Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... E...a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011.
Par un jugement n° 1500700 du 26 janvier 2017, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 février 2017 et le 28 avril 2017, M. E..., représentée par Me A...C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 janvier 2017 du tribunal administratif de Bastia ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- L'irrégularité de la procédure d'imposition suivie à l'encontre de l'EURL JDP à pour conséquence de supprimer toute base imposable rectifiée provenant de cette société au titre de laquelle il serait personnellement imposable dans la catégorie des revenus distribués ;
- L'administration aurait dû reconstituer le chiffre d'affaires de l'EURL JDP à partir des éléments comptables sur support papier qu'elle a mis à sa disposition, en particulier les tickets Z journaliers du SPAR et l'état annuel des ventes et l'intégralité des doubles des factures de vente pour l'activité de dépôt, le chiffre d'affaires du point chaud n'étant quant à lui pas significatif ;
- La reconstitution de recettes opérée à partir du coefficient sur achats de l'année 2012 n'est pas fiable, dès lors qu'il n'est pas démontré que le coefficient soit constant d'une année sur l'autre et que sa mise en oeuvre aboutit à des résultats incohérents pour certaines ventes de produits ;
- L'écriture caisse/clients remise en cause par l'administration correspond à l'écriture rectificative effectuée pour corriger l'erreur résultant de la comptabilisation en recettes, en fin de journée, du fonds de caisse apporté par les transporteurs de fonds ;
- La majoration de 25 % de la base imposable aux prélèvements sociaux est erronée, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-610 du 10 février 2017.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que :
- Il n'y a pas lieu de statuer à hauteur du dégrèvement de 26 347 euros prononcé en matière de contributions sociales par décision du 24 août 2017 ;
- Les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. E... a produit un nouveau mémoire le 24 août 2017, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon,
- les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public,
- les observations de Me A...C..., représentant M. E...,
- et les observations de M. D..., représentant le ministre de l'action et des comptes publics.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... a fait l'objet, au titre de l'année 2011, d'un rehaussement de ses bases d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales, assorti de pénalités, à raison de revenus regardés, par l'administration fiscale, comme distribués par l'EURL JDP. Il relève appel du jugement du 26 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Bastia a refusé de le décharger des compléments d'imposition auxquels il a ainsi été assujetti.
Sur l'étendue du litige :
2. Par décision du 24 août 2017, l'administration fiscale a prononcé un dégrèvement d'un montant de 26 347 euros en matière de contributions sociales. Dans ces conditions, la demande de décharge présentée par M. E... est, dans cette mesure, devenue sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu pour la Cour d'y statuer.
Sur le surplus des conclusions de la requête :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. La décision prise par la juridiction administrative dans un litige relatif à l'imposition d'une société à l'impôt sur les sociétés est, par elle-même, sans influence sur l'imposition du dirigeant ou de l'associé de cette société à l'impôt sur le revenu, alors même qu'il s'agirait d'un excédent de distribution révélé par un redressement des bases de l'impôt sur les sociétés que l'administration entend imposer à l'impôt sur le revenu entre les mains du bénéficiaire. Par suite, M. E... ne peut utilement se prévaloir de la décharge des impositions à l'impôt sur les sociétés correspondant aux redressements ci-dessus indiqués prononcée par le tribunal administratif de Bastia. Pour la même raison, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'établissement des suppléments d'impôt sur les sociétés assignés à la société JDP est inopérant à l'encontre des suppléments d'impôt sur le revenu assignés personnellement à M. E... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
4. Aux termes des dispositions du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...). Il résulte de ces dispositions qu'en cas de refus des rehaussements par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire des sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve tant de l'existence et du montant des distributions et que de leur appréhension par le contribuable. Elle est toutefois dispensée de démontrer que ce dernier a effectivement disposé des sommes distribuées, lorsqu'il est établi qu'il est le seul maître de l'affaire. Il en va de même lorsque celui-ci s'est lui-même désigné comme le bénéficiaire des distributions en réponse à la demande de désignation faite par l'administration en application de l'article 117 du code général des impôts.
5. En l'espèce, il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que M. E..., en sa qualité d'associé unique et de gérant de l'EURL JDP, dispose des pouvoirs les plus étendus dans la gestion de sa société et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire. Il n'est pas davantage contesté que M. E... s'est, en tant que gérant, lui-même désigné comme le bénéficiaire des distributions en réponse à la demande de désignation présentée par l'administration fiscale.
6. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'au cours de la vérification de comptabilité de la société JDP, qui exerce l'activité de supérette, de grossiste-dépôt et de point chaud, son gérant n'a pas été en mesure de fournir au vérificateur, au titre des exercices clos en 2010 et 2011, une partie de la comptabilité informatisée de l'entreprise, notamment les données des caisses enregistreuses de la supérette et du logiciel de gestion commerciale du dépôt, les fichiers informatisés ayant été détruits antérieurement au contrôle et non sauvegardés. Pour rejeter comme non probante la comptabilité de la société JDP, l'administration fiscale s'est fondée, outre sur l'absence de ces données, et s'agissant de l'exercice 2010, sur la comptabilisation des recettes au moyen d'une seule écriture annuelle par taux de produit et l'absence de conservation des tickets de caisse justifiant des recettes pour la supérette et sur la globalisation en comptabilité des recettes des trois activités. Pour l'année 2011, l'administration a relevé l'absence de conservation des tickets de caisse justifiant des recettes de la supérette, la globalisation des recettes du point chaud et de la supérette et la comptabilisation annuelle des recettes du dépôt. Par ces éléments, l'administration fiscale apporte la preuve du caractère non probant de la comptabilité de l'EURL JDP, quand bien même le gérant disposait des tickets Z journaliers de la supérette enregistrant les ventes par taux de TVA et des factures de ventes du dépôt pour 2011, pièces qui ne suffisent pas à elles seules à pallier les lacunes constatées et que l'administration n'avait pas, dès lors, et contrairement à ce que soutient le requérant, à utiliser pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'entreprise.
7. En deuxième lieu, pour reconstituer les recettes de l'EURL JDP, l'administration a appliqué aux exercices clos en 2010 et 2011, le coefficient sur achats revendus constaté sur l'exercice 2012, pour lequel la comptabilité n'a pas été remise en cause, et retenu comme une donnée fiable interne à l'entreprise, en l'absence d'évolution de ses conditions d'exploitation entre 2010 et 2012, le gérant ayant seulement fait état, au cours du contrôle, d'une tendance progressive à la baisse de la fréquentation du magasin. M. E..., qui se borne à faire valoir que l'application de ce coefficient aux ventes de vins corses, qui représentent environ 8 % des recettes annuelles, est incohérent car il entraîne une rectification négative du chiffre d'affaires en 2010 et à faire état de possibles erreurs de codification lors de l'enregistrement comptable, pouvant expliquer, également, le taux considéré par lui comme excessif en 2012 sur les ventes au taux de 19,6 %, ne conteste pas sérieusement la pertinence de cette méthode. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme justifiant du complément de recettes résultant de la mise en oeuvre de cette méthode de reconstitution.
8. En troisième lieu, s'agissant de la somme de 70 036,22 euros, créditée au compte " caisse " par le débit du compte " clients collectifs " dans la comptabilité de la société JDP, et réintégrée par le vérificateur dans les recettes, M. E... soutient qu'il s'agit de sommes apportées trimestriellement par les transporteurs de fonds, depuis la banque, pour constituer le fonds de caisse, et que l'écriture litigieuse a eu pour objet de réparer l'erreur consistant, le soir, à comptabiliser les espèces ainsi apportées comme des recettes. L'administration fiscale fait toutefois valoir, sans être utilement contredite, que, d'une part, cette écriture ne modifie pas un compte de produits et, d'autre part, que la société n'a justifié ni des retraits en banques, ni de la livraison effective d'espèces par les convoyeurs de fonds. Dès lors, elle doit être regardée comme démontrant que cette somme constitue une recette non déclarée de la société JDP qu'elle était fondée à réintégrer dans son résultat imposable.
9. Dans ces conditions, l'administration fiscale justifie de l'existence et du montant du rehaussement des recettes de l'EURL JDP et, par suite, de celui des distributions en résultant, dont M. E..., associé unique et gérant, est présumé avoir disposé. Elle pouvait donc légalement imposer ces sommes entre ses mains sur le fondement des dispositions précitées de l'article 109 1. 1° du code général des impôts.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. E... à hauteur de la somme de 26 347 euros au titre des contributions sociales.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre Mer.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2019, où siégeaient :
- Mme Mosser, présidente,
- M. Haïli, premier conseiller,
- Mme Courbon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 janvier 2019.
Le rapporteur,
A. COURBONLa présidente,
G. MOSSER
La greffière,
C. CASTELLANI
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
17MA00768 2