La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/01/2019 | FRANCE | N°18MA02992

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 28 janvier 2019, 18MA02992


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Paul Beveraggi a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune de Monticello à lui verser une somme de 481 610,08 euros au titre de travaux supplémentaires, outre une somme de 44 758,02 euros au titre de l'actualisation au 30 septembre 2013, assortie des intérêts moratoires à compter du 9 janvier 2015, en règlement du marché de construction d'une école maternelle et élémentaire.

Par un jugement n° 1700537 du 9 mai 2018, le tribunal admini

stratif de Bastia a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Paul Beveraggi a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune de Monticello à lui verser une somme de 481 610,08 euros au titre de travaux supplémentaires, outre une somme de 44 758,02 euros au titre de l'actualisation au 30 septembre 2013, assortie des intérêts moratoires à compter du 9 janvier 2015, en règlement du marché de construction d'une école maternelle et élémentaire.

Par un jugement n° 1700537 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Bastia a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 25 juin 2018, la société Paul Beveraggi, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 mai 2018 ;

2°) de condamner la commune de Monticello à lui verser la somme de 645 164,65 euros hors taxes en règlement de ce marché, augmentée des intérêts moratoires à compter du 9 janvier 2015 ;

3°) de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de la commune de Monticello au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué ne répond pas au moyen tiré de la possibilité d'obtenir le paiement des travaux au titre de l'enrichissement sans cause ;

- le décompte général du marché étant irrégulier, sa demande était recevable ;

- elle n'était pas tenue de présenter un mémoire de réclamation après l'intervention du décompte ;

- les travaux supplémentaires réalisés étaient indispensables ;

- les pénalités de retard étaient infondées ;

- elle est en droit d'obtenir l'actualisation des prix ;

- à défaut d'obtenir le paiement des sommes dues au titre de la responsabilité contractuelle, elle est en droit de les obtenir sur le fondement de l'enrichissement sans cause.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 décembre 2018, la commune de Monticello, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société Paul Beveraggi en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable car elle se heurte à l'autorité de la chose jugée par la C

our dans son arrêt du 11 décembre 2017 ;

- elle est également irrecevable car le décompte général notifié le 10 novembre 2014 est devenu définitif ;

- le jugement est suffisamment motivé ;

- les moyens de la requête sont infondés.

Un mémoire présenté par la société Paul Beveraggi et enregistré le 9 janvier 2019 n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...Grimaud, rapporteur ;

- et les conclusions de M. A...Thiele, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un marché de travaux publics conclu le 1er avril 2009, la commune de Monticello a confié à la société Paul Beveraggi le lot n° 1 du chantier de construction d'une école maternelle et élémentaire. A la suite de la réception des ouvrages, prononcée le 19 juillet 2013, la société Paul Beveraggi a adressé son projet de décompte final au maître d'oeuvre de l'opération le 3 décembre 2013 puis mis en demeure le maître de l'ouvrage d'établir le décompte le 3 octobre 2014. La commune lui a, le 10 novembre 2014, adressé le décompte général du marché. Elle a alors saisi le tribunal administratif de Bastia d'une première demande contentieuse, tendant à la fixation du solde du marché et à la condamnation de la commune de Monticello à lui verser la somme totale de 600 406,65 euros hors taxes en règlement de ce marché. La société ayant relevé appel du jugement qui l'avait déboutée, la Cour l'a annulé mais, statuant par voie d'évocation, a à son tour rejeté sa demande en lui opposant le défaut de réclamation préalable. Elle a alors engagé une seconde action devant le tribunal administratif de Bastia, lequel, par le jugement attaqué du 9 mai 2018, a de nouveau rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le jugement attaqué ne répond pas aux conclusions de la société tendant à ce que la condamnation demandée soit prononcée sur le fondement de l'enrichissement sans cause, présentées dans son mémoire du 29 décembre 2017. La société Beveraggi est par suite fondée à soutenir que le jugement est entaché d'omission à statuer et doit en conséquence être annulé.

3. Il y a lieu dès lors d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes des parties.

Sur les conclusions à fin de condamnation :

4. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 13.31 du cahier des clauses administratives générales applicables au marché en cause : " Après l'achèvement des travaux, l'entrepreneur (...) dresse le projet du décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché dans son ensemble (...) ". Aux termes de l'article 13.42 du même cahier : " Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service avant la plus tardive des deux dates ci-après : / Quarante-cinq jours après la date de remise du projet de décompte final. (...) ". En vertu des stipulations de l'article 13.44 de ce cahier : " L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Ce délai est de trente jours, si le marché a un délai d'exécution inférieur ou égal à six mois. Il est de quarante-cinq jours dans le cas où le délai contractuel d'exécution du marché est supérieur à six mois. / (...) Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas encore fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'oeuvre dans le délai indiqué au premier alinéa du présent article. Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50 ". Aux termes de l'article 50 du même cahier : " Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage. / 50.23. La décision à prendre sur les différends prévus aux 21 et 22 du présent article appartient au maître de l'ouvrage. / Si l'entrepreneur ne donne pas son accord à la décision ainsi prise, les modalités fixées par cette décision sont appliquées à titre de règlement provisoire du différend, le règlement définitif relevant des procédures décrites ci-après. / 50.3. Procédure contentieuse : / 50.31. Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur, ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent. Il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs de réclamation énoncés dans la lettre ou le mémoire remis à la personne responsable du marché ".

5. Après avoir adressé son projet de décompte final au maître de l'ouvrage le 3 décembre 2013, la société Paul Beveraggi a formulé auprès de ce dernier deux demandes tendant au règlement du marché les 25 avril 2014 et 3 octobre 2014. Eu égard à leurs termes respectifs, seule la seconde de ces demandes peut être regardée comme une mise en demeure d'établir le décompte général du marché. Celui-ci a été notifié le 10 novembre 2014, qui correspond ainsi à la date à compter de laquelle courait le délai de quarante-cinq jours imparti à l'entreprise pour le contester, la circonstance que ce décompte soit intervenu au-delà du délai de quarante-cinq jours prévu par les stipulations de l'article 13.42 du cahier des clauses administratives générales étant sans aucune incidence sur sa régularité. Or, il résulte de l'instruction que la société Paul Beveraggi n'a adressé son mémoire de réclamation à la commune de Monticello que le 25 janvier 2017, soit au-delà du délai qui lui était imparti pour ce faire. La commune de Monticello est donc fondée à opposer la forclusion.

6. En deuxième lieu, les parties sont liées par un contrat dont la requérante n'argue pas l'absence de validité. La société Paul Beveraggi ne peut dès lors utilement invoquer la responsabilité quasi-délictuelle de la commune de Monticello, non plus que son enrichissement sans cause.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société Paul Beveraggi doit être rejetée.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Monticello, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement à la société Paul Beveraggi de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Paul Beveraggi la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Monticello et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1e : Le jugement n° 1700537 du tribunal administratif de Bastia du 9 mai 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Paul Beveraggi devant le tribunal administratif de Bastia est rejetée.

Article 3 : La société Paul Beveraggi versera une somme de 3 000 euros à la commune de Monticello au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Paul Beveraggi et à la commune de Monticello.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2019, où siégeaient :

- M. David Zupan, président,

- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur,

- M. D... Grimaud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 janvier 2019.

2

N° 18MA02992


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA02992
Date de la décision : 28/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-08-01 Marchés et contrats administratifs. Règles de procédure contentieuse spéciales. Recevabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : CHASSANY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-01-28;18ma02992 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award