Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société EA Pharma a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du ministre de l'économie et des finances du 18 septembre 2014 refusant la mise sur le marché, au titre de la réglementation des compléments alimentaires, du produit " Chondrostéo + articulations ", ainsi que la décision du 25 novembre 2014 rejetant son recours contre cette première décision.
Par un jugement n° 1500244 du 14 novembre 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 décembre 2017, la société EA Pharma, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les décisions du ministre de l'économie et des finances du 18 septembre 2014 et du 25 novembre 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la substitution de motifs effectuée en cours d'instance devant le Tribunal l'a été sans respecter les garanties procédurales attachées à ce procédé ;
- la qualification de médicament donnée au produit ne peut se fonder sur son étiquetage ;
- les décisions du ministre sont entachées d'erreur de droit car le refus de commercialisation ne peut être fondé que sur l'absence de documents dans la déclaration ou sur un risque pour la santé publique ;
- le refus d'autoriser la commercialisation porte atteinte au principe de libre circulation des marchandises énoncé par les stipulations des articles 28 et 29 du traité sur l'Union européenne dès lors qu'elle ne repose pas sur une évaluation approfondie des risques de ce produit pour la santé publique ;
- la qualification de médicament donné au produit " Chondrostéo + 10 jours " est entachée d'erreur de droit car elle ne se fonde pas sur l'ensemble des caractéristiques du produit ;
- les autorités ont commis une erreur de qualification juridique car le dosage de glucosamine du produit en cause, qui s'élève à 1 183 mg par jour, est inférieur à celui des médicaments utilisant cette molécule et ne peut suffire à créer un doute sur la nature de ce produit ;
- ce dernier ne présente aucun risque pour la santé et les éventuels risques pourraient être parés par un étiquetage adapté, de telle sorte que l'interdiction générale et absolue de commercialisation est excessive.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 novembre 2018, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la société ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 20 novembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 ;
- l'arrêté du 14 juin 2006 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... Grimaud, rapporteur,
- les conclusions de M. A... Thiele, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la société EA Pharma.
Considérant ce qui suit :
1. La société EA Pharma a déposé le 31 juillet 2014, auprès de la direction départementale de la protection des populations de Paris, une déclaration fondée sur les dispositions du décret du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires et portant sur un produit dénommé " chondrostéo + 10 jours ". Le 18 septembre 2014, le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a refusé d'enregistrer cette déclaration au motif, d'une part, que la société n'avait pas mentionné, dans son dossier de déclaration, si celle-ci reposait sur les dispositions de l'article 15 ou de l'article 16 de ce décret, d'autre part, que le produit apportant plus de 1 200 mg de glucosamine par jour, il pouvait être regardé comme un médicament n'entrant pas dans le champ d'application de ce décret et, enfin, que l'étiquetage n'était pas conforme aux dispositions des articles R. 112-1 à R. 112-31 du code de la consommation. La société EA Pharma ayant présenté un recours gracieux contre cette décision, le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a confirmé sa décision initiale le 25 novembre 2014.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si la société EA Pharma soutient que les premiers juges auraient procédé à une substitution de motif " au mépris des garanties procédurales ", elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. Ce moyen doit dès lors être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la société EA Pharma, les décisions attaquées ne procèdent pas à la qualification du produit en fonction de son étiquetage mais en considération de ses ingrédients et propriétés, tels que décrits dans le dossier de déclaration. Le moyen tiré d'une erreur de droit commise à ce titre doit donc être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes des dispositions du 5° de l'article 16 du décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires : " La première mise sur le marché français d'un complément alimentaire contenant une substance à but nutritionnel ou physiologique, une plante ou une préparation de plante, ne figurant pas dans les arrêtés prévus aux articles 6 et 7, mais légalement fabriqué ou commercialisé dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen donne lieu à la procédure suivante : / (...) 5° Le refus d'autorisation de commercialisation est motivé : / a) Soit par l'absence des documents et informations mentionnés au c du 2° du présent article ; / b) Soit par des éléments scientifiques, délivrés notamment par l'Agence française de sécurité des aliments, démontrant que le produit présente un risque pour la santé ".
