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29/01/2019 | FRANCE | N°17MA02415

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 29 janvier 2019, 17MA02415


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 20 novembre 2014 par laquelle le maire de la commune de Lattes a refusé le raccordement de la parcelle lui appartenant au réseau public d'électricité et d'enjoindre au maire de cette commune de procéder à une nouvelle instruction de sa demande sous condition de délai.

Par le jugement n° 1500056 du 13 avril 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :


Par une requête, enregistrée le 12 juin 2017, et par un mémoire complémentaire, enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 20 novembre 2014 par laquelle le maire de la commune de Lattes a refusé le raccordement de la parcelle lui appartenant au réseau public d'électricité et d'enjoindre au maire de cette commune de procéder à une nouvelle instruction de sa demande sous condition de délai.

Par le jugement n° 1500056 du 13 avril 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2017, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 21 novembre 2018, MmeC..., représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 avril 2017 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler la décision du 20 novembre 2014 du maire de la commune de Lattes ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Lattes d'instruire à nouveau sa demande de raccordement électrique dans un délai de 8 jours à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Lattes la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que l'avis défavorable du maire, consulté par ERDF en application de l'article 2 du décret n° 2011-1697 du 1er décembre 2011 modifié, n'est pas un acte préparatoire dépourvu de caractère décisoire insusceptible de recours ;

- le recours contre cette décision relève de la compétence du juge administratif ;

- la décision en litige a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée en droit ;

- le motif qui fonde le refus de raccordement est erronée, dès lors que la parcelle en litige est située en zone agricole Ap du plan local d'urbanisme et non en zone naturelle ;

- le maire ne pouvait pas légalement se fonder sur la seule situation du terrain nu en zone naturelle ou agricole pour refuser le raccordement ;

- sa demande ne porte pas atteinte au caractère agricole de la zone ;

- les dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme ne sont pas opposables dès lors que la remise en état du mazet a fait l'objet d'un permis de construire ;

- le raccordement sollicité ne nécessite aucune extension ou renforcement du réseau au sens de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 octobre 2018 et 30 novembre 2018, la commune de Lattes, représentée par la SCP d'avocats VPNG, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme C...la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'est pas irrégulier dès lors que l'avis défavorable du maire, qui est consultatif dans le cas d'un simple branchement au réseau, est dépourvu de caractère exécutoire ;

- elle demande une substitution de base légale dès lors que le maire aurait rendu le même avis en se fondant sur la situation de la parcelle en zone agricole ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2011-1697 du 1er décembre 2011 relatif aux ouvrages des réseaux publics d'électricité et des autres réseaux d'électricité et au dispositif de surveillance et de contrôle des ondes électromagnétiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carassic,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me B...représentant Mme C...et Me A...représentant la commune de Lattes.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...est propriétaire d'une parcelle cadastrée DM n° 52 située sur le territoire de la commune de Lattes. Elle a demandé à ERDF le raccordement au réseau public d'électricité du " mazet " implanté sur cette parcelle. Consulté par ERDF, le maire de la commune de Lattes a donné un avis défavorable à ce raccordement. Par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté la demande de Mme C...tendant à l'annulation de cet avis.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La décision prise par le maire d'une commune de s'opposer au raccordement définitif d'un bâtiment en application de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme peut être notifiée tant à l'intéressé lui-même qu'au gestionnaire du réseau à l'occasion de l'avis que celui-ci sollicite auprès de la commune, dans le cadre de la procédure prévue au I de l'article 2 du décret du 1er décembre 2011 pour l'exécution des travaux qui concernent des ouvrages de basse tension, des travaux de construction de lignes électriques dont la longueur n'excède pas trois kilomètres et des travaux d'implantation d'ouvrages visant à modifier les niveaux de tension et de leurs organes de coupure, dès lors que le niveau de tension supérieur n'excède pas 50 kilovolts. Par suite, le courrier par lequel un maire informe le gestionnaire du réseau de son refus de faire droit à une demande de raccordement émanant d'un particulier, qui a pour effet de refuser le raccordement du bâtiment, ne constitue pas un simple avis d'opposition aux travaux d'extension projetés par le gestionnaire devant être analysé comme une mesure préparatoire insusceptible d'être contestée directement par la voie du recours pour excès de pouvoir, mais constitue une décision administrative susceptible de recours contentieux. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté comme irrecevable pour ce motif la demande dont ils étaient saisis par MmeC.... Le jugement attaqué, qui est ainsi entaché d'irrégularité, doit donc être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et, par là, de statuer en qualité de juge de première instance sur la demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Montpellier.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 20 novembre 2014 :

