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24/01/2019 | FRANCE | N°17MA04455

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 24 janvier 2019, 17MA04455


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeC... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1506532 du 4 mai 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 novembre 2017, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 mai 2017 du tribunal adminis

tratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2015 du préfet de l'Hérault ;

3°) d'enjo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeC... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1506532 du 4 mai 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 novembre 2017, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 mai 2017 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2015 du préfet de l'Hérault ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une carte de résident, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à Me A... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de l'absence de consultation de la commission du titre de séjour ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il n'a pas été précédé par la consultation de la commission du titre de séjour ;

- le préfet a inexactement qualifié les faits en retenant que la reconnaissance de son enfant par un ressortissant français était entachée de fraude ;

- l'arrêté contesté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2018, le préfet de l'Hérault, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.

Mme B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 septembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Merenne a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...fait appel du jugement du 4 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 27 juillet 2015 du préfet de l'Hérault refusant de lui délivrer un titre de séjour.

2. A l'appui de sa demande, Mme B...soutenait notamment que l'arrêté contesté avait été pris au terme d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour. Le tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Le jugement attaqué est en conséquence entaché d'irrégularité et doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement en tant que juge de première instance sur la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Montpellier.

4. L'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. S'il se fonde sur les éléments issus d'une enquête des services de la police aux frontières, il n'est pas motivé par référence à ce document, contrairement à ce que soutient Mme B..., de sorte que ce dernier n'avait pas à y être joint. L'arrêté contesté est par suite suffisamment motivé, conformément aux articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 alors applicable.

5. L'arrêté contesté n'est pas pris pour l'application de la décision implicite par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer une carte de résident, ni n'y trouve sa base légale. Mme B... ne peut par suite utilement invoquer l'illégalité de cette décision implicite à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté contesté.

6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ". Aux termes de l'article L. 623-1 du même code : " Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (...). / Ces mêmes peines sont applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage ou d'une reconnaissance d'enfant aux mêmes fins. / Elles sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée ".

7. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés.

8. Mme B...a donné naissance à un enfant nommé Jean-Baptiste le 30 mai 2011 à Montpellier. Celui a été reconnu par un ressortissant français le 1er avril 2014. Tant Mme B... que le ressortissant français en question ont déclaré aux services de police que ce dernier n'était pas le père biologique de l'enfant. Celui-ci a en outre précisé ne pas subvenir à ses besoins ni n'en vouloir la garde. Compte tenu de ces éléments, le préfet de l'Hérault était fondé à retenir que la reconnaissance de paternité avait été souscrite dans le but de faciliter l'obtention d'un titre de séjour et à faire échec à cette fraude. Le préfet a légalement pu refuser pour ce motif de délivrer à Mme B... le titre de séjour sollicité sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de celles du premier alinéa de l'article R. 312-2 du même code que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des étrangers qui remplissent effectivement l'ensemble des conditions de procédure et de fond auxquelles est subordonnée la délivrance d'un des titres mentionnés à l'article L. 312-2. Il résulte de ce qui a été vu au point 8 que Mme B...ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11. Le préfet de l'Hérault n'était par suite pas tenu de saisir la commission du titre de séjour.

10 MmeB..., ressortissante ivoirienne née en 1991, n'établit sa présence sur le territoire national par des pièces suffisamment probantes qu'à compter de l'année 2011. Elle ne justifiait ainsi que de quatre années de résidence habituelle en France à la date de l'arrêté contesté. Elle est célibataire et vit seule avec son enfant. Elle est dépourvue d'activité professionnelle et de revenus propres. Elle est hébergée par une association. Une partie de sa famille, dont sa mère, réside régulièrement en France. Son père réside en Côte d'Ivoire. En refusant de délivrer un titre de séjour à MmeB..., le préfet de l'Hérault, au regard de ces éléments, n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer à Mme B...un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Il résulte de l'article 51 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que celle-ci s'adresse aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. L'arrêté contesté n'a pas été pris pour la mise en oeuvre du droit de l'Union. Mme B... ne peut en conséquence utilement invoquer l'article 24 de la même charte pour en contester la légalité.

12. Enfin, Mme B...n'est pas fondée à invoquer les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors que l'arrêté contesté n'a pas pour objet ou pour effet de séparer l'enfant de ses parents.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté contesté.

14. L'Etat, qui n'est pas tenu aux dépens, n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font en conséquence obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement au profit de MeA....

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 4 mai 2017 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B..., à Me A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2019, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- M. Merenne, premier conseiller.

Lu en audience publique le 24 janvier 2019.

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N° 17MA04455

kp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA04455
Date de la décision : 24/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : BAUTES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-01-24;17ma04455 ?
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