5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la déclaration de la société se fonde sur ces dispositions et le ministre de l'économie et des finances conteste pour sa part qu'elle ait été présentée sur ce fondement. Le moyen tiré de l'erreur de droit dans l'application de ces dispositions doit donc être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 28 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. L'Union comprend une union douanière qui s'étend à l'ensemble des échanges de marchandises et qui comporte l'interdiction, entre les États membres, des droits de douane à l'importation et à l'exportation et de toutes taxes d'effet équivalent, ainsi que l'adoption d'un tarif douanier commun dans leurs relations avec les pays tiers. / 2. Les dispositions de l'article 30 et du chapitre 3 du présent titre s'appliquent aux produits qui sont originaires des États membres, ainsi qu'aux produits en provenance de pays tiers qui se trouvent en libre pratique dans les États membres ". Aux termes des stipulations de l'article 29 du même traité : " Sont considérés comme étant en libre pratique dans un État membre les produits en provenance de pays tiers pour lesquels les formalités d'importation ont été accomplies et les droits de douane et taxes d'effet équivalent exigibles ont été perçus dans cet État membre, et qui n'ont pas bénéficié d'une ristourne totale ou partielle de ces droits et taxes ".
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est du reste pas soutenu par la société requérante que le produit en cause serait importé en France dans le cadre d'un échange interne à l'Union européenne. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées est donc en tout état de cause inopérant.
8. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, le directeur général de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes ne s'est pas fondé, pour édicter les décisions attaquées, sur la circonstance que le produit en cause comporterait un risque pour la santé. Les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation soulevés sur ce point doivent donc être écartés.
9. En cinquième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique, pris notamment pour la transposition de l'article 1er de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain : " On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l'homme ou chez l'animal ou pouvant leur être administrée, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique. / Sont notamment considérés comme des médicaments les produits diététiques qui renferment dans leur composition des substances chimiques ou biologiques ne constituant pas elles-mêmes des aliments, mais dont la présence confère à ces produits, soit des propriétés spéciales recherchées en thérapeutique diététique, soit des propriétés de repas d'épreuve. / (...) Lorsque, eu égard à l'ensemble de ses caractéristiques, un produit est susceptible de répondre à la fois à la définition du médicament prévue au premier alinéa et à celle d'autres catégories de produits régies par le droit communautaire ou national, il est, en cas de doute, considéré comme un médicament ". En vertu de l'article 1er du décret du 20 mars 2006 : " Sans préjudice des dispositions du règlement du 27 janvier 1997 susvisé, les dispositions du présent décret : / 1° Sont applicables aux compléments alimentaires commercialisés comme des denrées alimentaires et présentés comme tels. Ces produits sont vendus au consommateur final sous une forme préemballée ; / 2° Ne s'appliquent pas aux médicaments et aux spécialités pharmaceutiques, tels que définis aux articles L. 5111-1 et L. 5111-2 du code de la santé publique ".
10. Il résulte de la définition du médicament par fonction donnée par les dispositions précitées de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique que, pour décider si un produit relève de la définition du médicament par fonction, il y a lieu de procéder à un examen au cas par cas prenant en compte l'ensemble des caractéristiques du produit dont, notamment, sa composition, ses propriétés pharmacologiques, telles qu'elles peuvent être établies en l'état actuel de la connaissance scientifique, ses modalités d'emploi, l'ampleur de sa diffusion, la connaissance qu'en ont les consommateurs et les risques que peut entraîner son utilisation.
11. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus au 1, les décisions attaquées se fondent, pour écarter la qualification de complément alimentaire du produit " chondrostéo + 10 jours ", sur la seule circonstance que celui-ci représente, étant donné sa posologie, un apport quotidien de glucosamine pure de 1 200 mg et est ainsi assimilable à un produit du même type qui avait été soumis à une autorisation de mise sur le marché en 2011, mais cela en tant que médicament.
