Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C...a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat à lui payer la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'agression dont elle a été victime le 11 décembre 2012 et en raison de la mauvaise gestion de son dossier d'accident de service.
Par un jugement n° 1607039 du 18 décembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi à la suite de l'agression dont elle a été victime le 11 décembre 2012 et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 février 2018, Mme C... représentée par Me A... demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 décembre 2017 en tant qu'il a limité à la somme de 5 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'Etat en réparation du préjudice qu'elle a subi ;
2°) de porter à la somme de 60 000 euros le montant de cette indemnité ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, l'Etat a commis une faute en faisant preuve de négligence dans la surveillance des élèves et dans la mise en oeuvre de mesures de sécurité à l'entrée de l'établissement ;
- il a également commis une faute dans la gestion de son dossier d'accident de service en transmettant tardivement la déclaration d'accident de service à l'Assurance maladie, la contraignant à faire l'avance des frais médicaux et à subir un retard de 60 jours dans le paiement de ses indemnités journalières ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité sans faute de l'Etat est engagée ;
- elle est en droit d'obtenir la somme de 55 000 euros en réparation de son préjudice moral ainsi que la somme de 5 000 euros en réparation des troubles subis dans ses conditions d'existence ;
Par un mémoire, enregistré le 5 décembre 2018, le ministre de l'éducation nationale demande le rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 décembre 2017 en tant qu'il a fait droit partiellement aux conclusions de la demande de Mme C....
Il fait valoir que :
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables en tant qu'elles excèdent le montant réclamé en première instance ;
- ses services n'ont pas commis de faute dans l'organisation de la sécurité de l'établissement ;
- les préjudices allégués ne sont pas établis.
Par lettre du 18 décembre 2018, les parties ont été informées que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les dispositions de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale font obstacle à ce qu'un agent contractuel de droit public, dès lors qu'il ne se prévaut pas d'une faute intentionnelle de son employeur ou de l'un des préposés de celui-ci, puisse exercer contre cet employeur une action en réparation devant les juridictions administratives, conformément aux règles du droit commun, à la suite d'un accident du travail dont il a été la victime.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Tahiri,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., recrutée en qualité de professeur contractuel d'art plastique au sein du lycée professionnel Pierre-Georges Latécoère d'Istres, a été victime le 11 décembre 2012 d'une agression commise par des élèves de l'établissement. Elle fait appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 décembre 2017 en tant qu'il a limité à la somme de 5 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'Etat en réparation du préjudice qu'elle a subi et demande de porter à la somme de 60 000 euros le montant de l'indemnité due au titre de son préjudice. L'Etat conclut au rejet de cette demande et, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 décembre 2017 en tant qu'il a fait droit partiellement aux conclusions de la demande de Mme C....
Sur l'agression du 11 décembre 2012 :
2. Aux termes de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale : " Sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 452-1 à L. 452-5, L. 454-1, L. 455-1, L. 455-1-1 et L. 455-2 aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit. ". L'article L. 452-1 du même code dispose : " Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants. ". L'article L. 452-3 de ce code, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, prévoit que, dans le cas d'une faute inexcusable de l'employeur, la victime a le droit de demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale qui sont résultés pour elle de l'accident. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 452-5 du même code : " Si l'accident est dû à la faute intentionnelle de l'employeur ou de l'un de ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. (...). ". Enfin, selon le premier alinéa de l'article L. 454-1 de ce même code : " Si la lésion dont est atteint l'assuré social est imputable à une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. ".
3. Il résulte des dispositions précitées qu'un agent contractuel de droit public peut demander au juge administratif la réparation par son employeur du préjudice que lui a causé l'accident du travail dont il a été victime, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du code de la sécurité sociale, lorsque cet accident est dû à la faute intentionnelle de cet employeur ou de l'un de ses préposés. Il peut également exercer une action en réparation de l'ensemble des préjudices résultant de cet accident non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, contre son employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, en cas de faute inexcusable de ce dernier, ou contre une personne autre que l'employeur ou ses préposés, conformément aux règles du droit commun, lorsque la lésion dont il a été la victime est imputable à ce tiers.
4. Il résulte, en revanche, des mêmes dispositions qu'en dehors des hypothèses dans lesquelles le législateur a entendu instituer un régime de responsabilité particulier, un agent contractuel de droit public, dès lors qu'il ne se prévaut pas d'une faute intentionnelle de son employeur ou de l'un des préposés de celui-ci, ne peut exercer contre cet employeur une action en réparation devant les juridictions administratives, conformément aux règles du droit commun, à la suite d'un accident du travail dont il a été la victime.
5. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a, sur le fondement des principes applicables aux fonctionnaires issus des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires, jugé que la responsabilité sans faute de l'Etat était engagée.
6. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme C....
7. Mme C... fait valoir que son employeur a fait preuve de négligence dans la surveillance des élèves et dans la mise en oeuvre de mesures de sécurité à l'entrée de l'établissement, les agissements violents et les propos antisémites tenus par certains d'entre eux ayant été signalés par de nombreux professeurs. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que l'agression dont elle a été victime le 11 décembre 2012, alors qu'elle se trouvait en salle de classe, commise par deux élèves qui ont projeté en sa direction une bouteille explosive contenant de l'acide chlorhydrique et de l'aluminium, résulterait d'une faute commise par l'Etat ou l'un de ses préposés dans l'intention délibérée de lui causer un dommage corporel ou psychologique. Par suite, dès lors qu'il n'est pas établi que l'Etat aurait commis une faute intentionnelle au sens des dispositions précitées du code de la sécurité sociale, les conclusions indemnitaires de Mme C... doivent être rejetées.
Sur la gestion du dossier d'accident de service de Mme C... :
8. Mme C... fait valoir que l'Etat a commis des fautes dans la gestion de son dossier en transmettant tardivement la déclaration d'accident de service à l'Assurance maladie, la contraignant à faire l'avance des frais médicaux et à subir un retard de 60 jours dans le paiement de ses indemnités journalières. Toutefois, à supposer même établis les différents griefs qu'elle invoque, elle ne démontre aucunement qu'il en serait résulté pour elle un quelconque préjudice moral ou des troubles dans les conditions d'existence distincts de ceux résultant de l'agression dont elle a été victime, alors qu'elle a notamment continué à percevoir sa rémunération pendant ce délai.
9. Il résulte de tout ce qui précède que l'Etat est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a condamné à indemniser Mme C.... Ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des demandes de Mme C..., les articles 1 et 2 du jugement attaqué doivent être annulés.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Les articles 1 et 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 décembre 2017 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de Mme C... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Copie en sera adressée au fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2019, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- Mme Tahiri, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 février 2019.
N° 18MA00777 2