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14/02/2019 | FRANCE | N°18MA04655-18MA04656

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 14 février 2019, 18MA04655-18MA04656


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 6 août 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au séjour au titre de l'asile.

Par un jugement n° 1806714 du 27 septembre 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 31 octobre 2018 sous le n° 18MA04655, M. D..., représenté par Me C..., demande

à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1806714 du 27 sep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 6 août 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au séjour au titre de l'asile.

Par un jugement n° 1806714 du 27 septembre 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 31 octobre 2018 sous le n° 18MA04655, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1806714 du 27 septembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 août 2018 lui refusant l'admission au séjour et portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans cette attente, une attestation de demandeur d'asile, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 500 euros à verser à Me C....

Il soutient que :

- l'arrêté préfectoral en litige est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa demande et d'un défaut de motivation ;

- l'arrêté préfectoral en litige est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ces décisions sur sa situation personnelle ;

- l'arrêté préfectoral en litige méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur de droit dans la mesure où le préfet s'est estimé lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et l'arrêt de la Cour nationale du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 31 octobre 2018 sous le n° 18MA04656, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1806714 du 27 septembre 2018 ;

2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile ou une autre autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de réexaminer sa situation ;

3°) de mettre à la charge de l'État sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 500 euros à verser à Me C....

Il soutient que :

- l'exécution de l'arrêté préfectoral en litige l'expose à des conséquences difficilement réparables au sens de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;

- les moyens d'annulation de sa requête d'appel présentent un caractère sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Des mémoires de production présentés pour M. D... ont été enregistrés le 28 janvier 2019 postérieurement à la clôture d'instruction.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 14 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Silvy, premier conseiller,

- et les observations de Me C..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien né le 12 juillet 1989, relève appel, par sa requête enregistrée sous le n° 18MA04655, du jugement du 27 septembre 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 6 août 2018 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français, en fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Par une requête enregistrée sous le n° 18MA04656, M. D... demande à la Cour, à titre principal, le sursis à exécution de ce jugement.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées n° 18MA04655 et 18MA04656 de M. D... présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes, d'une part, de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 applicable à la date de l'arrêté en litige : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) 5° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé ; / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 de ce code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 alors applicable : " (...) I bis. L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...) ".

4. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que le préfet, s'il a la faculté d'examiner, le cas échéant d'office, le droit d'un étranger demandeur d'asile de demeurer sur le territoire français à un autre titre que l'asile, est en revanche tenu, dès lors que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile, ont refusé de reconnaître à l'intéressé la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, de rejeter la demande d'admission au séjour présentée sur ce fondement. Toutefois, lorsque le préfet, statuant sur la demande de titre de séjour, examine d'office si l'étranger est susceptible de se voir délivrer un titre sur un autre fondement que l'asile, tous les motifs de rejet de la demande, y compris donc les motifs se prononçant sur les fondements examinés d'office par le préfet, peuvent être utilement contestés devant le juge de l'excès de pouvoir. Il en va, par exemple, ainsi si la décision de refus de titre de séjour a pour motif que le demandeur n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit ou que le refus ne porte pas d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé.

6. En premier lieu, M. D... fait valoir que l'arrêté en litige serait entaché de défaut d'examen sérieux de sa demande dès lors que le préfet se serait cru lié par la décision de la Cour nationale du droit d'asile sur sa demande d'asile et de défaut de motivation. Il ressort toutefois des termes même de l'arrêté que le préfet des Bouches-du-Rhône a visé les textes dont il a fait application et notamment l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté fait également état de l'entrée irrégulière sur le territoire français de M. D... le 3 avril 2017, de la procédure suivie devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile et du rejet par cette dernière de son recours le 25 juin 2018 avant de procéder, de sa propre initiative, à l'examen de son droit au séjour au regard des stipulations des articles 6 et 7 bis de l'accord franco-algérien précité. Par suite, l'arrêté attaqué du préfet des Bouches-du-Rhône portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui le fondent et doit être regardé comme suffisamment motivé. Le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de sa demande d'admission au séjour doit également être écarté dès lors que le préfet, qui était tenu de rejeter la demande présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile après la décision définitive de la Cour nationale du droit d'asile, ne s'est pas estimé lié quant à l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation sur le fondement d'autres dispositions.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".

8. Ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un État pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que celui-ci s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet État, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'État de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

9. M. D... ne produit aucun élément nouveau par rapport à ceux produits au cours de la procédure suivie devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile pour établir les menaces émanant de délinquants dont il ferait l'objet dans son pays d'origine, alors qu'il résidait dans une résidence réservée aux membres de la famille de policiers, et l'impossibilité d'obtenir un secours utile des autorités. Il se borne, ainsi, à produire une coupure de presse faisant état d'une grâce du président de la République algérienne pour certains détenus en reprise d'étude et produit la carte de policier en retraite d'un parent. Les éléments produits à l'appui de ses allégations ne suffisent pas à établir la réalité des risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine. M. D... n'est, par suite, pas fondé à demander l'annulation de cette décision pour ce motif.

10. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des éléments relatifs aux troubles psychologiques dont il est affecté et dont il n'est pas établi qu'il ne pourrait pas être pris en charge dans son pays d'origine, que les décisions lui refusant l'admission au séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation personnelle.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. L'ensemble de ses conclusions, en ce y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doit, par suite, être rejeté.

Sur les conclusions tendant à ce que soit ordonné le sursis à exécution du jugement du 27 septembre 2018 :

12. Dès lors que la Cour se prononce, par le présent arrêt, sur la légalité de l'arrêté du 6 août 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône et sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 1806714 du tribunal administratif de Marseille, il n'y a plus lieu à statuer sur les conclusions tendant au sursis à exécution de ce jugement.

13. Le surplus des conclusions de cette requête, en ce compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doit, par suite, être rejeté.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. D..., enregistrée sous le n° 18MA04656, aux fins de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1806714 du 27 septembre 2018.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... enregistrée sous le n° 18MA04656 est rejeté.

Article 3 : La requête de M. D... enregistrée sous le n° 18MA04655 est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Me B... C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2019, où siégeaient :

- M. Poujade, président de chambre,

- M. Portail, président assesseur,

- M. Silvy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 février 2019.

2

N° 18MA04655, 18MA04656

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA04655-18MA04656
Date de la décision : 14/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Jean-Alexandre SILVY
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : VITALI ; VITALI ; VITALI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-02-14;18ma04655.18ma04656 ?
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