Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros avec intérêts capitalisés en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de son exposition aux poussières d'amiante.
Par un jugement n° 1401928 du 29 décembre 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 16 février 2017, M. B..., représentée par la Selarl Teissonnière et Associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon en date du 29 décembre 2016 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi et la somme de 15 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, sommes majorées des intérêts capitalisés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- une faible période d'exposition à l'amiante suffit à déclencher une maladie ;
- il n'est pas nécessaire de justifier d'un syndrome anxio-dépressif ;
- il a été exposé durablement à l'inhalation des poussières d'amiante ;
- la carence fautive de l'Etat employeur est établie ;
- ses préjudices sont en lien direct avec cette carence fautive de l'Etat ;
- il a subi un préjudice d'anxiété et des troubles dans se conditions d'existence.
La requête a été communiquée le 23 juin 2017 au ministre de la défense qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;
- la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 ;
- le décret n° 77-949 du 17 août 1977 ;
- le décret n° 96-97 du 7 février 1996 ;
- le décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 ;
- le décret n° 2001-1269 du 21 décembre 2001 ;
- le décret n° 2002-832 du 3 mai 2002 ;
- l'arrêté du 28 février 1998, pris en application de l'article D. 461 25 du code de la sécurité sociale, fixant le modèle type d'attestations d'exposition et les modalités d'examen dans le cadre du suivi post professionnel des salariés ayant été exposés à des agents ou procédés cancérigènes ;
- l'arrêté du 21 décembre 2001 relatif à la liste des professions et des établissements ou parties d'établissements permettant l'attribution d'une allocation spécifique de cessation anticipée d'activité à certains ouvriers de l'Etat du ministère de la défense ;
- l'arrêté du 30 juin 2003 modifiant la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ;
- l'arrêté du 21 avril 2006 relatif à la liste des professions, des fonctions et des établissements ou parties d'établissements permettant l'attribution d'une allocation spécifique de cessation anticipée d'activité à certains ouvriers de l'État, fonctionnaires et agents non titulaires du ministère de la défense ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutel,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., de la Selarl Teissonnière et Associés, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
1. M. B..., ouvrier d'Etat au sein de la DCN de Toulon depuis le 22 décembre 1986 en qualité de dessinateur, a demandé au tribunal administratif de Toulon la réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence résultant des conséquences de son exposition à l'amiante. Par le jugement attaqué, la demande de M. B... a été rejetée. L'intéressé demande l'annulation de ce jugement en ce qu'il a rejeté ses prétentions indemnitaires.
2 La carence fautive de l'Etat-employeur, qui n'a pas pris de mesures de protection particulière contre les poussières d'amiante dans les ateliers de la DCN, est de nature à engager sa responsabilité.
3. La carence fautive de l'Etat dans la mise en oeuvre des règles d'hygiène et de sécurité a exposé ses personnels à un risque sanitaire grave dès lors qu'il ressort de l'ensemble des données scientifiques accessibles ou produites au dossier que les poussières d'amiante inhalées sont définitivement absorbées par les poumons, traversent ceux-ci jusqu'à la plèvre, sans que l'organisme puisse les éliminer, et peuvent provoquer à terme, outre des atteintes graves à la fonctionnalité respiratoire, des pathologies cancéreuses particulièrement difficiles à guérir en l'état des connaissances médicales. Le bénéfice, pour un travailleur, du double dispositif de l'allocation anticipée et de la surveillance post-professionnelle vaut reconnaissance, pour l'intéressé, de l'existence d'un lien établi de façon statistiquement significative entre son exposition aux poussières d'amiante et la baisse de son espérance de vie. Cette circonstance suffit ainsi, par elle-même, à faire naître chez son bénéficiaire la conscience du risque de tomber malade et par là-même d'une espérance de vie diminuée, et à être ainsi la source d'un préjudice indemnisable en tant que tel au titre du préjudice moral, en relation directe avec la carence fautive de l'Etat.
4. En outre, pour évaluer le montant accordé en réparation de ce poste de préjudice, il appartient au juge de tenir compte, dans chaque espèce, de l'ampleur de l'exposition personnelle du travailleur aux poussières d'amiante. Doivent ainsi notamment être prises en considération, tant les conditions d'exposition, lesquelles dépendent largement de la nature des fonctions de l'intéressé et des circonstances particulières de leur exercice, que la durée de cette exposition.
5. Ainsi, la décision de reconnaissance du droit à cette allocation spécifique de cessation anticipée d'activité vaut reconnaissance pour l'intéressé d'un lien établi entre son exposition aux poussières d'amiante et la baisse de son espérance de vie, et cette circonstance, qui suffit par elle-même à faire naître chez son bénéficiaire la conscience du risque de tomber malade, est la source d'un préjudice indemnisable au titre du préjudice moral.
Sur le préjudice moral :
6. Toutefois, M. B... n'a bénéficié ni d'une allocation spécifique de cessation anticipée d'activité ni du suivi post professionnel prévu par l'arrêté susvisé du 28 février 1995. Il appartenait dès lors au requérant d'apporter devant le juge, au-delà de la situation générale des conditions de travail des agents de la DCN, des éléments complémentaires probants relatifs à sa situation personnelle et aux conditions d'exercice de sa profession.
7. Or il résulte de l'instruction que l'intéressé ne produit aucun élément permettant d'apprécier les conditions ou l'ampleur de l'exposition dont il se prévaut, notamment aucun relevé de carrière du plan " amiante ", qui indiquerait l'état exact des services ayant pu risquer de l'exposer aux poussières d'amiante au cours de sa carrière, ni même une attestation d'exposition à l'amiante établie par son employeur.
8. La seule production d'un certificat de travail établi par la DCN, ne suffit pas à caractériser un risque d'exposition aux fibres d'amiante durant sa vie professionnelle tel qu'il serait de nature à générer un préjudice d'anxiété.
Sur le préjudice lié aux troubles dans les conditions d'existence :
9. M. B... ne produit aucun élément permettant d'établir qu'il aurait subi des examens médicaux à une fréquence élevée ni qu'il souffrirait d'un quelconque trouble dans ses conditions d'existence en lien avec la faute de l'Etat dans la protection de ses agents aux poussières d'amiante. Dans ces conditions, et en l'absence de circonstances particulières, M. B... n'est pas fondé à demander la réparation de ce chef de préjudice.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions précitées font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la DCN la somme que réclame M. B... au titre du remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 5 février 2019, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Coutel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 mars 2019.
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N° 17MA00730