4. En premier lieu, l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 alors en vigueur et aujourd'hui codifiée dans le code des relations entre le public et l'administration, prévoit que doivent être motivées les décisions qui " refusent une autorisation " et l'article 3 de cette loi affirme que " la motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

5. La décision en litige se borne à indiquer que "la parcelle se situe en zone naturelle du plan local d'urbanisme" sans comporter la moindre mention de dispositions législatives ou réglementaires applicables susceptibles de constituer le fondement de l'avis défavorable du maire au raccordement sollicité par l'intéressée. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que la parcelle en cause est située en réalité en zone agricole du plan local d'urbanisme, ainsi d'ailleurs que l'admet la commune. Par suite, et alors même que Mme C...a pu, lors d'entretiens avec des agents communaux, comprendre les motifs de ce refus, cette décision ne satisfait pas aux exigences de motivation fixées par les dispositions de la loi du 11 juillet 1979 aujourd'hui codifiée dans le code des relations entre le public et l'administration. Si la commune demande à la Cour de procéder à une substitution du motif de la décision attaquée, cette éventuelle substitution ne saurait remédier au vice de forme résultant de l'insuffisance de motivation de la décision en litige. Dès lors, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de la décision contestée doit être accueilli.

6. En deuxième lieu, la commune demande une substitution de base légale en soutenant que la décision en litige pouvait être légalement fondée sur l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme alors applicable, qui prévoit que : "Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent,( nonobstant toutes clauses contraires des cahiers des charges de concession, d'affermage ou de régie intéressée), être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu des articles précités.". Ces dispositions permettent au maire au regard du règlement du plan d'occupation des sols ou du plan local d'urbanisme, de s'opposer au raccordement définitif aux réseaux publics de distribution d'électricité notamment, d'un terrain sur lequel sont édifiées des constructions non autorisées.

7. Il ressort des pièces du dossier que la requérante a sollicité un raccordement définitif du mazet existant sur sa parcelle pour réaliser un forage afin d'alimenter un potager et un jardin d'agrément sur ce terrain. La remise en état de ce mazet, qui date du 19ème siècle et qui sert d'abri agricole, a fait l'objet d'un permis de construire délivré le 2 mars 1983. En l'absence d'irrégularité de la construction et de la transformation de ce local, le maire ne pouvait pas davantage se fonder sur l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme pour refuser ce raccordement.

8. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît susceptible de fonder, en l'état du dossier, l'annulation de la décision en litige.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...est fondée à demander l'annulation de la décision du 20 novembre 2014 du maire de la commune de Lattes.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

10. Eu égard au motif qui le fonde, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au maire de la commune de Lattes de réexaminer la demande de raccordement au réseau électrique de Mme C...dans le délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de MmeC..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Lattes la somme de 2 000 euros à verser à Mme C...au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1 : Le jugement du 13 avril 2017 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La décision du 20 novembre 2014 du maire de la commune de Lattes est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune de Lattes de se prononcer sur la demande de raccordement au réseau public d'électricité de Mme C...dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La commune de Lattes versera la somme de 2 000 euros à Mme C...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Lattes sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...et à la commune de Lattes.

Délibéré après l'audience du 15 janvier 2019, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente de chambre,

- Mme Simon, président-assesseur,

- Mme Carassic, première conseillère.

Lu en audience publique, le 29 janvier 2019.

2

N°17MA02415


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA02415
Date de la décision : 29/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Autorisation des installations et travaux divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : ZENOU

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-01-29;17ma02415 ?
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