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22/02/2019 | FRANCE | N°18MA00857

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 22 février 2019, 18MA00857


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés du 23 janvier 2018 par lesquels le préfet de l'Hérault a décidé son transfert aux autorités italiennes, compétentes pour l'examen de sa demande d'asile et son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1800357, 1800358 en date du 26 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête e

nregistrée le 22 février 2018, M. A..., représenté par Me G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés du 23 janvier 2018 par lesquels le préfet de l'Hérault a décidé son transfert aux autorités italiennes, compétentes pour l'examen de sa demande d'asile et son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1800357, 1800358 en date du 26 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 février 2018, M. A..., représenté par Me G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 26 janvier 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 23 janvier 2018 portant transfert aux autorités italiennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 23 janvier 2018 portant transfert aux autorités italiennes ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté prononçant sa remise aux autorités italiennes est entaché d'incompétence de l'auteur de l'acte ;

- il est également entaché d'un défaut de motivation ;

- sa notification est irrégulière dès lors que le nom de l'interprète est illisible ;

- l'entretien s'est déroulé de manière irrégulière en l'absence de personne qualifiée ;

- le préfet a commis une erreur de droit en ne mentionnant pas les modalités de transfert de responsabilité ;

- il a commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant de le transférer aux autorités italiennes malgré la défaillance du système de protection en Italie et sans faire usage de son pouvoir discrétionnaire d'examen de sa demande d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'union européenne ;

- le règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement n° 1560/2003 de la commission du 2 septembre 2003 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité soudanaise, relève appel du jugement du 26 janvier 2018 en tant que le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 23 janvier 2018 portant transfert aux autorités italiennes.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige portant transfert

aux autorités italiennes a été signé par Mme D...C..., directrice des migrations et de l'intégration de la préfecture de l'Hérault. Par un arrêté n° 2017-I-1282 du 3 novembre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 113 du 3 novembre 2017, le préfet de l'Hérault a consenti à celle-ci une délégation de signature " pour les matières relevant des attributions du ministère de l'intérieur ", cet article précisant que cette délégation concerne " notamment " certaines mesures particulières, en particulier " toute décision ayant trait à une mesure d'éloignement concernant les étrangers séjournant irrégulièrement sur le territoire français et les décisions en matière de rétention administrative ou d'assignation à résidence des étrangers objets d'une telle mesure, prise en application des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". Il résulte de ces dispositions que Mme C... était, ainsi, compétente, à la date de l'arrêté en litige, pour signer toutes les décisions, autres que les arrêtés préfectoraux réglementaires et les demandes de retrait des décrets de naturalisation, relevant des attributions du ministère de l'intérieur, et notamment celles qui ne concernaient pas l'éloignement des étrangers ne séjournant pas en situation irrégulière sur le territoire national au nombre desquelles figurent les décisions de transferts de demandeurs d'asile à l'État membre responsable de l'examen de leur demande de protection internationale par application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 précité et les mesures d'assignation à résidence pour permettre la mise à exécution de ces transferts dans les délais impartis. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'autorité signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes du second alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite et motivée prise par l'autorité administrative. Cette décision est notifiée à l'intéressé. (...). Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend. ".

4. L''arrêté en litige, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui le fondent, est suffisamment motivé.

5. En troisième lieu, l'absence de lisibilité alléguée du nom de l'interprète ayant procédé à la lecture de la décision litigieuse en arabe, au demeurant non établie, le nom de M. F... ressortant clairement sur l'arrêté en litige, est sans incidence sur sa légalité.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été reçu, le 11 octobre 2017, par un agent de la préfecture de l'Hérault, dans les locaux de celle-ci à Montpellier, dans le cadre d'un entretien au cours duquel cet agent, identifié sous les initiales " H. K. " sur le formulaire d'entretien individuel, était assisté par un interprète. La seule circonstance que le procès-verbal ne comporte pas d'autres informations relatives à l'identité et la qualité de la personne ayant conduit l'entretien ne suffit pas à démontrer qu'il ne se serait pas déroulé dans des conditions conformes aux dispositions précitées, ni que le requérant aurait été privé d'une garantie. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions précitées du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

8. En cinquième lieu, aux termes des dispositions de l'article 26-2 du règlement (UE) n° 604/2013 : " La décision (...) contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise en oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable. Les États membres veillent à ce que des informations sur les personnes ou entités susceptibles de fournir une assistance juridique à la personne concernée soient communiquées à la personne concernée avec la décision visée au paragraphe 1, si ces informations ne lui ont pas encore été communiquées (...) ".

9. Le requérant soutient qu'il devait être informé du lieu et de la date auxquels il devait se présenter afin de se rendre de son propre chef en Italie. Cependant, et alors au demeurant qu'il n'allègue pas avoir informé l'administration de son intention de rejoindre le pays responsable de sa demande d'asile par ses propres moyens, l'article 26 du règlement n° 604/2013 n'impose pas au préfet de préciser à l'intéressé l'ensemble des modalités de transfert, notamment la possibilité de transfert volontaire. Dès lors, un tel moyen, qui concerne les conditions d'exécution de la mesure de transfert, est inopérant.

10. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement UE n° 604-2013 susvisé : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable (...) ". Selon l'article 17 de ce règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". La mise en oeuvre de l'article 17 par les autorités françaises doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution aux termes duquel : " (...) les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif. ". La faculté laissée à chaque État membre, par les dispositions précitées, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

11. Le requérant soutient que sa remise aux autorités italiennes lui fait courir le risque que sa demande d'asile ne soit pas examinée correctement, dès lors qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant. Les conditions d'accueil des demandeurs d'asile et de traitements de leurs demandes ne seraient pas assurées, compte tenu de l'afflux de demandeurs d'asile en Italie et de la politique des autorités italiennes très souvent condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme à ce titre.

12. L'Italie est un État membre de l'Union européenne partie à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. S'il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, les éléments d'ordre général relatifs aux modalités d'application des règles relatives à l'asile par les autorités italiennes ne suffisent pas à établir que la réadmission d'un demandeur d'asile vers l'Italie est, par elle-même, constitutive d'une atteinte grave au droit d'asile. Par suite, M. A... n'établit par aucun élément probant que sa demande d'asile ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans le respect de l'ensemble des garanties attachées au droit d'asile. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Hérault n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces dispositions en prononçant la remise de M. A... aux autorités italiennes.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme au titre des frais d'instance non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me G....

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 8 février 2019, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 22 février 2019.

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N° 18MA00857

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA00857
Date de la décision : 22/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : JOSEPH MASSENA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-02-22;18ma00857 ?
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