Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Sérignan-du-Comtat a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner solidairement la société Midi Métal, M. B...A...et la société Alpes Contrôles à lui verser la somme de 35 848,66 euros toutes taxes comprises au titre de leur responsabilité décennale et correspondant aux coûts de réparation de l'ombrière de son complexe socioculturel.
Par un jugement n° 1501222 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a condamné solidairement la société Midi Métal, M. A... et la société Alpes Contrôles à verser la somme de 9 542,88 euros toutes taxes comprises à la commune de Sérignan-du-Comtat, sous déduction de la somme déjà versée, à titre de provision, en exécution de l'ordonnance de référé du 22 septembre 2015, a mis les frais et honoraires de l'expertise à la charge définitive de la société Midi Métal, de M. A...et de la société Alpes Contrôles et a condamné la société Midi Métal à garantir M. A...et la société Alpes Contrôles de la condamnation prononcée à leur encontre à hauteur de 80 %.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 novembre 2017 et le 24 octobre 2018, la commune de Sérignan-du-Comtat, représentée par MeH..., demande à la Cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) à titre principal, de condamner la société Midi Métal, M. A...et la société Alpes Contrôles à lui verser la somme de 35 848,66 euros toutes taxes comprises en réparation des préjudices découlant des désordres affectant l'ouvrage ;
3°) à titre subsidiaire, de désigner un expert afin d'examiner l'aggravation des désordres constatés, d'en déterminer l'étendue et de dire s'ils sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible ;
4°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge respective de la société Midi Métal, de M. A...et de la société Alpes Contrôles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les désordres remettent en cause la solidité de l'ouvrage et son affectation à sa destination et engagent donc la responsabilité décennale des constructeurs ;
- elle est en droit d'obtenir une indemnisation couvrant le remplacement de l'intégralité des lambourdes dès lors que l'extension des dommages à toute l'ombrière est inéluctable.
Par des mémoires en défense enregistrés le 5 février 2018 et le 6 novembre 2018, la société Midi Métal, représentée par MeI..., demande à la Cour :
1°) à titre principal et par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande présentée devant le tribunal par la commune de Sérignan-du-Comtat ;
2°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement et de rejeter la requête de la commune ;
3°) par la voie de l'appel provoqué, de condamner M. A...et la société Alpes Contrôles à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
4°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la commune de Sérignan-du-Comtat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ombrière est un élément d'équipement dissociable de l'ouvrage et elle ne peut voir sa responsabilité décennale engagée à ce titre ;
- les désordres ne remettent pas en cause la solidité de l'ouvrage ou son affectation à sa destination ;
- l'extension des désordres au-delà des lambourdes identifiées par l'expert n'est pas établie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2018, M. A...et la société Alpes Contrôles, représentés par MeE..., demandent à la Cour :
1°) à titre principal et par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement attaqué ;
2°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement et de rejeter la requête de la commune ;
3°) par la voie de l'appel provoqué, de condamner la société Midi Métal à les garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
4°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la commune de Sérignan-du-Comtat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le désordre affectant l'ombrière est de nature décennale ;
- l'extension des désordres au-delà des lambourdes identifiées par l'expert n'est pas établie.
Par ordonnance du 6 novembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F...Grimaud, rapporteur ;
- les conclusions de M. C...Thiele, rapporteur public ;
- et les observations de Me D...pour la commune de Sérignan-du-Comtat et celles de Me G... pour la société Midi Métal.
Considérant ce qui suit :
1. Par un marché conclu le 6 octobre 2006, la commune de Sérignan-du-Comtat a confié à M. A...la maîtrise d'oeuvre de la construction d'un centre socioculturel dénommé " La Garance ". Par un marché de travaux conclu en 2008, la commune a attribué à la société Midi Métal le lot n° 8 " serrurerie " du chantier de construction de cet ouvrage, dont le contrôle technique a été confié à la société Alpes Contrôles. La réception de l'ouvrage a été prononcée sans réserve le 12 juillet 2010 avec effet rétroactif au 18 septembre 2009. A compter du mois d'octobre 2010, la commune a constaté que les lambourdes structurant l'ombrière aménagée au sud de l'ouvrage se déformaient et étaient, pour certaines, arrachées de leur support métallique par ce phénomène de torsion.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le caractère décennal des désordres :
2. En premier lieu, l'ombrière en cause, fixée à la façade sud de l'ouvrage et à la terrasse qui jouxte celle-ci, a été définie dans son principe comme dans sa forme et ses dimensions par les constructeurs de l'ouvrage puis construite à même celui-ci par l'entreprise Midi Métal. Enfin, elle ne constitue pas un équipement destiné à une fonction technique donnée pouvant être distinguée de celles assurées par la structure de l'ouvrage mais, étant liée à celle-ci, elle participe directement aux éléments de clos et de couvert du bâtiment. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société Midi Métal, elle ne constitue pas un élément d'équipement de l'ouvrage mais une partie de celui-ci.
3. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif de Nîmes, que certaines des lambourdes mises en place afin de créer une protection solaire pour la façade sud du centre socio-culturel se déforment en raison de la mauvaise qualité du bois qui les compose et de la taille et des qualités mécaniques insuffisantes des fixations supposées les maintenir en place. Il en résulte un risque de chute des lambourdes sur la terrasse qui, s'il est faible, n'est pas nul ainsi que le souligne l'expert, et est dès lors de nature à remettre en cause la solidité de cette partie de l'ouvrage. Par ailleurs, ce risque de chute des solives sur un espace destiné à accueillir le public du centre socioculturel, ainsi que la dégradation possible, à terme, de la protection solaire offerte par l'ombrière, sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination. Dès lors, la société Midi Métal n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu le caractère décennal des désordres, la circonstance que l'ouvrage ne soit pas affecté dans son intégralité étant sans incidence sur ce point.
En ce qui concerne l'imputabilité des désordres :
4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal, que le désordre affectant les lambourdes découle, d'une part, d'un mode de fixation aux ferrures inadéquat car reposant sur des vis galvanisées et trop courtes et, d'autre part, d'une sélection insuffisamment rigoureuse des pièces de bois. Ce désordre est ainsi imputable, ainsi que l'a jugé le tribunal, à la société Midi Métal, chargée des plans d'exécution de l'ombrière, de sa réalisation et de la sélection des bois, mais également à M. A..., maître d'oeuvre chargé de veiller à la conception de l'ouvrage et à la bonne exécution des travaux, et à la société Alpes Contrôles, contrôleur technique, chargé en vertu de l'article L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation de fournir au maître de l'ouvrage des avis sur la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes, qui se bornent à faire valoir qu'ils ont demandé sans succès à l'entreprise la transmission des plans d'exécution de l'ombrière, élément qui ne saurait suffire à écarter leur responsabilité.
En ce qui concerne l'étendue du préjudice :
5. Si la commune de Sérignan-du-Comtat soutient que le désordre s'est étendu à de nouvelles lambourdes et atteindra inéluctablement l'ensemble de l'ombrière, le constat dressé par un agent de la police municipale le 21 janvier 2014 n'établit pas, faute de précision quant à la localisation des désordres, cette extension des dommages. En outre et en tout état de cause, l'expert désigné par le tribunal a préconisé dans son rapport le remplacement intégral des 1 784 vis de fixation par des vis adaptées en soulignant que cette réparation résoudrait le problème de fixation des poutres, ce qu'aucune des parties, et notamment le maître de l'ouvrage, ne conteste. Il en résulte que la commune disposait, à la date de lecture du rapport, d'une solution de réparation permettant de mettre fin au désordre. Or, ainsi que le font valoir M. A...et la société Alpes contrôles, il résulte de l'instruction, et notamment des photographies jointes au constat dressé par la police municipale évoqué ci-dessus, que le maître de l'ouvrage n'a pas procédé à ce remplacement et que les vis de 25 mm initialement posées par la société Midi Métal sont toujours en place en dépit de leur inadaptation. Il en résulte que l'extension du phénomène d'arrachement des fixations découle de l'absence de réalisation des travaux de réparation préconisés par l'expert et que sa propagation au-delà des trente-cinq poutres initialement affectées et, éventuellement, à l'ensemble de l'ombrière, n'entretient en tout état de cause pas de lien de causalité avec les malfaçons initiales.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de procéder à une nouvelle expertise, que la commune de Sérignan-du-Comtat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont limité la condamnation prononcée à l'encontre des constructeurs au montant de 9 542,88 euros toutes taxes comprises correspondant au remplacement des trente-cinq lambourdes affectées de manière certaine, à la pose de deux équerres à souder manquantes et à la pose des 1 784 vis inoxydables nécessaires à la fixation des lambourdes.
En ce qui concerne les dépens :
7. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat./ Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".
8. Si la commune de Sérignan-du Comtat demande que la société Midi Métal, M. A...et la société Alpes Contrôles supportent la charge des frais de l'expertise ordonnée par le tribunal, elle ne formule aucune critique à l'encontre du jugement, qui a mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 4 185,76 euros toutes taxes comprises, à la charge définitive de ces trois constructeurs. Il y a donc lieu de confirmer le jugement sur ce point.
9. Il résulte de tout ce qui précède que ni la commune de Sérignan-du-Comtat, par la voie de l'appel principal, ni la société Midi Métal, par la voie de l'appel incident, ne sont fondées à demander l'annulation ou la réformation du jugement attaqué. Il y a donc lieu de rejeter ces conclusions de leurs requêtes.
Sur les appels provoqués :
10. Le présent arrêt n'a pas pour effet d'aggraver la situation de la société Midi Métal, de M. A...et de la société Alpes Contrôles. Dès lors, leurs conclusions d'appel provoqué doivent être rejetées comme irrecevables.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Ces dispositions s'opposent à ce que la somme réclamée par la commune de Sérignan-du-Comtat au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de la société Midi Métal, de M. A... et de la société Alpes Contrôles, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Sérignan-du-Comtat les sommes réclamées par la société Midi Métal, M. A...et la société Alpes Contrôles sur le même fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Sérignan-du-Comtat est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sérignan-du-Comtat, à M. B...A..., à la société Midi Métal et à la société Alpes Contrôles.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2019, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur,
- M. F...Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 janvier 2019.
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N° 17MA04487