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25/02/2019 | FRANCE | N°17MA00964

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 25 février 2019, 17MA00964


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...épouse E...et Mme D...E...ont demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune de Corscia et l'Etat à leur verser une somme de 43 950 euros en réparation tant du préjudice subi par Jean-Pierre E...que par elles-mêmes.

Par un jugement n° 1500471 du 12 janvier 2017, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande des consortsE....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mars 2017, Mme C...B...épouse E...et Mme D...E..., ayant

s-droit de Jean-PierreE..., représentées par MeA..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...épouse E...et Mme D...E...ont demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune de Corscia et l'Etat à leur verser une somme de 43 950 euros en réparation tant du préjudice subi par Jean-Pierre E...que par elles-mêmes.

Par un jugement n° 1500471 du 12 janvier 2017, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande des consortsE....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mars 2017, Mme C...B...épouse E...et Mme D...E..., ayants-droit de Jean-PierreE..., représentées par MeA..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 12 janvier 2017 ;

2°) de condamner la commune de Corscia et l'Etat à leur verser la somme de 43 950 euros en réparation tant du préjudice subi par Jean-Pierre E...que par elles-mêmes ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Corscia et de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens, ceux-ci comprenant les frais d'expertise.

Elles soutiennent que :

- aucune faute de la victime, exonératoire de responsabilité, ne peut être opposée en l'espèce ;

- la responsabilité de la commune de Corscia et de l'Etat est engagée pour faute en raison de carences de prise des mesures de nature à prévenir et réprimer la divagation d'animaux errants ;

- les mesures réglementaires prises se sont révélées insuffisantes ;

- la mairie n'a notamment pas aménagé de lieu de dépôt, dans un lieu désigné afin d'y placer le bétail en état de divagation, même hors du cas prévu par l'article L. 211-1 du code rural, alors même que la fréquente divagation d'animaux, existant depuis plusieurs années, le justifiait ;

- les fautes sont en lien de causalité direct avec les préjudices subis par Jean-PierreE... ;

- elles sont fondées à demander au titre des préjudices patrimoniaux le versement des sommes suivantes : 1 000 euros au titre des frais divers et 1 500 euros au titre de l'aide familiale ;

- elles sont également fondées à demander au titre des préjudices extrapatrimoniaux le versement des sommes suivantes : 1 550 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 10 600 euros au titre des souffrances endurées, 16 800 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément et enfin 2 500 euros au titre du préjudice esthétique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions tendant à obtenir la condamnation solidaire de la commune de Corscia et de l'État sont irrecevables, dès lors qu'aucune demande indemnitaire préalable n'a été présentée au préfet de la Haute -Corse et qu'en première instance, le tribunal n'était saisi que de conclusions de condamnation à réparation à l'encontre de la seule commune de Corscia ;

- les moyens soulevés par les consorts E...ne sont pas fondés.

Vu :

- l'ordonnance du 14 novembre 2014 par laquelle le président du tribunal administratif de Bastia a taxé et liquidé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 600 euros ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pecchioli,

- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 2 septembre 2012, vers 11h30, Jean-PierreE... , qui s'affairait à la plantation d'un arbre dans sa propriété situé sur la commune de Corscia, a été victime de l'attaque d'un taureau qui avait pénétré dans son jardin. Blessé, il a été transporté à l'hôpital de Bastia par hélicoptère pour y recevoir des soins. L'animal a finalement était retrouvé abattu, son oreille mutilée afin de ne pas permettre son identification. L'enquête a d'ailleurs été classée sans suite. Suivant ordonnance n°1400496 du 24 juillet 2014, le juge des référés du tribunal administratif, a, sur requête de M.E..., désigné un expert sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, avec mission d'évaluer les éléments de son préjudice. L'expert a déposé son rapport d'expertise le 11 novembre 2014. Suite au décès de Jean-Pierre E...survenu le 9 novembre 2014, son épouse et sa fille tant en leur nom propre qu'en leur qualité d'héritière demandent la condamnation de la commune de Corscia à leur verser une somme de 43 950 euros en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subies. Elles relèvent appel du jugement rendu par le tribunal administratif de Bastia du 12 janvier 2017 qui a rejeté leurs demandes.

Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires dirigées à l'encontre de l'Etat :

2. Il ne résulte pas de l'instruction, comme le fait valoir le ministre de l'intérieur, que les consorts E...aient présenté une demande indemnitaire préalable au représentant de l'Etat dans le département de la Haute-Corse. Ainsi, à supposer même qu'il ait entendu en première instance diriger leurs conclusions indemnitaires également contre l'Etat, le contentieux n'a, en tout état de cause, pas été lié dès lors qu'une fin de non-recevoir a été opposé en ce sens par le ministre de l'intérieur, dans son mémoire enregistré le 15 janvier 2019. Dans ces conditions, il y a lieu d'accueillir cette fin de non-recevoir et de considérer les conclusions indemnitaires à l'encontre de l'Etat formées par Mmes E...comme étant, en tout état de cause, irrecevables.

