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24/01/2019 | FRANCE | N°17MA00642

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 24 janvier 2019, 17MA00642


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL First Dipal a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge de l'amende fiscale infligée par l'administration fiscale sur le fondement de l'article 1737 du code général des impôts d'un montant de 24 998 euros mise en recouvrement le 13 février 2015.

Par un jugement n° 1506456 du 3 janvier 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistré le 15 février 2017 et l

e 14 septembre 2017 SARL First Dipal représentée par la SCP d'avocats Alle et associés, demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL First Dipal a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge de l'amende fiscale infligée par l'administration fiscale sur le fondement de l'article 1737 du code général des impôts d'un montant de 24 998 euros mise en recouvrement le 13 février 2015.

Par un jugement n° 1506456 du 3 janvier 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistré le 15 février 2017 et le 14 septembre 2017 SARL First Dipal représentée par la SCP d'avocats Alle et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 janvier 2017 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de prononcer la décharge de l'amende fiscale en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure à l'origine de l'amende fiscale est irrégulière, eu égard au procès-verbal de clôture d'enquête fiscale et à la méconnaissance de l'article L. 80 H du livre des procédures fiscales ;

- la procédure est irrégulière eu égard à la non-conformité de l'amende mise à la charge de la société eu égard au procès-verbal de clôture d'enquête fiscale et à l'incohérence des constats opérés ;

- le caractère incohérent du contenu des procès-verbaux avancés par l'administration fiscale est manifestement incompatible avec les garanties afférentes à la procédure pénale et celles prévues par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme ;

- elle établit sa bonne foi faisant obstacle à la caractérisation d'une intention de dissimuler l'identité de ses clients.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2017, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête de la SARL First Dipal n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli,

- et les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue du contrôle de facturation entrepris sur le fondement des dispositions des articles L. 80 F à L. 80 H du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale a infligé à la société à responsabilité limitée (SARL) First Dipal, qui exerce une activité de commerce en gros de fournitures et équipements divers de produits alimentaires dans l'enceinte du marché d'intérêt national (MIN) de Montpellier, une amende fiscale en application des dispositions du I de l'article 1737 du code général des impôts. La société relève appel du jugement en date du 3 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en décharge de cette amende.

Sur la régularité de la procédure de mise en oeuvre de l'amende fiscale :

2. Aux termes de l'article L. 80 H du livre des procédures fiscales : " A l'issue de l'enquête prévue à l'article L. 80 F, les agents de l'administration établissent un procès-verbal consignant les manquements constatés ou l'absence de tels manquements. La liste des documents dont une copie a été délivrée lui est annexée s'il y a lieu. Le procès-verbal est établi dans les trente jours qui suivent la dernière intervention sur place ou la dernière convocation. Il est signé par les agents de l'administration ainsi que par l'assujetti ou son représentant, qui peut faire valoir ses observations dans un délai de trente jours. Celles-ci sont portées ou annexées au procès-verbal. En cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal. Une copie de celui-ci est remise à l'intéressé. ".

3. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a établi le 18 juin 2014 un procès-verbal de clôture d'enquête établissant les manquements de la Sarl First Dipal aux règles de facturation constatées susceptibles de faire l'objet d'une sanction prévue par les dispositions du II de l'article 1737 du code général des impôts et indiquant en page 12 et 13 que les factures litigieuses relevaient également d'une sanction prévue au I de l'article L. 1737 du code général des impôts et donneraient lieu à un procès-verbal séparé pour l'établissement de factures dissimulant l'identité et l'adresse du client. Par procès-verbal du même jour, l'administration fiscale a ainsi constaté les infractions aux dispositions du 1. du I de l'article 1737 du code général des impôts et sur ce seul fondement, a infligé à la société appelante l'amende prévue par ces dernières dispositions égale à 50 % du montant des transactions en cause soit 24 998 euros.

4. Si la SARL First Dipal soutient que l'amende appliquée n'est pas conforme au procès-verbal de clôture d'enquête, seul document de nature à pouvoir fonder l'application d'une amende prévue à l'article 1737 du code général des impôts, il est constant que l'administration fiscale a infligé à ladite société l'amende en litige en raison de manquements aux règles de facturation édictées par les articles 289 et 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts sur la base des éléments matériels constatés par le procès-verbal établi spécialement pour la catégorie des infractions prévues au 1. du I de l'article 1737 du code, dans le respect des prescriptions de l'article L 80 H du livre des procédures fiscales. Si l'administration fiscale a également dressé un procès-verbal pour des infractions aux dispositions du II de l'article 1737 du code général des impôts, il est constant qu'elle n'a édicté aucune sanction fiscale sur ce fondement à l'encontre de la société incriminée, en vertu du principe de non-cumul des sanctions portant sur la même assiette. La société ne saurait davantage se fonder sur l'existence de ce procès-verbal établi à son encontre le même jour pour infraction aux dispositions du II de l'article 1737 du code général des impôts, qui est sans incidence sur la procédure d'établissement de l'amende fiscale sur le fondement du 1. du I de l'article 1737 du même code.