12. D'une part, si le directeur général de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes n'était pas tenu de se livrer à une analyse détaillée des caractéristiques du produit en cause dès lors qu'il n'était pas l'autorité compétente pour statuer sur une demande d'autorisation de mise sur le marché au titre des dispositions du code de la santé publique relatives à la mise sur le marché des médicaments, il résulte de ce qui a été dit au point 10 ci-dessus qu'il ne pouvait écarter la qualification de complément alimentaire du " chondrostéo + 10 jours " en se fondant sur le seul critère de l'apport quotidien en glucosamine et sur une assimilation, d'ailleurs imprécise, à un autre produit. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment des différents avis pharmacologiques et notices produites par l'Etat en première instance ainsi que devant la Cour, que la détermination de la quantité quotidienne de glucosamine absorbée par le patient doit être effectuée non sur le fondement de la quantité de chlorhydrate de glucosamine contenue dans la formule du produit, mais en prenant en compte la quantité de glucosamine pure qu'elle comporte. En l'espèce, la société EA Pharma soutient, sans être efficacement contredite sur ce point, que le chlorhydrate de glucosamine qu'elle utilise est pur à 78,93 %, de telle sorte que la posologie de 1 500 mg de chlorhydrate de glucosamine qu'elle recommande correspond à l'absorption quotidienne de seulement 1 185 mg de glucosamine pure. Ainsi, comme le soutient la société requérante, son produit implique un apport de glucosamine inférieur au seuil pharmacologique de 1 200 mg retenu par l'administration, seuil qui, au demeurant, ne ressort d'aucune disposition législative ou réglementaire, recommandation ou avis scientifique invoqués par l'Etat devant la Cour. Il en résulte que le produit " chondrostéo + 10 jours " n'est pas assimilable aux médicaments autorisés auxquels fait référence le ministre de l'économie et des finances, qui comportent tous un apport journalier de glucosamine pure de 1 250 mg.
13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans préjuger d'éventuelles décisions ultérieures de l'agence nationale de sécurité du médicament sur ce point, que les seuls éléments avancés par l'Etat dans les décisions attaquées ainsi que devant la Cour ne sont pas de nature à engendrer un doute sur la qualification de médicament par fonction du produit " chondrostéo + 10 jours " et n'étaient dès lors pas de nature à faire regarder celui-ci comme exclu du champ d'application du décret du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires. La société EA Pharma est dès lors fondée à soutenir que les décisions des 18 septembre 2014 et 25 novembre 2014 sont à cet égard entachées d'erreur de droit et d'erreur de qualification juridique des faits.
14. Toutefois, en vertu des dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 14 juin 2006 relatif aux modalités de transmission des déclarations de première mise sur le marché des compléments alimentaires : " Toute déclaration de première mise sur le marché d'un complément alimentaire doit comporter, outre les pièces requises par le décret du 20 mars 2006 susvisé, un courrier précisant si cette déclaration est effectuée au titre de l'article 15 ou de l'article 16 dudit décret ".
15. Ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, la décision du 18 septembre 2014 repose également sur un motif tiré de l'absence de précision quant au fondement légal de la demande dans la déclaration de la requérante, qui a conduit le directeur général de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes à indiquer à la société que sa demande n'était pas recevable en l'état, ainsi que sur un motif tiré de la non-conformité de l'étiquetage aux dispositions des articles R. 112-1 à R. 112-31 du code de la consommation. Dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le directeur général de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes aurait adopté la même décision en se fondant sur ces seuls motifs, qui sont de nature à la fonder, notamment, en ce qui concerne le premier d'entre eux, en vertu des dispositions précitées de l'arrêté du 14 juin 2006, l'erreur de droit et l'erreur de qualification juridique des faits relevées au point 13 ne peuvent suffire à entraîner l'annulation de cette décision.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la société EA Pharma n'est pas fondée à se plaindre de ce que les premiers juges, dont le jugement est au demeurant suffisamment motivé, ont rejeté sa demande. Sa requête doit en conséquence être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société EA Pharma est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société EA Pharma et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2019, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur,
- M. C... Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 janvier 2019.
2
N° 17MA04885