Sur la responsabilité de la commune de Corscia :

3. D'une part, les dispositions de l'article 1385 du code civil prescrivent que " Le propriétaire d'un animal ou celui qui s'en sert pendant qu'il est à son usage est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé ". Les dispositions de l'article L. 211-1 du code rural, qui figure sous le titre " Animaux de rente " précisent que " Lorsque des animaux non gardés ou dont le gardien est inconnu ont causé du dommage, le propriétaire lésé a le droit de les conduire sans retard au lieu de dépôt désigné par le maire qui, s'il connaît la personne responsable du dommage aux termes de l'article 1385 du code civil, lui en donne immédiatement avis. / Si les animaux ne sont pas réclamés, et si le dommage n'est pas réparé dans la huitaine du jour où il a été commis, il est procédé à la vente sur ordonnance du juge compétent de l'ordre judiciaire qui évalue les dommages... ". Ces dernières dispositions ne constituent toutefois pas un fondement légal des pouvoirs de police du maire mais ont pour seul objet de faciliter la mise en oeuvre de la responsabilité du gardien de l'animal à l'égard des tiers, instituée par l'article 1385 du code civil dans le cas où l'animal a causé un dommage.

4. D'autre part, les dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales prévoient que " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 7° Le soin d'obvier ou de remédier aux évènements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces (...). ".

5. Il ressort toutefois, de l'ensemble de ces textes que même lorsque l'article L. 211-1 du code rural n'est pas applicable, en l'absence de dommage effectivement causé par le bétail, le 7° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, qui permet au maire, autorité de police municipale, de prendre des mesures dans le but " d'obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces ... " l'autorise à organiser le dépôt, dans un lieu désigné, du bétail en état de divagation. Ces dispositions confient donc à l'autorité de police municipale le soin de prendre et de mettre en oeuvre les mesures nécessaires pour faire cesser les troubles à l'ordre public et les dommages résultant de l'errance d'animaux sur le territoire de la commune. Cette mesure est également au nombre de celles que le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, en vertu du 1° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales et dans les conditions prévues par ces dispositions, en se substituant au maire éventuellement défaillant. Il s'ensuit que la responsabilité de la commune et, le cas échéant, de l'Etat peut dès lors être engagée en cas de carence dans l'exercice de ce pouvoir.

6. En l'espèce, il n'est, tout d'abord, pas contesté que la divagation de bovins est un phénomène récurent sur le territoire de la commune de Corscia, le maire de cette commune ayant d'ailleurs pris dès l'année 2009 puis en 2010, un arrêté portant interdiction aux éleveurs de la commune de laisser divaguer leurs animaux sur le territoire communal. Toutefois, il n'est pas établi que le maire ait été averti, avant l'attaque du taureau du 2 septembre 2012, qui a également foncé sur un automobiliste et sur deux autres personnes avant d'être abattu, d'un quelconque incident ou blessure causé par du bétail en divagation. Si les appelantes arguent que le taureau a rejoint un troupeau de vaches situé à environ 300 mètres du stade, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir que ce troupeau était lui-même en état de divagation. Il n'est ensuite pas contesté que le maire de cette commune a également procéder depuis l'année 2009 à l'information régulière des éleveurs quant aux décisions prises au sujet de la divagation d'animaux, à la convocation trimestrielle de l'ensemble des éleveurs pour envisager les solutions devant être mises en oeuvre, à la publication régulière d'articles concernant les problèmes liés à la divagation d'animaux ainsi que de la tenue d'entretiens tenus à ce sujet avec le sous-préfet et avec les services de police destiné à envisager la verbalisation des éleveurs laissant divaguer leurs bêtes. Il n'est ainsi pas établi que la situation, à la date de l'accident subi par Jean-PierreE..., le 2 septembre 2012, soit deux ans après l'édiction du dernier arrêté portant interdiction de divagation d'animaux sur la commune, dont il n'est pas établi qu'il était dépourvu de tout effet, exigeait la création d'un lieu de dépôt adapté afin que les animaux présentant un danger puissent être parqués. Dans ces conditions, le maire de la commune de Corscia, ne peut être regardé comme ayant commis une faute, dans l'exercice des pouvoirs de police qu'il tient des dispositions précitées de l'article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales, de nature à engager la responsabilité de la commune.

7. Il résulte de ce qui précède que Mmes E...ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande.

Sur les dépens :

8. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de laisser à la charge de Mmes E...les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 600 euros par ordonnance du président du tribunal administratif du 14 novembre 2014.

Sur frais de l'instance :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune ou de l'Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées par les consorts E...au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C...B...épouse E...et de Mme D...E...est rejetée.

Article 2 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 600 euros, sont laissés à la charge de Mmes C...et D...E....

Article 3 : le présent jugement sera notifié à Mme C...B...épouseE..., à Mme D...E..., à la commune de Corscia et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse et au préfet de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 4 février 2019, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Pecchioli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 février 2019.

2

N° 17MA00964


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA00964
Date de la décision : 25/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-02-03-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services de police. Police municipale.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Jean-Laurent PECCHIOLI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : FAIS ALESSANDRA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-02-25;17ma00964 ?
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