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31/01/2019 | FRANCE | N°18MA02773

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 31 janvier 2019, 18MA02773


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les arrêtés du 24 avril 2018 par lesquels le préfet de Vaucluse lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux années.

Par un jugement n° 1801378 du 15 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa de

mande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2018, M. B......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les arrêtés du 24 avril 2018 par lesquels le préfet de Vaucluse lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux années.

Par un jugement n° 1801378 du 15 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2018, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1801378 du 15 mai 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 24 avril 2018 portant obligation de quitter le territoire français sans délai ;

3°) d'annuler la décision du 24 avril 2018 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux années.

4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 500 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est entré régulièrement sur le territoire français en 1987 ;

- il a sollicité son admission au séjour le 14 mai 2018 auprès du préfet de Vaucluse ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une décision de refus de titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'autorité signataire de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français était incompétente ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de Vaucluse qui n'a pas produit d'observations en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Silvy a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... B..., ressortissant algérien né, selon ses déclarations, le 29 janvier 1965, relève appel du jugement du 15 mai 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de Vaucluse du 24 avril 2018 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux années.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Si M. B... fait valoir sa résidence habituelle en France depuis 1987, son hébergement par des proches et les liens personnels et affectifs qu'il a noués sur le territoire français, il ne produit aucun élément de nature à étayer ses allégations. Il ressort, en outre, de ses déclarations circonstanciées lors de son audition par un officier de police judiciaire de la gendarmerie nationale de Pernes-lès-Fontaines le 24 avril 2018 qu'il est célibataire, sans charge de famille en France et que ses neveux et cousins résideraient toujours en Algérie. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, eu égard aux effets et aux buts poursuivis par cette mesure.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 alors applicable : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) ".

5. Le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative fasse obligation de quitter le territoire français à un étranger qui se trouve dans l'un des cas mentionnés aux 1° et 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ne saurait davantage y faire obstacle la circonstance qu'un récépissé ou une autorisation provisoire de séjour a été délivré à l'intéressé pendant la durée d'instruction de cette demande de titre de séjour. Il ne saurait en aller autrement que lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à l'intéressé, cette circonstance faisant alors obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une mesure l'obligeant à quitter le territoire français.

6. M. B... fait valoir qu'il est entré régulièrement sur le territoire français en 1987, qu'il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " le 14 mai 2018 auprès du préfet de Vaucluse et que cette autorité ne pouvait l'obliger à quitter le territoire français sans s'être prononcée au préalable sur son droit au séjour. Il n'établit toutefois ni l'entrée régulière dont il se prévaut, ni la continuité de son séjour sur le territoire français depuis lors. Il s'ensuit qu'il se trouvait dans le champ d'application des dispositions précitées du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, il ressort des pièces du dossier qu'eu égard à la faiblesse de ses attaches privées, personnelles et familiales en France, telle qu'exposée au point 3, il ne peut bénéficier de l'attribution de plein droit du titre de séjour " vie privée et familiale " qu'il a sollicité par voie postale postérieurement aux arrêtés en litige. Dès lors, le préfet de Vaucluse pouvait légalement prononcer la mesure d'éloignement en litige, sans se prononcer sur son droit au séjour, en se fondant sur les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En troisième lieu, si M. B... fait valoir que le préfet ne pouvait prendre à son endroit la mesure d'éloignement en litige en raison de l'incertitude sur son identité, celle-ci ressort de ses dernières déclarations sur procès-verbal dans le cadre de sa garde en vue et n'est pas remise en cause par la circonstance qu'il a été, précédemment, visé par une mesure d'éloignement sous une identité d'emprunt. Le moyen doit, par suite, être écarté.

8. En quatrième lieu, le moyen tiré de ce que M. B... aurait été privé d'un délai raisonnable pour pouvoir justifier de sa situation en France n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne l'arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français :

9. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige a été signé, au nom du préfet de Vaucluse, par M. A... E..., sous-préfet, directeur de cabinet, titulaire d'une délégation de signature " à l'effet de signer tous arrêtés (...) relevant des attributions de l'État dans le département de Vaucluse " à l'exception des " réquisitions de la force armée " et des " arrêtés de conflit " accordée par l'article 2 de l'arrêté du 13 mars 2018 de M. G... D..., préfet de Vaucluse, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de l'État dans le département de Vaucluse. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 24 avril 2018 portant interdiction de retour sur le territoire français aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait.

10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 alors applicable : " (...) III. L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

11. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

12. La décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français en litige, qui vise les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne les renseignements recueillis sur M. F... B...et en premier lieu son état-civil, la circonstance qu'il est démuni de tout document d'identité et de toute autorisation de circulation ou de séjour sur le territoire français, les faits d'usurpation d'identité dont il se serait rendu coupable et fait état de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français pris à son encontre le même jour. Cette décision fait également état de ce qu'il a précédemment fait l'objet, sous une autre identité, d'une mesure d'expulsion le 6 juin 2006 maintenue le 9 septembre 2011. Elle précise enfin que le requérant ne peut justifier de l'entrée en France en 1987 ou 1988 qu'il allègue, qu'il ne dispose d'aucun lien, ni d'aucun membre de sa famille nucléaire sur le territoire français, ni ne démontre d'insertion socio-économique. Elle, comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

13. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été indiqué au point 3 que M. B... n'établit ni la continuité et la durée de son séjour français et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il disposerait d'attaches personnelles, familiales ou professionnelles particulières sur le territoire français. Dès lors, la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux années dont il fait l'objet ne porte pas une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, eu égard à l'objet et aux effets de cette mesure.

14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. L'ensemble de ses conclusions, en ce y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit, par suite, être rejeté.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2019, où siégeaient :

- M. Poujade, président de chambre,

- M. Portail, président assesseur,

- M. Silvy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 janvier 2019.

2

N° 18MA02773


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA02773
Date de la décision : 31/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Jean-Alexandre SILVY
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : ALBERT-SALMERON

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-01-31;18ma02773 ?
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