5. Si la société appelante fait valoir que le caractère incohérent des procès-verbaux est manifestement incompatible avec " les garanties afférentes à la procédure pénale ", ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant à la Cour d'en apprécier la portée. En tout état de cause, la société requérante n'est pas fondée à contester la procédure d'établissement de l'amende au motif qu'elle aurait été menée en violation des droits de la défense, alors que ledit procès-verbal, citant le 1. du I de l'article 1737 du code général des impôts, relatant les constatations opérées dans la comptabilité de la société et contenant les déclarations de son représentant, a été rédigé en présence de ce représentant et par lui signé, et lui indique la possibilité de présenter ses observations dans un délai de trente jours.

6. Enfin, l'amende fiscale prévue au 1. du I de l'article 1737 du code général des impôts est au nombre des sanctions administratives constituant des " accusations en matière pénale " au sens des stipulations du 3 de l'article 6 de la convention. Un contribuable peut invoquer la méconnaissance de ces stipulations pour contester la procédure d'établissement d'une pénalité fiscale lorsque la mise en oeuvre de cette procédure risque d'emporter des conséquences de nature à porter atteinte de manière irréversible au caractère équitable d'une procédure engagée devant le juge de l'impôt. Toutefois, en l'espèce, la société requérante en se bornant à critiquer l'établissement de deux procès-verbaux pour constater deux catégories d'infractions, n'établit pas que la procédure d'établissement de l'amende a été de nature à porter une atteinte irréversible au caractère équitable de la procédure ultérieurement engagée devant le juge de l'impôt. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. Il s'ensuite que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'amende qui lui a été infligée sur le fondement des dispositions du 1. du I de l'article 1737 du code général des impôts aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière.

Sur le bien-fondé de l'amende fiscale infligée sur le fondement du 1. du I de l'article 1737 du code général des impôts :

8. Aux termes de l'article 1737 du code général des impôts : " I. Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : / 1. Des sommes versées ou reçues, le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom (...) ". Aux termes de l'article 289 du même code : " I. - 1. Tout assujetti est tenu de s'assurer qu'une facture est émise, par lui-même, ou en son nom et pour son compte, par son client ou par un tiers : ... ". Aux termes de l'article 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts : " I. - Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : 1° Le nom complet et l'adresse de l'assujetti et de son client ; ... ". Il appartient ainsi à l'administration, lorsqu'elle met en recouvrement une amende fiscale sur le fondement de ces dispositions, d'une part, d'apporter la preuve que les faits retenus à l'encontre du redevable entrent bien dans les prévisions de ces dispositions et, d'autre part, d'établir que les omissions constatées sur les factures avaient pour objet, de la part du contribuable concerné, de travestir ou dissimuler l'identité véritable de ses clients et ne résultaient pas d'une simple négligence, ou que les mentions figurant sur ces factures résultaient d'une volonté d'accepter, sciemment, l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom.

9. Il résulte de l'instruction que la SARL First Dipal a établi, au cours de la période en litige, une douzaine de factures de clients dont l'identité et l'adresse n'étaient pas valides, les noms et adresses étant inconnus. Alors que les clients de l'entreprise sont essentiellement des professionnels et des associations et que les ventes sont réservées aux professionnels, la société requérante a reconnu au cours des auditions que les comptes clients individualisés n'étaient pas ouverts systématiquement mais à la demande du client ou en cas de demande de délai de paiement et ne conteste pas ne pas avoir procédé aux vérifications d'identité de ses clients. Compte tenu du nombre de factures concernées, 204 en 2012 et 246 en 2013, systématiquement payées en espèces, et correspondant à des clients professionnels réguliers de la société sur une longue période et pour des montant significatifs, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe que la SARL First Dipal, lors de l'établissement de ces factures, a travesti l'identité de ces clients ou a sciemment accepté l'utilisation par ces derniers d'une identité fictive. Si la société requérante fait état de sa bonne foi, alors cependant qu'au cours de la procédure de contrôle son responsable s'est abstenu de toute collaboration avec le service pour contribuer à l'identification réelle des clients, et fait valoir qu'il incombait à la société gestionnaire du MIN de Montpellier d'assurer le contrôle d'accès au site aux seuls professionnels, cette circonstance du fait d'un tiers ne saurait exonérer la société appelante de sa responsabilité fautive dans l'absence de vérification, en sa qualité de grossiste, de l'identité de ses clients portée sur les factures par elle émis et qui ne saurait se limiter à celle de leur qualité de professionnels. De même, la société requérante n'établit pas avoir retranscrit sur les factures litigieuses les noms et adresses portés sur le registre du MIN lors de l'accès du site. Dans ces conditions, la bonne foi de la SARL First Dipal ne peut être retenue et c'est à bon droit que l'administration fiscale a infligé à la SARL First Dipal l'amende prévue par les dispositions précitées du 1. du I de l'article 1737 du code général des impôts pour un montant de 24 998 euros, correspondant à 50 % du montant des factures établies à l'intention des associations précédemment mentionnées.

10. Il résulte de ce qui précède que la société appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande de décharge de l'amende fiscale en litige. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL First Dipal est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL First Dipal et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2019, où siégeaient :

- Mme Mosser, présidente,

- M. Haïli, premier conseiller,

- Mme Courbon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 janvier 2019.

Le rapporteur,

X. HAILILa présidente,

G. MOSSER

La greffière,

C. CASTELLANI

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 17MA00642


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA00642
Date de la décision : 24/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : Mme MOSSER
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : SCP ALLE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-01-24;17ma00642 ?
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