communauté d'agglomération Perpignan Méditerranée n'aurait pas déclaré sa créance dans les délais prescrits par les dispositions précitées et que le délai qui lui était imparti pour ce faire était expiré lors de la saisine du tribunal est sans incidence sur la recevabilité ou le bien-fondé de cette demande contentieuse. La société Pull Francis n'est dès lors pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient dû, pour ces motifs, s'interdire d'examiner la demande du maître de l'ouvrage ou d'y faire droit.

7. En second lieu, si la société Pull Francis fait valoir que M. H... ne pouvait être condamné en raison de la procédure de liquidation judicaire en cours et qu'elle ne pouvait dès lors être condamnée solidairement avec lui à réparer les préjudices invoqués par le maître de l'ouvrage, cette seule argumentation, qui ne remet en cause ni l'existence ni l'imputabilité commune à la requérante et à M. H... des désordres relevés par le tribunal, n'est pas de nature à remettre en cause le principe, l'étendue ou le caractère solidaire de la condamnation prononcée par les premiers juges.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Pull Francis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont, par le jugement attaqué, condamnée solidairement avec M. H... à verser une indemnité de 84 765,67 euros toutes taxes comprises à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole, venue aux droits de la communauté d'agglomération Perpignan Méditerranée, en réparation des désordres affectant le centre technique de Saint-Hyppolite et ont ensuite condamné M. H... à la garantir, à concurrence de 65 %, de la condamnation ainsi mise à sa charge. La requête doit donc être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice s'opposent à ce que la somme réclamée par la société Pull Francis sur leur fondement soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Perpignan Méditerranée, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu au contraire de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la société Pull Francis, à verser à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole en application de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Pull Francis est rejetée.

Article 2 : La société Pull Francis versera une somme de 2 000 euros à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pull Francis, à la communauté d'agglomération Perpignan Méditerranée, à la société Frans Bonhomme et à Me E...D..., mandataire liquidateur de la société H...Ingénérie.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2019, où siégeaient :

- M. David Zupan, président,

- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur,

- M. I... Grimaud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 mars 2019.

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N° 17MA04884


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA04884
Date de la décision : 18/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Prélèvements obligatoires - créances et dettes des collectivités publiques - Créances.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : RAFFIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-03-18;17ma04884 ?
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