La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/02/2019 | FRANCE | N°17MA01384

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 05 février 2019, 17MA01384


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner La Poste à lui verser une somme de 30 738,61 euros en réparation du préjudice résultant des fautes qui auraient été commises dans la gestion de sa carrière.

Par un jugement n° 1501316 du 2 février 2017, le tribunal administratif de Toulon a condamné La Poste à lui verser la somme de 3 000 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 29 mars 2017 et le 8 octobre 2018, M. B...,

représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) de réformer ce jugement du 2 février 2017 en t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner La Poste à lui verser une somme de 30 738,61 euros en réparation du préjudice résultant des fautes qui auraient été commises dans la gestion de sa carrière.

Par un jugement n° 1501316 du 2 février 2017, le tribunal administratif de Toulon a condamné La Poste à lui verser la somme de 3 000 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 29 mars 2017 et le 8 octobre 2018, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) de réformer ce jugement du 2 février 2017 en tant que le tribunal administratif de Toulon a limité à la somme de 3 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné La Poste en réparation du préjudice qu'il a subi ;

2°) de porter à la somme de 30 738,61 euros le montant de l'indemnité due en réparation des fautes commises dans la gestion de sa carrière, avec intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2014 ;

3°) d'enjoindre à La Poste de le nommer au grade de réviseur des travaux bâtiments à compter du 31 décembre 2009 et de reconstituer ses droits sociaux et ses droits à pension ;

4°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

* le jugement est insuffisamment motivé ;

* en méconnaissance du principe d'égalité entre fonctionnaires du même corps, sa promotion au grade de réviseur des travaux des bâtiments est intervenue tardivement ;

* l'absence de notation pendant plusieurs années et l'affectation à des missions orphelines sans fiche de poste ont contribué au blocage de sa carrière ;

* le préjudice matériel subi s'élève à la somme de 12 738,61 euros ;

* le préjudice résultant de l'absence de notation doit être réparé à hauteur de 8 000 euros ;

* le préjudice moral subi doit être réparé à hauteur de 10 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2018, La Poste, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 septembre 2018, la clôture de l'instruction a été reportée au 9 octobre 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

* la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

* la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

* le décret n° 91-105 du 25 janvier 1991 ;

* le décret n° 2001-614 du 9 juillet 2001 ;

* l'arrêté du 9 juillet 2001 déterminant la liste des éléments à prendre en compte dans l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de La Poste ;

* le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

* le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

* les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

* les observations de Me C..., représentant M. B...

* et les observations de Me D..., représentant La Poste.

Une note en délibéré, présentée par Me C...pour M. B..., a été enregistrée le 22 janvier 2019.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., fonctionnaire de La Poste, alors titulaire du grade de technicien des installations de télécommunications, a été promu au grade de réviseur des travaux de bâtiment le 18 janvier 2013 à compter du 30 décembre 2012, après inscription sur liste d'aptitude. Admis à la retraite depuis le 1er mai 2014, il a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner La Poste à lui verser la somme de 30 738,61 euros en réparation du préjudice résultant des fautes qui auraient été commises dans la gestion de sa carrière. Il relève appel du jugement du 2 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulon a condamné La Poste à lui verser la somme de

3 000 euros en réparation du préjudice moral subi.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

2. Par lettres du 1er février 2011, du 1er juillet 2011, du 12 septembre 2014 et du 22 octobre 2014, M. B... a vainement demandé à La Poste la communication de son dossier individuel. En s'abstenant de donner suite à ces demandes, La Poste a manqué à l'obligation mise à sa charge par l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et a ainsi commis une faute. En fixant à 2 000 euros, l'indemnité due par La Poste en réparation du préjudice moral subi à ce titre par l'intéressé, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice.

3. Aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration ou à une organisation internationale intergouvernementale, non seulement par voie de concours selon les modalités définies au troisième alinéa (2°) de l'article 19 ci-dessus, mais aussi par la nomination de fonctionnaires ou de fonctionnaires internationaux suivant l'une des modalités ci-après : (...) 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission administrative paritaire du corps d'accueil, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents. (...) ". Aux termes de l'article 17 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires et exprimant leur valeur professionnelle leur sont communiquées. / Les statuts particuliers peuvent ne pas prévoir de système de notation. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 9 juillet 2001 alors relatif à la notation des fonctionnaires de La Poste et des fonctionnaires de France Télécom : " La notation qui exprime la valeur professionnelle des fonctionnaires de La Poste et des fonctionnaires de France Télécom est établie annuellement et comporte pour chaque fonctionnaire : / 1° Une appréciation d'ordre général qui rend compte de sa manière de servir, notamment de l'évolution de sa valeur professionnelle par rapport à l'année précédente ainsi que de son aptitude à exercer, dans l'immédiat ou dans l'avenir, au besoin après une formation appropriée, des fonctions différentes de même niveau ou d'un niveau supérieur ;

/ 2° L'indication d'un niveau de valeur qui est déterminé d'après une échelle de cotation à quatre niveaux (...) ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " La notation définie à l'article 1er ci-dessus est arrêtée par le chef de service après un entretien qui réunit le fonctionnaire et son supérieur hiérarchique pour un examen des éléments qui caractérisent la valeur professionnelle de ce fonctionnaire. Elle donne lieu à l'établissement d'une notice individuelle de notation (...) ".

4. Il résulte des dispositions de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 que, pour élaborer les propositions qu'elle soumet à l'appréciation de la commission administrative paritaire, l'autorité compétente doit avoir procédé à un examen approfondi de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle de chacun des agents remplissant les conditions pour être promus. Elle n'est pas tenue de faire figurer l'ensemble des agents remplissant ces conditions dans les propositions qu'elle adresse à la commission. Il lui est loisible, pour des raisons pratiques, notamment en raison du nombre d'agents concernés, de classer les candidats en un nombre limité de catégories, dès lors qu'elle tient à la disposition de la commission administrative paritaire les éléments sur lesquels elle s'est fondée pour établir ses projets de listes après avoir comparé les mérites respectifs des agents, et que la commission n'est pas tenue par ce classement proposé. En outre, la valeur professionnelle des fonctionnaires de La Poste proposés à l'avancement de grade par la promotion interne est appréciée compte tenu principalement de leurs notes et des propositions motivées formulées par les chefs de service.

5. Il résulte de l'instruction que M. B... a été affecté entre 2006 et 2011 à des tâches dites " orphelines ", la nature précise de ses fonctions n'ayant d'ailleurs pu être définie par une fiche de poste. Il n'a pas été noté au titre des années 2007 à 2010. S'il a refusé de se rendre à l'entretien auquel il a été convoqué en vue d'établir sa notation au titre de l'année 2011, aucun élément n'indique que La Poste n'était pas en mesure d'apprécier la valeur professionnelle de l'intéressé. Dans ces conditions, ce dernier est fondé à soutenir que l'absence de notation sur la période de 2007 à 2011 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de La Poste pour réparer les préjudices qu'il a subis et qui en résultent directement.

6. Eu égard à l'ancienneté de service dont le requérant justifiait, à la proximité de son départ à la retraite et au fait que des voies de promotion interne ont été effectivement offertes aux fonctionnaires " reclassés " de La Poste à compter de 2009, le requérant a subi, du fait de l'absence de notation sur la période de 2007 à 2011, un préjudice moral qui doit être réparé à hauteur de 1 000 euros, ainsi que l'a estimé le tribunal administratif.

7. Ainsi qu'il a été mentionné au point 5, M. B... était affecté au cours des années 2009, 2010 et 2011 à des tâches dites " orphelines " à propos desquelles il n'est contesté ni qu'elles correspondaient à son grade, en dépit de leur caractère subalterne, ni qu'elles n'étaient pas dépourvues de réalité. Par suite, le prononcé de cette affectation, à laquelle il a été mis fin en septembre 2011, ne constitue pas une faute de son employeur.

8. M. B... a reçu, le 11 juillet 2011, la sanction de l'avertissement pour s'être abstenu sans motif de se présenter à son entretien annuel d'appréciation et de réaliser des travaux qui lui avaient été demandés. Il a fait l'objet, à l'occasion de ses candidatures à l'avancement au grade de réviseur des travaux de bâtiment déposées au cours de ces années, d'une appréciation de son chef de service " bonne candidature " alors qu'il résulte de l'instruction que les fonctionnaires inscrits sur ces listes avaient systématiquement bénéficié de l'appréciation " excellente candidature ". M. B... a toutefois fait l'objet en 2004 et en 2005 d'appréciations le plaçant à un niveau excellent, notamment en ce qui concerne son aptitude à exercer des fonctions différentes de même niveau ou d'un niveau supérieur.

Alors qu'il était affecté de 2012 à 2014 sur un poste d'agent de production courrier, ses fiches de notation produites en appel qualifiaient son niveau d'excellent, constataient qu'il avait dépassé les objectifs qui lui avaient été assignés et considéraient, sur l'ensemble de cette période, que sa valeur professionnelle était largement supérieure aux exigences du poste et, en 2012 et 2013 et qu'il manifestait des capacités à évoluer à des fonctions de niveau supérieur. La Poste n'a fait état au cours de la procédure d'aucun élément de nature à établir, au regard notamment des éléments à prendre en compte à cet effet, figurant sur la liste prévue par l'arrêté du 9 juillet 2001, que la valeur professionnelle de l'intéressé devait nécessairement être appréciée de façon moins favorable entre 2009 et 2011. Ainsi, l'appréciation de sa valeur professionnelle aurait été de nature à nuancer sensiblement l'appréciation de la valeur de sa candidature à l'avancement au grade de réviseur des travaux. Il résulte en outre de l'instruction que certains agents travaillant dans le même service que M. B... ont été promus au grade de réviseur des travaux de bâtiment à la suite de leur inscription sur la liste d'aptitude élaborée au titre des années 2009, 2010 et 2011 alors que leur ancienneté était inférieure à la sienne. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir que l'absence de notation au cours des années 2009 à 2011 l'a privé d'une chance sérieuse d'être promu à ce grade dès 2010 à compter du 30 décembre 2009.

9. M. B... a droit à la réparation du préjudice matériel consistant en la différence entre le traitement qui lui a été versé du 1er janvier 2010 au 30 avril 2014 et le traitement dont il aurait bénéficié s'il avait été promu au grade de réviseur des travaux de bâtiment à compter du 31 décembre 2009. Il reconnaît cependant lui-même que le montant de 12 738,61 euros auquel il évalue ce préjudice ne tient pas compte des charges sociales venant en déduction du traitement brut. Le montant de ces charges ne résulte pas de l'instruction. Dès lors, l'état de l'instruction ne permettant pas de déterminer le montant de l'indemnité due au requérant sur ce point, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de le renvoyer devant l'administration pour y être procédé à la liquidation en principal et intérêts de cette indemnité, M. B... ayant droit aux intérêts au taux légal correspondant à cette indemnité à compter du 31 décembre 2014, date de réception de sa demande du 22 décembre 2014.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a condamné La Poste à ne lui allouer que la somme de 3 000 euros.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Eu égard à la nature des conclusions indemnitaires sur lesquelles il statue, le présent arrêt n'implique pas pour La Poste de nommer M. B... au grade de réviseur des travaux bâtiments à compter du 31 décembre 2009, de reconstituer sa carrière à compter de cette date et notamment de reconstituer ses droits sociaux et ses droits à pension. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées en ce sens ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que La Poste demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de La Poste la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La Poste est condamnée à verser à M. B... une somme correspondant à la perte de revenus subie par ce dernier du 1er janvier 2010 au 30 avril 2014, déterminée conformément aux motifs du présent arrêt, avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2014. M. B... est renvoyé devant La Poste pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette indemnité.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 2 février 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La Poste versera à M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... et les conclusions de La Poste présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et à La Poste.

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2019, où siégeaient :

* M. Gonzales, président,

* M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

* M. Jorda, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 février 2019.

N° 17MA01384 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA01384
Date de la décision : 05/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : DRAGONE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-02-05;17ma01384 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award